vendredi 21 septembre 2007 par Le Nouveau Réveil

Je ne suis pas du tout d`accord et j`ai demandé au gouvernement d`avoir la plus grande fermeté. Nous serons fermes parce qu`on ne peut pas laisser les gens jouer avec notre vie. La loi sera appliquée avec rigueur, sans injustice. Il ne faut pas jouer avec la santé. Il y a plein de gens qui sont morts et je ne peux pas être d`accord avec ça. On ne peut pas sortir d`une guerre et dire que la guerre est mauvaise pour venir tuer les gens d`une autre façon." C`est notre chef d`Etat qui s`exprimait ainsi le mardi 18 septembre dernier, si j`en crois les propos rapportés par "Le Courrier d`Abidjan" Parlait-il de l`affaire des déchets toxiques ? On l`aurait cru, mais non. Il parlait des médecins qui s`étaient mis en grève. Que nous aurions aimé entendre notre chef parler de la même façon lorsque des gens sont venus déverser des déchets toxiques à Abidjan, occasionnant la mort d`au moins quinze personnes, et rendant malades plusieurs milliers d`autres, sans compter les conséquences désastreuses sur notre économie avec les entreprises contraintes de fermer, notre environnement, sans parler de l`image de notre pays, devenu pays des déchets. Oui, nous aurions aimé entendre notre chef afficher la même fermeté. Pourquoi ne l`a-t-il pas fait ? Pourquoi n`avez-vous pas sanctionné, Monsieur le Président ? Ces morts-là ne représentent-ils rien pour vous ? Franchement, dans quel pays au monde une telle chose peut-elle se passer sans qu`il n`y ait la moindre sanction ?
les autres crimes à être punis
Mais puisque notre chef a décidé d`être ferme, rappelons-lui tous les autres crimes qui restent à être punis. Le tout dernier est ce détournement de plus de cent milliards de l`argent des paysans. Pourquoi notre chef ne dit rien sur cette affaire, lui qui dit avoir fait du bonheur des Ivoiriens, surtout des paysans, sa priorité ? N`est-ce pas un crime que de détourner cent milliards de l`argent des paysans pendant que ceux-ci et leurs enfants croupissent dans la misère ? Que cache donc le silence de notre chef et de notre justice ? Doit-on en déduire que vous-même, vous êtes impliqué dans cette affaire, M. le Président ? Il y a aussi les 120 morts comptés par l`ONU à l`issue de la marche qu`avait voulu organiser l`opposition en mars 2004. Le ministre de la sécurité de l`époque, M. Bléou Martin avait dit que c`était des forces parallèles qui avaient tué. Etes-vous d`accord avec ces crimes, M. le Président ? Pourquoi ne dites-vous rien ? Pourquoi n`exigez-vous pas de votre gouvernement la même fermeté pour retrouver les assassins de mars 2004 ? Et ceux qui ont commis ce qu`on a appelé le charnier de Yopougon ? Et ceux qui ont violé les femmes du RDR qui manifestaient en 2001 ? Et ceux qui ont tué le jeune étudiant Habib Dodo ? Et ceux qui ont violé une étudiante sur le campus ? Et ceux qui ont tué Badolo, le jardinier de M. Ouattara, retrouvé dans la lagune et dont on dit qu`il a été assassiné par des gardes républicains ? Et ceux qui ont tué Guéï Robert, son aide de camp et sa femme, l`aide de camp de M. Alassane Dramane Ouattara, Boga Doudou, Marcellin Yacé, Balla Kéïta, Benoît Dacoury-Tabley, Camara H, et tant d`autres dont je ne me souviens plus des noms ? Qu`attendez-vous pour sanctionner les policiers qui ont tiré sur les gens qui avaient voulu manifester lorsque vous avez remis dans leurs fauteuils les responsables mis en cause dans l`affaire des déchets toxiques ? Pourquoi cette fermeté sélective, M. le Président ? Lorsque l`on est chef, de l`Etat de surcroît, on ne sélectionne pas ceux qui doivent être sanctionnés et ceux qui ne doivent pas l`être pour les mêmes crimes. Et cela m`amène au deuxième propos tenu par le chef de l`Etat ce même mardi 18 septembre, toujours selon "Le Courrier d`Abidjan". Il a dit qu`il faut faire une réforme de l`enseignement. Citons les propos du chef de l`Etat : "Souvent quand mes compatriotes m`envoient des SMS que je lis, je suis effaré. Je dis que je comprends pourquoi vous ne comprenez plus français. On ne peut pas écrire ça quotidiennement et aller écrire une lettre correcte. Ce n`est pas possible. Donc il faut faire une réforme de l`enseignement. C`est le défi que notre génération doit relever et laisser aux enfants. On doit faire une réforme pour savoir comment il faut en finir avec." C`est étonnant que notre président, lui-même enseignant, époux d`enseignante, ancien député, et au pouvoir depuis sept ans, ne découvre que maintenant la nécessité de réformer l`enseignement parce qu`il a vu des fautes dans les SMS qu`il reçoit. Pourtant lorsqu`il était dans l`opposition il faisait des propositions pour régler le problème de notre école qui ne date pas d`aujourd`hui. Peu importe. L`important est qu`il ait compris la nécessité de réformer. réformer l'école
Mais réformer comment ? Il y a certainement le contenu même de notre enseignement qu`il faut revoir. On n`y a pas touché depuis des décennies, et il nous semble évident qu`il n`est plus adapté à la situation actuelle. Cela, des spécialistes peuvent nous faire des propositions sur lesquelles le peuple ivoirien pourrait se prononcer. A condition que l`on choisisse des vrais spécialistes et non des spécialistes choisis sur la base de leur appartenance au FPI, au clan, ou en fonction de leur " patriotisme ", comme on l`a fait dans la filière du cacao. Si l`on fait cela, on pourrait avoir une bonne réforme de notre enseignement. Impérieux de libérer l`école
Mais avant de réformer l`enseignement, il est impérieux de libérer l`école. La libérer de la FESCI, plus précisément. C`est elle qui tue, qui viole, qui pille, qui bat les enseignants, qui provoque les grèves, qui fixe son propre calendrier des cours, qui sous-loue les chambres des étudiants à des non étudiants. C`est elle qui a pris l`école ivoirienne en otage. Et elle le fait parce qu`elle se targue d`avoir votre soutien et votre protection, M. le Président. Si ce n`est pas le cas, alors dites seulement une seule parole et l`école sera libérée. Vous êtes le seul à pouvoir le faire.
Après avoir libéré l`école de la FESCI, il faudra aussi la libérer de son environnement malsain. Avez-vous vu la Cité Rouge, celle de Mermoz, le campus ? C`est pire que la Rue Princesse. M. le Président, votre prédécesseur Bédié avait décidé d`interdire les maquis aux abords des écoles. Aujourd`hui, les maquis sont dans l`école. Nos enfants passent plus de temps dans les maquis que dans les salles de classe. Il est vrai que vous aviez dit une fois, M. le Président, que le fait que les maquis soient pleins était la preuve que tout allait bien dans le pays. Vous vous trompez. Quand les maquis sont toujours emplis de jeunes gens, cela signifie que plus rien ne va dans le pays. Et le fait est que plus rien ne va effectivement dans votre pays.
Réformer l`école, c`est aussi construire des écoles. Une de mes amies institutrices à Grand-Bassam me racontait il y a quelques jours qu`elle a des classes de 70 élèves. Ils s`asseyent à quatre sur des tables bancs prévues pour deux élèves. Et lorsqu`elle donne un devoir à faire, puisque les enfants ne peuvent pas ouvrir les quatre cahiers en même temps sur la table, il y en a deux qui se couchent par terre pour pouvoir écrire. Cela se passe en Côte d`Ivoire, en 2007, pas au fond d`une lointaine campagne, mais à Grand-Bassam. La Côte d`Ivoire n`a-t-elle plus de moyens pour construire des écoles ? Si, elle en a. La preuve en est que notre président est en train de nous construire une Assemblée nationale à cent milliards de francs, un palais présidentiel certainement plus cher que l`Assemblée, et un sénat. A propos de ce sénat, éclairez-nous M. le Président. Pourquoi construire un sénat alors que notre constitution ne prévoit pas de sénat ? Pourquoi ? Quels sénateurs iront y siéger ?

L`autre grand mystère
L`autre grand mystère pour moi est le silence de notre opposition. M. Bédié a été président de la république, il est membre de droit du Conseil constitutionnel chargé d`appliquer la constitution, chef d`un parti, et il aspire à revenir au pouvoir. M. Ouatarra est ancien premier ministre, chef d`un parti et aspirant lui aussi à diriger la Côte d`Ivoire. N`ont-ils rien à dire lorsque M. Gbagbo prend notre argent pour construire un sénat qui n`est prévu nulle part ? Et les autres leaders de partis politiques ? Et nos députés, nos conseillers économiques et sociaux, tous les représentants du peuple, pourquoi ne parlent-ils pas lorsque M. Gbagbo gaspille ainsi les ressources de l`Etat, au moment où nos enfants sont obligés de se coucher par terre pour faire leurs devoirs, au moment où nos diplômés ne trouvent rien à faire ? Quel est donc ce peuple ? Quelle est donc cette opposition ? Peut-on être sclérosé et amorphe à ce point et dire aux Ivoiriens qu`on veut encore les diriger ? M. Gbagbo a certainement raison de piétiner ce peuple et de lui cracher dessus tous les jours, il a raison de rouler l`opposition dans la farine et de l`injurier tous les jours en reportant d`année en année l`élection présidentielle en criant qu`il veut des élections vite, vite, vite. Le peuple et l`opposition le méritent amplement. Ne dit-on pas qu`on a le chef qu`on mérite ? Mais M. Gbagbo, si vous aimiez un tout petit peu ce peuple, vous auriez consacré ces centaines de milliards à construire des écoles, des universités, des hôpitaux. Quelle est la nécessité de construire maintenant un nouveau palais de la présidence, une nouvelle assemblée et surtout un sénat, alors qu`Houphouët-Boigny avait déjà construit tout ce qu`il faut à Yamoussoukro ? C`est en construisant des palais totalement inutiles que l`universitaire, l`enseignant que vous êtes espérez laisser votre nom dans l`histoire ? Mais non, M. le Président ! Vous êtes quand même un historien !
Un lecteur m`a appelé il y a quelques jours du Mali et m`a dit, presqu`en larmes : "avant on disait que les enfants de pauvres pouvaient s`en sortir grâce à l`école. Aujourd`hui quel enfant de pauvre peut aller correctement à l`école et espérer s`en sortir ?" Eh non ! Sous le socialiste Gbagbo, seuls les riches peuvent faire faire des études correctes à leurs enfants en les envoyant dans des écoles privées ou à l`étranger.

juste bons pour des cabines
téléphoniques
Les autres sont juste bons pour tenir des cabines téléphoniques et boucher les trous dans les rues. Une autre lectrice m`a écrit pour me dire qu`avec une maîtrise et un DESS, elle avait voulu aller faire un troisième cycle en France. On lui a répondu qu`avec son niveau, et parce qu`elle venait de Côte d`Ivoire, elle ne pourrait s`inscrire qu`en DEUG 2. Vous savez bien, M. le Président, que ce n`est pas parce que les Français nous en veulent. C`est parce qu`ils savent que notre université forme surtout des abrutis et des assassins. C`est cela le résultat de votre politique, M. le Président.
Réformer l`école, c`est enfin donner à nos enfants des exemples positifs, réhabiliter le goût du travail, de l`effort. Cela veut dire que des tricheurs ne doivent pas se réclamer du chef de l`Etat. Cela veut dire que les meilleures places doivent être accordées aux plus méritants, et non à des tricheurs, à des escrocs et à des petits analphabètes aux grands chapeaux. Cela veut dire lutter avec détermination contre la vente des examens et concours, donner surtout au plus haut niveau de l`Etat, le bon exemple de probité, d`honnêteté et de compétence. C`est aussi sanctionner sans trier. Et cela nous ramène à tout ce que nous disions plus haut. Tout cela est possible M. le Président. Il suffit que vous le vouliez. Mais je suis sûr que lorsque vous avez dit qu`il faut réformer, pour vous la question est réglée, et on n`y reviendra plus. Vos promesses, on le sait, n`engagent que ceux qui y croient.
Notre président a encore dit ce même jour qu`il était d`accord avec les consommateurs qui grognent et qui sont gazés par sa police. Mais il a ajouté que si les prix montent, c`est parce qu`il n`y a pas assez de blé dans le monde et que le prix du pétrole a augmenté.

La cause de la montée des prix
Signalons-lui une autre cause de la montée des prix dans notre pays et qui n`a rien à voir avec le blé et le pétrole. C`est le racket des forces de l`ordre. Savez-vous qu`à cause du racket le prix du charbon a doublé ? Savez-vous ce que les femmes qui vont chercher les tomates, aubergines, piment, bananes et autres vivriers laissent à vos policiers et gendarmes sur la route ? Qui paient en fin de compte ? C`est nous les consommateurs. Et là, vous pouvez régler ce problème en prononçant seulement une parole. Mais bien sûr que vous ne le ferez pas. Ce n`est pas dans la nature de votre régime. Votre régime qui est une vraie tragédie pour notre pays et pour le continent africain. Combien de fois n`ai-je pas entendu à l`étranger des amis dire cette phrase : "Voir la Côte d`Ivoire que nous respections et enviions faillir à ce point, c`est une honte pour l`Afrique". Et la faillite de la Côte d`Ivoire, c`est sous votre règne M. Gbagbo. Aucune explication ne vous dédouanera devant l`histoire. Vous ne pourrez pas accuser éternellement la France et la guerre. Plus personne ne vous croit. La guerre a éclaté deux ans après votre arrivée au pouvoir. C`est votre responsabilité, et votre seule responsabilité. Vous ne pouvez accuser personne. Aujourd`hui, le sentiment des Ivoiriens est que votre régime, non content de lui voler tout, même ses rêves, ne veut en plus même pas qu`il vive. Sinon pourquoi lui envoyer des déchets toxiques, détruire la forêt du banco, laisser Abidjan crouler sous les ordures, voler l`argent des paysans, laisser des miliciens semer la terreur partout ? Que vous a donc fait le peuple ivoirien M. le Président ? Qu`est-ce qu`on vous a fait ? Maintenant vous avez décidé d`augmenter les impôts, c`est-à-dire réduire indirectement les salaires. Vous savez bien que le peuple ne dira rien. Que peut-il dire ? Ce ne sont pas non plus vos opposants de pacotille qui parleront. Dites-nous M. le Président, vous dont on dit que vous savez bien comment utiliser l`argent pour acheter les consciences, les auriez-vous aussi acheté ? Cela ne m`étonnerait pas beaucoup d`eux, pour être franc. Sinon il n`y aurait aucune raison pour qu`ils restent encore dans votre gouvernement avec toutes les couleuvres que vous leur faites avaler chaque jour. Pour finir, M. le Président, je vous conseille d`écouter un peu plus les jeunes. Pas vos "jeunes patriotes" et autres fescistes. Non, je parle des jeunes qui veulent juste faire des études, non pas pour devenir président comme vous, mais pour s`en sortir tout simplement, vivre décemment sans avoir à prendre des armes ou se prostituer. Ils sont très nombreux. Beaucoup plus que vos "jeunes patriotes". Ecoutez aussi les paysans. Pas la bande à Tapé Doh qui raconte que parce que eux, se baladent en 4X4 et vont en boîte de nuit, cela veut dire que tous les paysans de ce pays sont heureux. Je parle des vrais paysans dans les campagnes. Ils ont beaucoup de choses sur le c?ur. Ecoutez aussi les populations du nord. Pas ceux que Fologo vous envoie pour justifier l`argent que vous lui donnez, mais le vrai peuple du nord. Ecoutez aussi le peuple du centre, de l`ouest, pas celui de Franck Guéï qui a assassiné son père une seconde fois en tenant les propos qu`on l`a entendu tenir sur ceux qui ont tué son père, écoutez le peuple du sud, de l`est. Bref, écoutez attentivement votre peuple et vous saurez qu`il est malheureux. Mais évidemment vous vous en foutez. Mais un peuple malheureux et qui n`a plus rien à perdre est toujours dangereux pour le pouvoir qui le tourmente. Retenez-le.

Venance Konan, écrivain, journaliste
Email : venancekonan@yahoo.fr

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023