mercredi 26 septembre 2007 par Notre Voie

Les producteurs du N'Zi-Comoé ont salué, samedi dernier, à Yopougon, au cours d'un point de presse, la nomination d'un administrateur provisoire au FDPCC. M. Ahondjon Aka, producteur et planteur de son état, originaire de la sous-préfecture de M'Batto, en leur nom, s'est confié à Notre Voie.
Notre voie : C'est bientôt le début de la campagne agricole 2007-2008 au niveau de la filière café-cacao. comment vont les préparatifs ? Ahondjon Aka : Vous suivez avec nous les remous qu'il y a au niveau de la filière, notamment au FDPCC. Mais Dieu merci, la justice a heureusement nommé un administrateur provisoire depuis le 7 septembre 2007. Il se met petit à petit au travail. Il est même en train de rencontrer tous les auxiliaires de la filière pour permettre aux producteurs et aux coopératives d'amorcer avec sérénité la campagne qui arrive. N.V. : Pourquoi remerciez-vous tant Dieu pour un administrateur qui est nommé au FDPCC ? A.A. : Je dis Dieu merci parce que cela fait 2 ans que nous sommes en train de mener ce combat-là. Nous estimons qu'il y a eu des choses qui n'ont pas été faites comme il le fallait. Avec l'avènement de l'administrateur provisoire, c'est un vent nouveau qui va souffler sur l'avenir des producteurs de la filière café-cacao. N.V. : Qu'est-ce que vous attendiez du FDPCC qui n'a pas pu être réalisé ? A.A. : Il y a beaucoup de choses qui n'ont pas marché en effet. Le FDPCC, c'est le Fonds de développement et de promotion des activités des producteurs du café et du cacao. Et comme son nom l'indique, il a des missions bien précises qui doivent faire le bonheur du paysan, producteur de café-cacao. Mais que voyons-nous ? Rien. Avec du recul, nous voyons que le président de la République est un homme intelligent. Et cela, heureusement pour les paysans ivoiriens. Comme s'il le savait, il a donné la filière aux producteurs. Mais avec des réserves, et il a eu raison des mettre de balises en nommant lui-même un conseil de gestion provisoire pour voir jusqu'où les gens peuvent aller. Et ces gars-là sont tombés dans le piège que le président leur a tendu. N.V.: Le Président Laurent Gbagbo n'était-il pas sincère quand il disait qu'il remettait la filière aux producteurs ? A.A. : Le président de la République a été sincère. Mais il savait que les hommes sont ce qu'ils sont. Nous pensons que c'est pour cela qu'il a lui-même qui a nommé le conseil de gestion provisoire. N.V. : Est-ce le mot provisoire qui constitue ce piège dont vous parlez? A.A. : Le président de la République a donné le temps aux membres de l'Anaproci qui sont allés le voir. Et comme l'Anaproci ne représentait pas toutes les tendances des producteurs, en mettant un conseil de gestion provisoire en place, ces gens-là devaient comprendre qu'il leur demandait de gérer les choses de façon provisoire afin d'organiser les producteurs pour arriver à des élections et asseoir un conseil de gestion définitif du FDPCC. C'est ce que le Président Gbagbo, selon notre entendement, a voulu dire. Et ceux qui sont allés le voir pour la création de ce fonds, étaient au nombre de 32. Il y en a un qui est décédé aujourd'hui. Malheureusement, ils n'ont pas compris le message du chef de l'Etat puisqu'ils n'ont rien fait. N.V. : On se retrouve donc, selon vous, au point de départ ? A.A. : Le bilan du FDPCC est totalement négatif. Durant les 7 années de gestion du conseil de gestion provisoire du FDPCC, les paysans de côte d'Ivoire ont été prélevés pour alimenter ce fonds. Je ne parle du droit unique de sortie. Je ne parle pas du droit de pesage. Je parle des autres prélèvements, c'est-à-dire les projets que le FDPCC aurait pu soumettre à l'assemblée des producteurs pour qu'elle lui dise : " Fais ceci! Fais cela pour le bonheur des producteurs ". N.V. : Ce que vous dites-là est-il juste ? Nous avons souvent assisté de la part du FDPCC à des remises de matériels agricoles et ou de produits phytosanitaires aux producteurs . A.A. : Quand vous prenez une simple coopérative qui a au moins 500 adhérents à laquelle on donne deux cartons de produits phytosanitaires, quoi cela correspond -il ? a qui va-t-on les distribuer ? La loi dit que celui qui 0,5 ha est producteur. Pour le producteur qui a 10 ha, il lui faut au moins 10 cartons d'actara pour ne citer que cet exemple. N.V. : A vous entendre, le bilan du FDPCC a été totalement négatif. Mais ce fonds a-t-il vraiment eu les moyens pour atteindre ses objectifs ? A.A. : Je ne voudrais pas tomber dans cette polémique d'argent parce que c'est beaucoup d'argent qu'on nous prélève. Le Fonds est parti avec des prélèvements de 64 FCFA depuis sa création. Ce prélèvement a été réduit aujourd'hui à 10,5 FCFA. Ce n'est pas rien. N.V. : Vous semblez passer sous silence les réalisations du Fonds. Notamment l'acquisition de Sifca-Coop, la Forexi, Coco Service, etc. Ne trouvez-vous pas qu'il s'agit-là d'actions tout de même louables ? A.A. : Je ne dis pas non. Mais je vous prends une image simple. Vous êtes trois de mes enfants et je vous confie cette maison que vous mettez en location. Après 2 ou 3 ans, l'argent que vous avez eu vous permet d'acheter une autre maison. Vous vous mettez ensemble et vous décidez de ce que vous devez faire de la nouvelle maison. Soit vous décidez de la mettre en location, soit vous décidez de l'habiter. L'argent récolté doit bénéficier à tout le monde. Je ne sais pas quel profit les paysans tirent de toutes ces sociétés acquises. A qui fait-on le bilan de Coco Service ? Forexi travaille en Guinée, au Mali. Mais on fait le bilan à qui ? J'ai fait tout le tour de Méagui, on y trouve des campements qui sont aujourd'hui de véritables villages. Il n'y a pas de points d'eau potable. On continue d'y boire l'eau du marigot. Les routes dans les zones de production de café-cacao sont aujourd'hui impraticables. Elles sont totalement dégradées faute d'entretien de la part du FDPCC. Même l'assurance-maladie pour laquelle nous avons été prélevés 20 FCFA sur le kilo du cacao durant 3 ans, comment se fait-il qu'aujourd'hui les producteurs de Côte d'Ivoire ne sont toujours pas assurés ? N.V. : Selon certains producteurs, le problème du Fonds ne serait pas tant l'organisation mais bien le prix du café-cacao relativement bas à la base qui commande qu'il faut aujourd'hui un prix garanti. Qu'en dites-vous ? A.A. : Ce sont là des combats que nous refusons d'engager. Parce qu'aussi bien le FDPCC que les nombreuses structures de la filière, on n'a pas pu faire la promotion du café et du cacao ivoirien. Mais à chaque chose son temps. Depuis la libéralisation, notre outil principal, c'est le FDPCC. Et pour l'instant nos critiques vont au FDPCC. N.V. : Vous semblez faire une fixation particulière sur le FDPCC. Votre problème n'est-il pas dû au fait que vous n'avez pas souvent bénéficié de ses financements pour vos campagnes agricoles ? A.A. : Le fait même que le FDPCC fait des financements de coopératives pour une quelconque campagne café-cacao est une bêtise. Parce que ce n'est pas son rôle. Le FDPCC n'a pas le droit de faire un financement. Les choses sont claires. Il peut faire des dons, il peut soutenir des producteurs. Mais pour le financement d'une coopérative, le FDPCC doit se mettre en rapport avec une autre structure de la filière qui est le Fonds de garantie des coopératives café-cacao (FGCCC) qui a un agrément pour faire des financements. Ce que le FDPCC a fait, c'est du copinage. Nous ne rentrons pas dans ça. Et c'est d'ailleurs pour toutes ces raisons que nous saluons la nomination de l'administrateur provisoire. Il est neutre et nous pensons que tout le monde viendra lui soumettre ses projets. N.V. : Vous exultez pour la nomination de l'administrateur provisoire. Mais celui-ci n'est pas le premier à ce poste. Il peut être toujours être récusé par le conseil de gestion du FDPCC ? A.A. : Pour quel motif remettrait-on sa nomination en cause ? Je pense qu'il faut que la sagesse les habite. Le dernier décret que le président a pris leur donnait un délai de 12 mois. Il y a plus d'un an que j'ai rencontré Amouzou. C'était au cours des funérailles du maire de M'Batto. Je lui ai dit qu'il y a trop de remous dans la filière. Et, principalement, qu'il en est la cause. Je lui ai dit qu'il y a aujourd'hui beaucoup d'associations et de syndicats. " Appelle-les et allons à un forum. A une table de discussion. Parce qu'après l'Anaproci, personne ne doit exister. Cela crée des frustrations ". Savez-vous ce qu'il a fait ? Il n'a pas donné de suite à ma requête. N.V. : S'il a agi ainsi, n'est-ce pas que vous lui avez déclaré ouvertement la guerre en portant votre problème devant les tribunaux ? A.A : Si nous avons mené ce combat-là, c'est parce qu'on refuse que des individus viennent bafouer l'honorabilité du chef de l'Etat. Le Président Gbagbo a signé un décret qui dit à peu près ceci : « Je vous accorde 12 mois non renouvelables. Organisez le recensement et les élections ». Ceux qui ont eu la gestion quotidienne du Fonds non seulement n'ont rien fait mais ils ont attendu la fin de ces 12 mois pour demander une prorogation du mandat. Mais concrètement, c'était pour quoi faire ? Ce que nous demandons aujourd'hui aux producteurs et surtout au personnel du FDPCC, c'est de rester sereins et de ne pas s'inquiéter.
Interview réalisée par Robert Krassault ciurbaine@yahoo.fr

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