mardi 25 septembre 2007 par Le Matin d'Abidjan

Le syndicat national des travailleurs du secteur de l'eau (SYNATRASE) avait menacé, il y a quelques semaines, de couper l'eau sur tout le territoire. Cette menace est justifiée par le fait que leur employeur, la Sodeci, refuse de discuter avec ledit syndicat. Dans cet entretien, le premier responsable du SYNATRASE lève le lièvre sur la situation qui prévaut à la Sodeci.

Il y a quelques jours, vous avez menacé de couper l'eau sur tout le territoire, peut-on savoir les origines de cette menace ?
C'est à travers un préavis de grève déposé le 10 septembre 2007 auprès de notre direction générale que nous avons menacé de couper l'eau, parce qu'elle refuse catégoriquement de discuter avec nous. La direction générale de la Sodeci a mis fin, unilatéralement, aux discussions avec notre syndicat entamées en juin dernier. Pourtant nous avions commencé sur de bonnes bases, mais la direction, prétextant que nous ne sommes pas représentatifs, refuse de poursuivre les négociations. C'est au vu de ces dispositions illégales de l'employeur que nous avons déposé un préavis de grève pour le rappeler à l'ordre. Mais il a maintenu sa position de non retour à la discussion alors que nous, les employés, détenons 5% des actions du capital de la société.

Quels sont les points de revendications que vous avez mis en avant ?
Nous avons 9 points de revendications parmi lesquels, il y a des priorités dont la revalorisation des salaires, la garantie de l'emploi, la sécurité du personnel des usines de production, les intérêts du fonds commun de placement, la franchise sur l'eau, le siège du syndicat. Au lieu d'entreprendre les négociations proprement dites, l'employeur, prétextant qu'il est en train de négocier le contrat d'affermage institué depuis 1987 avec l'Etat, nous méprise. D'ailleurs ce contrat que nous dénonçons ne prévoit pas d'aménagements pour interpeller chaque partie sur ses obligations. En 2004, le prix de l'eau a été revalorisé à hauteur de 228FCFA et des promesses ont été faites de la part de la Sodeci aux travailleurs disant que nous allons en profiter. Malheureusement, ces promesses n'ont pas été tenues. Les travailleurs que nous sommes ne sont pas récompensés comme il se doit au regard des nombreux efforts que nous déployons sur le terrain.

Etes-vous mal payés à la Sodeci ?
Oui, nous sommes très mal payés. Par exemple, un agent de zone, celui qui relève les indexes des compteurs, est payé à 137428 FCFA à côté d'un volume de travail énorme. Car à lui seul, il doit visiter plus de 3000 branchements chaque trimestre. Son salaire est le même depuis plus de 10 ans. L'agent de réseau qui exécute les nouveaux branchements, touche seulement 106.000 FCFA depuis 17 ans. Pareil pour l'agent de production dans les usines. Alors que ce dernier est exposé à de graves maladies du fait de la manipulation de produits chimiques. En fait, la direction générale de la Sodeci nous exploite depuis trop longtemps.

N'est-ce pas du fait de votre petit poids dans l'entreprise que votre employeur refuse de vous écouter ?
Non je ne pense pas parce qu'en tant que jeune organisation syndicale née en décembre 2006, nous comptons 439 adhérents à part entière et les agents qui frappent à nos portes sont nombreux. Aujourd'hui, l'employeur menace, intimide les agents qui veulent nous rejoindre pour dénoncer la gestion opaque des biens des travailleurs par la direction générale de la Sodeci. Je vous informe que M. Bouaffo, précédemment directeur d'Abidjan Nord-Est et son adjoint M. Okapi Drama ainsi que Mme Ségui, responsable administrative d'Abobo et Plateau-Dokui, ont été destitués de leurs postes. Il leur est reproché de n'avoir pas empêché l'adhésion de certains de leurs agents à notre syndicat. C'est dire que nous avons un certain poids dans l'entreprise. Mais pour ne pas être ballotés, nous avons informé le conseiller du président de la république chargé de la politique de l'eau, M. Christian Zagoté, des pratiques d'intimidations de notre employeur.

Mais qu'est-ce qui vous a conduit à ne pas mettre votre menace à exécution ?
Etant consciencieux du devenir du pays et de notre entreprise parce que nous y sommes actionnaires, nous ne voulons pas nuire à notre bien commun. C'est pourquoi, nous avons reculé et suspendu la grève à la demande des autorités qui trouvent d'ailleurs justes et fondées nos revendications. Le ministre de la Fonction publique et de l'Emploi croyait que les agents de la Sodeci roulaient sur de l'or. Donc nous avons accepté de concéder 14 jours pour les négociations avec la direction par l'entremise des autorités gouvernementales. Le ministre Hubert Oulaye nous a promis de contraindre par la loi la direction de la Sodeci à venir discuter avec le syndicat, si elle persiste dans sa position. Nous ne voulons pas être utilisés par des politiciens pour déstabiliser le régime en place. C'est pourquoi nous avons levé notre menace et nous nous engageons dans les négociations parce que nous avons compris la bonne foi du ministre de la Fonction publique et de l'emploi.

La situation sociale est tendue et c'est à ce moment que vous brandissez la menace de couper l'eau. Avez-vous mesuré les conséquences d'un tel acte sur les populations déjà éprouvées ?
Si cela arrivait, ce serait la faute de l'employeur. Aujourd'hui, la direction générale de la Sodeci nous retient de l'argent depuis 1984. L'employeur doit savoir qu'il a affaire à des partenaires sociaux et non des ennemis. Nous avons perçu le non-dit de la direction qui veut nous amener à couper l'eau et déstabiliser le pouvoir actuel. A preuve, il nous considère comme des man?uvres qui n'ont rien dans la tête, il veut nous pousser à l'extrême. Sinon, il peut être habité par la sagesse et établir un chronogramme de rencontres avec nous, mais que non. Et puis lors de nos rencontres avec le directeur des ressources humaines et son adjoint, aucun procès-verbal n'a été dressé. Ce qui veut dire que ces rencontres sont purement informelles. Cette attitude méprisante prouve que la direction générale de la Sodeci veut nous utiliser pour déstabiliser le pays. Mais nous tenons à dire que nous sommes déterminés à ne plus vivre cette situation de précarité encore longtemps. Aussi, je tiens à dire que si nous le voulons, nous avons les moyens techniques de le faire effectivement. Mais Dieu merci, les autorités ont compris qu'il faut agir au plus vite pour éviter le pire.

Vous accusez votre employeur de casser du sucre sur votre dos. Est-ce à dire que la Sodeci engrange des milliards dont vous n'avez jamais profité ?
Ah oui ! Nous regardons nos productions, lorsqu'un agent de zone a à encaisser 50 millions FCFA de factures et qu'avant la date limite, il recouvre près de 30 millions FCFA et après la date, il recouvre également les 20 millions restants, ça veut dire que l'argent rentre abondamment. Il y a également les branchements effectués dans des communes comme Abobo, Yopougon, Cocody qui sont des sources d'entrées énormes d'argent. La Sodeci achète des véhicules à des prix surfacturés. Les salaires qui sont prévus dans l'annuaire budgétaire ne sont pas appliqués sur les bulletins de salaires. Par exemple, pour un chef de centre, il y a une large différence entre la somme inscrite sur son bulletin et sur l'annuaire budgétaire. Alors qu'il est inscrit plus de 200.000 FCFA dans l'annuaire budgétaire, sur son bulletin, il est mentionné moins de 150.000 FCFA. C'est déplorable ce que nous vivons à la Sodeci. Cependant, nous sommes conscients que la direction va se ressaisir parce qu'elle est obligée de composer avec nous afin d'éviter le pire.

Si après le 05 octobre, votre employeur ne vous donne pas satisfaction, que comptez-vous faire ?
Nous allons utiliser les procédures légales qui s'offrent à nous pour nous faire entendre parce qu'on ne peut pas comprendre que la Sodeci continue de casser du sucre sur notre dos. Nos salaires sont très précaires, c'est inadmissible car la Sodeci engrange des milliards qui sont très mal redistribués. Il faut que quelque chose de concret soit obtenu d'ici le 04 octobre pour une levée définitive de notre mot d'ordre de grève. Dans le nouveau contrat d'affermage qui va être signé entre l'Etat et la Sodeci, nous exigeons que nos aspirations profondes soient prises en compte. Si rien de solide n'est obtenu, nous allons effectivement déclencher la grève. Néanmoins, je tiens à dire aux populations que la Sodeci qui est en charge du service public en matière de distribution d'eau ne faillira pas à son devoir. Je demande également aux associations de consommateurs d'interpeller la direction de notre entreprise pour l'amener sur la table de négociations afin d'éviter des situations dramatiques.

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