mardi 25 septembre 2007 par Le Matin d'Abidjan

L'ancien chef d'Etat et président du PDCI a fait sa rentrée politique à Dabou le week end dernier. Sa sortie, pour l'essentiel fut une levée de bois vert contre le pouvoir en place, s'attribuant au passage, des valeurs totalement à l'opposé de celles qui ont caractérisé son passage à la tête de l'Etat.

Dans son message qu'il a livré samedi aux populations, et qui n'est rien d'autre que son programme de gouvernement, le président du PDCI-RDA passe au peigne fin la gestion du pouvoir depuis le coup d'Etat de décembre 1999. Au lieu du général Robert Guéi, son bourreau, c'est l'actuel occupant du palais du Plateau que le président Henri Konan Bédié préfère accuser de tous les maux. D'ailleurs, il se convainc que la junte militaire qui l'a renversé était ''à la solde de gens avides de pouvoir''. Avec une allusion claire à Laurent Gbagbo qu'il présente comme étant le bénéficiaire d'une élection qui s'avérera ''une mascarade'' et qui aurait été élu dans des conditions anti démocratiques. Comme il fallait s'y attendre, Bédié a ainsi procédé au noircissement de la Refondation dans le Leboutou. Sur la base d'une étude comparative de la gestion des affaires de l'Etat par le PDCI et le FPI, il conclut que l'appareil étatique est dans un état de déconfiture avancée. Et qu'en fin de compte, il n'y a pas à ce jour, un seul projet digne d'intérêt à mettre au bénéficie du parti au pouvoir. ?'L'une des tâches urgentes pour nous, sera la restauration de l'autorité de l'Etat et le retour à la conscience républicaine. Car l'anarchie délibérément instaurée dans notre pays, l'irrévérence, l'incivisme et le désordre qui en ont résulté ont atteint l'autorité de l'Etat et paralysé son fonctionnement. L'administration s'est délitée et désagrégée. Elle n'est plus en mesure de répondre aux exigences du service public, jetant ainsi ses usagers dans le désarroi. La neutralité et l'impartialité de l'Etat sont profondément entamées par des recrutements partisans au mépris des critères de compétence'', soutient l'ancien chef d'Etat. Henri Konan Bédié se présente ainsi comme un homme neuf, le seul capable de remettre l'économie nationale à flots, d'assainir l'administration et de veiller au respect des droits de l'homme qui seraient massacrés sous Laurent Gbagbo. Mais aussi, il est le mieux placé pour combattre la corruption et la tricherie dans les concours tel que celui d'entrée à l'ENA.

L'Eléphant d'Afrique nouvelle version
Une image qui passerait au sein des populations si elle émanait d'un inconnu sur la scène politique ivoirienne. Et s'il ne s'était pas contenté, comme il l'a fait, de reprendre intégralement les douze chantiers de l'Eléphant d'Afrique, son programme de gouvernement qui n'a pu connaître un début d'exécution malgré sept ans de pouvoir. Soit de 1993 à décembre 1999, quand il a été chassé du pouvoir. Seulement, au lieu des ''12 chantiers'', il y en a désormais 22. A l'analyse, dans sa volonté de s'offrir les voix des populations du Leboutou, Bédié fait des amalgames et dit des contrevérités qu'il convient de relever tout de suite. Pour blâmer Laurent Gbagbo, il s'appuie beaucoup plus sur les acquis sous Houphouët Boigny que sur ceux réalisés sous son règne et qui a été marqué par des scandales à répétition. Juste quelques faits suffiront pour mettre en relief les incongruités débitées par le natif de Daoukro dans sa fameuse adresse aux Ivoiriens. D'abord sur le plan financier, le scandale du détournement des 18 milliards de l'Union européenne colle à la peau de son pouvoir qui a été emporté à une période où la flambée des prix avait atteint son paroxysme alors que rien ne le justifiait. Dans ce contexte, des pans entiers de l'économie nationale comme la vente de riz étaient confisqués par des membres de la famille présidentielle. L'ex- président s'était alors montré incapable de faire baisser les prix sur le marché, narguant au passage les populations qui ont longtemps souffert de l'arrogance de son entourage et des membres de sa famille. C'est cette même attitude qu'il a d'ailleurs affichée face aux revendications des militaires qui finiront par écourter son mandat, las de rester sans interlocuteur alors que Bédié sablait tranquillement le champagne à Pepressou. En ce qui concerne les droits de l'homme, Bédié se fend d'accusations sans preuve contre le régime. Notamment quand il parle du charnier de Yopougon, de profanations de cercueils et de tombes, de l'insécurité, des assassinats, de la mort de Jean Hélène et de la disparition du journaliste franco-canadien Guy André Kieffer. Des faits comme tant d'autres qu'il impute à Laurent Gbagbo sans un début de preuve.

De la promotion du tueur de Jean Hélène
A propos de la mort de Jean Hélène, il faut dire que le morceau est si gros qu'on en est à se demander si Bédié vit réellement en Côte d'Ivoire. Ou alors c'est la soif du pouvoir qu'il rêve de reconquérir qui le pousse à intoxiquer les Ivoiriens et la communauté internationale. Pour sa gouverne, il est bon de souligner que le sergent de police Dago Sery, qui s'est rendu coupable du meurtre de l'ex-correspondant de RFI en Côte d'Ivoire, a été jugé et condamné à une peine de prison qu'il continue de purger. Il est donc en prison et ne peut avoir été promu comme le prétend insidieusement le président du PDCI. Plus grave, le journaliste français n'a pas été tué en plein jour comme il l'a soutenu, mais en soirée. Au sujet de la presse nationale, le diagnostic du septuagénaire révèle ''des rédactions brûlées, dépouillées et saccagées, des journalistes bâillonnés, emprisonnés et pourchassés pour des délits d'opinion'' Ce cliché, il faut le dire, colle beaucoup plus à son passage à la tête de l'Etat au cours duquel des hommes de presse ont été emprisonnés. Hamed Bakayoko alors directeur de publication de ''Le Patriote'', Souleymane T Senn, alors journaliste à ''Notre Voie'' et Sran Haïsy qui étaient au journal ''Le populaire'' de Raphael Lakpé en ont fait les frais. Dès l'accession de Laurent Gbagbo par contre, les délits de presse seront dépénalisés. Et les difficultés auxquelles certaines entreprises de presse ont été confrontées n'étaient dues qu'à leur engagement aux cotés de la rébellion MPCI et de la France dans la déstabilisation du pouvoir en place. C'était aux heures chaudes de la crise politico-armée. C'est donc le public qui s'était érigé en censeur et non le régime. En prenant ainsi position, Bédié montre qu'il est l'un de ceux qui poussent des hommes de presse à attenter par leurs écrits à la sûreté de l'Etat. Aussi faut-il lui rappeler que c'est sous son règne que les incendies de bureaux ont commencé, cas des bureaux du haut commissaire au Tourisme, Kindo Bouadi pour effacer les traces de malversations faites par ce proche de Bédié. Sur nos routes, le racket battait son plein et les étrangers souffraient de sa politique ivoiritaire dont il refuse manifestement d'assumer les conséquences. Les dérives de cette politique avaient valu en son temps, la levée de boucliers des Etats de la CEDEAO contre la Côte d'Ivoire. A juste titre, Ouattara qui était alors son ennemi, en usera comme trépied pour ''frapper'' et faire ''tomber'' son pouvoir. Cela, il feint de l'ignorer aujourd'hui.

De la paternité du dialogue direct
Il est donc aberrant qu'il cherche à se faire passer, sept ans après, pour celui qui peut favoriser l'intégration régionale, lui le bourreau des étrangers. Par ailleurs, Bédié revient avec son contexte de ''démocratie apaisée'' qui s'accommode des emprisonnements d'opposants et conduit à rester sourd aux appels à la clémence de toutes parts. Une politique qui rime avec intransigeance et inflexibilité. En 1999, Dagri Diabaté restera ainsi en prison jusqu'à l'avènement du coup d'Etat de 1999. A propos des tricheries au niveau des concours d'entrée à l'ENA ou autres écoles de formation des agents de l'Etat, il convient de rappeler à Bédié que si tant est que ses accusations étaient fondées, alors ces pratiques ne sont pas nouvelles. Mieux, elles prennent leur origine sous des proches du sphinx de Daoukro qui ont eu à gérer ces structures. On peut citer pour ce qui touche l'ENA, les anciens directeurs que sont Dian Boni et Kouakou Dja Guillaume. Plus grave, Bédié revendique la paternité du dialogue direct. Alors que c'est connu, l'homme était jaloux de sa relation avec Guillaume Soro dont il ne souhaitait pas de rapprochement avec Laurent Gbagbo. Ce qui a valu des départs massifs du son parti vers le FPI. Aussi quand il se réjouit de ce que les bases de son pouvoir restent intactes, N'zueba sait pertinemment que cela est faux. Et que s'il y a eu mobilisation, c'est parce les militants d'autres contrées ont été convoyés sur le lieu de la manifestation. Au total, c'est plus d'une douzaine de contre-vérités qui ont été ainsi débitées par ''N'Zuéba'' dans le Leboutou.

Emmanuel Akani
manuakani@yahoo.fr

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