mardi 25 septembre 2007 par L'intelligent d'Abidjan

Dans cet entretien, le président du parti La Renaissance, Gueï Robert Bombet porte un regard critique sur l'Accord de Ouagadougou, ses signataires et les élections générales à venir.
Qu'est-ce que vous aviez de si important à dire lors d'un meeting au point où des jeunes vous ont agressé ?
On avait des choses à dire c'est pour cette raison qu'on a voulu organiser le meeting de Yopougon. Nous avons voulu dire des choses qui ne vont pas. Entre autres, jeter un regard critique sur la suite de l'Accord de Ouagadougou. Tout le monde semble dire qu'il faut se l'approprier, mais six mois après il faut se demander où on en est avec son application. Ce d'autant plus qu'il y avait un chronogramme, un certain nombre d'actions à faire et il fallait voir dans le temps, si c'était fait. Voilà ce qui a dérangé les gens.
Que reprochez-vous à l'Accord ?
Nous avons un regard et un constat très clairs. C'est qu'après l'Accord de Ouaga, le seul point qui a été exécuté est la formation du gouvernement. Encore que ce gouvernement, en plus du fait que ce soit le seul point exécuté, ne fonctionne même pas du tout au sens gouvernemental. Un gouvernement qui fonctionne normalement doit avoir un conseil des ministres obligatoirement toutes les semaines, par rapport à l'urgence qu'il y a dans le pays. Mais, ce gouvernement depuis pratiquement cinq à six mois n'a tenu que deux ou trois conseil des ministres. C'est un gouvernement bancal. Qu'est ce qui vous dérange concrètement l'Accord ses signataires eux-mêmes ?
Mais, ce n'est pas l'accord en tant que tel, parce que sur l'accord, nous avons été perplexes. Nous aurions souhaité que lorsqu'un processus a échoué par deux gouvernements, un de réconciliation et un de transition, il devenait important et urgent d'associer une large couche d'Ivoiriens. Or, ceux qui ont signé à Ouaga, ils ont estimé qu'à deux, ils pouvaient penser pour dix-sept millions d'habitants ; qu'à deux, ils avaient en main la solution de la crise qui est devenue complexe. Quand ils l'ont signé nous avons dit que nous en prenions acte. En vérité, notre souhait aujourd'hui est que le statu quo qui perdure dérange fondamentalement le fonctionnement du pays, tout le développement est bloqué et les gens souffrent. Quand on nous dit "nous avons la clé", je dis bien à ces magiciens-là qu'il faut leur accorder leur chance. C'est pour cette raison que nous avons dit que nous prenions acte. Mais prendre acte ne veut pas dire qu'il faut rester éternellement sans jeter un coup d'?il critique. Nous sommes des hommes politiques, nous enregistrons tous les jours l'avancée du processus, nous essayons de mesurer et au bout, nous voyons que rien n'a tourné. Vous êtes donc en phase avec Compaoré qui a mis la pression sur les signataires lors de la réunion du CEA
Mais non, c'est juste une bonne réaction pour celui qui a parrainé l'accord. Quand on a parrainé quelque chose, on ne veut pas que ça échoue. La situation ivoirienne est toute particulière. Mais il n'a fait que son devoir. C'est de dire attention ! Ecoutez, six mois après, où est-ce qu'on en est ? Six mois après, il fallait quand même une évaluation et prendre des mesures pour qu'on ne soit pas vraiment dans la catastrophe. Je crois que c'est juste ce qu'il a fait. Pourquoi alors avez-vous affirmé que c'était une évaluation bidon ?
C'est-à-dire qu'au moment où vous nous interrogez sur l'évaluation, nous nous sommes dit que lorsqu'un gouvernement qui avait pour tâche de finir un travail en 10 mois n'a rien fait, alors qu'est ce qu'on allait évaluer ? Ça me rappelle exactement un de mes professeurs de mathématique au lycée technique. Il nous a distribué tellement de zéro que le jour qu'on lui a dit de venir faire les moyennes, il a dit quelle moyenne ? Vous n'avez qu'à faire zéro plus zéro, ça fait zéro, diviser par n'importe quoi, ça fait zéro. C'est pour ça que nous avons pensé qu'aller à Ouaga pour évaluer, il fallait d'abord faire le travail. On a fait Guiglo du cinéma. On a fait Bouaké, du cinéma. On va à Ouaga pour évaluer quoi ? Seul un gouvernement a été formé sur tous les points critiques et que la Côte d'Ivoire attend pour faire des élections et qu'on n'a rien fait. Quand un gouvernement ne se réunit pas, qu'est ce que vous allez évaluer ? Parce que le premier lieu d'évaluation d'un gouvernement, c'est d'abord le conseil des ministres. C'est là qu'on rend compte, qu'on prend des orientations et oriente les choses. Mais tu n'as même pas fait le minimum et tu vas à Ouaga pour évaluer six mois de travail. Alors ça veut dire quoi ? C'est pourquoi nous avons trouvé que c'était de la comédie.
Vous dites que Bouaké était de la comédie. Pourtant beaucoup de personnes pensent que c'est le symbole de la réunification
Je voudrais demander à ceux qui ont pensé que c'était une bonne chose de me dire aujourd'hui si toutes les frontières des deux côtés ne sont pas fermées, si la libre circulation des personnes et des biens est tout a fait assurée, si les Ivoiriens sentent aujourd'hui que le pays est en train d'être réunifié. Après Bouaké, le lendemain chacun a pris sa place. Les frontières se sont refermées et les armes circulent toujours. Qu'est ce que Bouaké a donné ? On dit que c'est un symbole, c'est bien. Mais ce sont les actes qui importent. Par exemple, après Bouaké, on pouvait dire, sur les 1000 barrages que nous avons, on enlève 900 pour donner la preuve qu'on est finalement dans la réunification du pays et dans la paix véritable décrétée à Bouaké. Mais, faites vous-mêmes, le bilan de la situation d'aujourd'hui. Allez-y au corridor de Yopougon et à Tiébissou, vous verrez. Alors arrêtons la comédie. On a assez perdu du temps et le pays est en train de s'écrouler. C'est çà qui est la vérité. Depuis quelques temps, le Premier ministre est passé à l'offensive. Il multiplie les réunions et les audiences foraines vont démarrer le 25 septembre
Les audiences foraines, c'est aussi un triste passage. Vous-même vous savez que sous Banny, il a fait tout ce qu'il fallait faire. On a eu même des morts par la suite. Pour nous, les audiences foraines sont un petit problème dans les milliers de problèmes que nous avons et attendons les résolutions. L'identification ne se résume pas aux audiences foraines. Depuis deux ans, on parle d'audiences foraines. Arrêtons ça, il y a d'autres choses. On peut aujourd'hui donner des cartes d'identité aux Ivoiriens en attendant que ceux qui n'ont pas eu d'acte de naissance aillent devant les tribunaux pour l'avoir. Pourquoi est ce que tout tient à l'audience foraine ? Est-ce que ce n'est pas une autre façon de se servir des audiences foraines pour continuer à bloquer la situation de manière à ce que la Côte d'Ivoire demeure toujours dans le statu quo qui profite à ces gens-là. Mais, il faut pourtant que ceux qui vont voter demain aient leurs papiers !
Oui, nous sommes totalement d'accord que les audiences foraines ont été toujours un processus qui existait. Dites-moi aujourd'hui, ceux qui ont des jugements supplétifs en Côte d'Ivoire, est ce que ce n'est pas des audiences foraines en quelque sorte ? Est-ce qu'avant de parler des audiences foraines, on ne continuait pas de donner dans nos tribunaux des papiers à tous les enfants qui sont nés et qui n'ont pas eu de papiers ? Donc, c'était un processus qui continuait. Mais, quelle est la proportion de ceux qui sont concernés par les audiences foraines par rapport à l'ensemble des Ivoiriens qui n'ont pas de papiers ? On dit autour d'un million. Mais, nous sommes 17 millions et nous sommes tous abonné à l'attestation d'identité depuis pratiquement quatre ou cinq ans. Commencez à donner de vraies cartes d'identité à ces gens. Ça sera un problème résolu. Et puis les audiences foraines ne sont pas un frein à l'établissement et à la délivrance des cartes d'identité aux Ivoiriens qui ont déjà des extraits de naissances. Alors pourquoi c'est sur les audiences foraines, on insiste tant ?
Mais, ces élections qui doivent apporter la paix, ne sont prévues qu'en Octobre 2008. Vous avez un commentaire à ce niveau ?
C'est un glissement bizarre. Des gens sont allés signer des accords pour nous dire que les élections auront lieu en Janvier 2008. Après le Président Blaise Compaoré a dit à la suite d'une réunion que c'est le premier trimestre de 2008. Maintenant, il y a un autre qui dit qu'on va l'organiser en Octobre. Cela veut dire quoi ? Est-ce qu'ils ne sont pas dans une certaine combine ? Parce qu'ils auraient pu s'entendre. Avant de faire le chronogramme, la CEI était déjà constituée. On aurait pu interroger la CEI pour voir si c'était faisable. Mais, ce n'est pas maintenant qu'on attend la fin des Accords de Ouaga qu'on vient nous dire indirectement que cet accord risque de se prolonger. Ça on ne peut pas l'accepter. Le chronogramme qui avait été donné devrait commencer juste après la formation du gouvernement, avec les audiences foraines et tout ce qui suit. Mais, comme cela n'a pas été le cas, le président de la CEI a dit qu'il fallait rattraper tout le temps perdu. Donc, c'est ce qui explique la date d'octobre 2008 Lui-même, le président de la CEI, avec la grande responsabilité qu'il a, il était où au moment les gens discutaient à Ouaga ? Il était à Abidjan. Guillaume Soro et le Président Gbagbo étaient aussi à Abidjan. Il aurait pu leur dire. Ecoutez. Nous sommes tous dans la balance. Si vous parlez des élections crédibles en Janvier, mon expérience me dit que ça doit être comme ça. Mais, on n'attend pas qu'on dise des choses et puis quand on ne peut pas faire, qu'on trouve une autre attitude pour allonger le temps. Tout ça c'est de la comédie, c'est irresponsable. Quand on est responsable, on assume. Ceux qui ont conduit le chronogramme, ils ont donné des dates. Ils ont dit pour telle action, on va faire ceci ou cela. C'est-à-dire qu'on a donné des échéances à chaque action qui sera exécutée. Donc, il ne faut pas dire qu'on est surpris alors qu'on a fixé la date des élections. Nous ne regardons que le programme qu'ils ont donné. On a dit que voilà quatre ans pratiquement que le pays tourne en rond. Ils ont décidé de résoudre les problèmes. Ils nous donnent des actions à mener. On attend. Il ne faut pas qu'on vienne nous dire qu'il y a eu retard. Mais, qui a causé ce retard ? Quand le conseil des ministres ne se réunit pas, qui en est responsable ? Ceux qui devaient le convoquer ne le font pas. Mais, ils perçoivent chaque mois les salaires qui correspondent aux fonctions qu'ils occupent. S'il y avait des retards dans leur paye, je crois qu'ils allaient rattraper ça. Mais quand, il n'y a pas de conseil des ministres, tout le monde est content. Ecoutez. C'est un pays ou ce n'est plus un pays ? On a un gouvernement ou on en a plus ? On a un Président et un Premier ministre ou on en a plus ? Alors qu'on nous dise et on repart à la case départ. Proposez un chronogramme qui puisse vraiment sortir le pays de cette situation.
Nous n'avons pas de chronogramme tout de suite. Ils nous ont dit que l'Accord de Ouaga se termine le 4 janvier. Si le 4 janvier, rien n'est fait qu'ils nous disent que l'Accord de Ouaga est terminé et qu'ensemble on puisse se voir pour essayer d'imaginer un autre accord qui cette fois-ci sera le définitif et qui intègre toutes les intelligences de Côte d'Ivoire. Autrement dit, les autres vont pouvoir un peu revendiquer leur droit. Parce que vous n'allez pas rester là pour tourner tout le monde en bourrique et voir écrouler le pays. Donc, en ce moment, nous allons demander qu'il y ait une rupture c'est-à-dire ceux qui sont incapables d'agir pour nous sortir de la merde, doivent pouvoir se mettre de côté honnêtement et laisser d'autres Ivoiriens prendre la place pour continuer l'?uvre. La Côte d'Ivoire n'est pas la propriété d'un groupe d'individus encore moins une personne, fut il le Président. Donc, un Président ou un Premier ministre peuvent bien démissionner s'ils sentent que l'engagement qu'ils prennent, ils ne peuvent pas le tenir. C'est dans cette situation que nous sommes aujourd'hui. Si l'Accord de Ouaga est presqu'une mort programmée, il faut commencer à réfléchir maintenant. Mais, il ne faut pas qu'on vienne nous dire parce que Mambé à dit Octobre 2008, alors Ouaga continue. Ça nous ne pouvons pas l'accepter à la Renaissance.
Suite et fin demain
Entretien réalisé par
Serge Zamblé
Coll : T.A.B

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