jeudi 20 septembre 2007 par Le Patriote

Le Patriote : Monsieur le ministre, vous êtes un témoin oculaire du déclenchement de la crise militaro-politique qu'a connu la Côte d'Ivoire. Vous étiez à Bouaké au début de la guerre en 2002. Comment avez-vous vécu cette journée du 19 septembre où tout a commencé?
François Amichia : Effectivement, j'étais à Bouaké depuis le 18 septembre pour présider le tournoi de l'UFOA qui regroupait un certain nombre d'équipes de la sous-région. C'est dans la nuit du 18 et tôt le matin le 19 septembre que nous avons été réveillés par des appels d'Abidjan, nous informant qu'il y avait une situation insurrectionnelle à Abidjan. Et qu'il fallait prendre des dispositions au niveau de Bouaké. C'est précisément au petit matin que nous avons commence à savoir ce qui se passait. Evidemment, cela été avec beaucoup d'appréhension. Parce que nous ne savions pas véritablement ce qui se passait. On a d'abord pensé à une mutinerie des appelés. Et après, on nous a dit que c'était une tentative de coup d'Etat. Mais, c'est tout au long de la journée que nous avons eu certains informations, qui nous parvenaient par RFI (Radio France Internationale) ou par ceux avec qui nous étions (à l'époque les insurgés). Les lignes téléphoniques étaient coupées. Nous ne pouvions donc plus communiquer avec Abidjan.

L.P. : Comment s'est passé votre premier contact avec les rebelles ?
F.A. : Je ne vais pas entrer véritablement dans tous les détails. Mais il faut dire qu'il y a eu des éléments de ceux qu'on appelait Zinzins et Baeffouet qui sont venus me chercher dans mon hôtel pour m'amener dans un endroit beaucoup plus sécurisé.

L.P. : Comment avez-vous réussi à quitter la ville plus tard pour regagner Abidjan.
F.A. : Souffrez encore que je ne puisse pas donner les détails. Je peux tout simplement dire que j'ai bénéficié de la sympathie de beaucoup d'éléments de ceux qu'on appelle aujourd'hui les Forces Nouvelles. Durant les quelques heures que nous avons passé à Bouaké, à aucun moment, nous n'avons été victime de quelque sévisse que ce soit. Tous ces jeunes gens qui étaient autour des chefs plaidaient pour nous. Ils nous ont aidé à sortir de Bouaké dans des conditions un peu rocambolesque. Mais nous avons réussi à sortir de Bouaké. Nous pouvons aujourd'hui remercier tous ceux qui sont intervenus ou qui ont plaidé en notre faveur, afin de nous permettre de sortir de cette situation.

L.P. : Vous avez passé quelques jours à Bouaké. Quel élément ou image vous a le plus marqué durant votre séjour au début de la crise ?
F.A. : Disons que depuis le premier jour, nous avons été frappés par un fait. C'était le décès du Général Robert Guéi. Au départ, nous nous sommes dit que les informations dont nous disposons n'étaient certainement pas les exactes. Parce que nous nous disions que cette situation risquait de compromettre la nôtre. C'est cette crainte là que nous avions. Aussi, nous étions sous le choc de voir ainsi le pays divisé. On se demandait comment est-ce que cette situation pouvait être réglée. On entendait les déclarations des uns et des autres. C'était vraiment un brouillard, un flou, dont nous ne voyons pas l'issue.

L.P. : Vous arrive-t-il de penser à tout ce que vous avez vécu durant ces moments-là ?
F.A. : Vous savez, c'est une situation très traumatisante que mes collaborateurs de l'époque et moi-même avons vécu. Aujourd'hui, nous revivons ces moments avec beaucoup de recul. Mais l'émotion et la tension sont fortes quand nous y pensons. Nous ne pouvons que rendre grâce au Tout Puissant qui a inspiré tous ceux qui étaient chargés de nous garder ou qui devaient prendre une décision nous concernant. Ils ne sont pas passés à un acte qui aurait été regrettable ou même fatal.

L.P. : Allez-vous écrire un livre témoignage ?
F. A. : Je suis historien de formation. En histoire, la règle des archives est de quarante (40) ans, pour dévoiler certaines choses. Je ne sais pas si Dieu m'accordera encore ce temps. Mais j'ai bien l'intention si un jour nous retrouvons une situation normale, que les c?urs se seraient apaisés et surtout que les Ivoiriens et les habitants de la Côte d'Ivoire auront retrouvé cette harmonie qui faisait la force de notre pays. C'est peut-être en ce moment-là que je pourrai faire part de ce que j'ai vécu, avec des commentaires. Mais pour l'heure, je souhaite que nous puissions rapidement fermer cette parenthèse. Et que nous puissions nous retrouver pour continuer le chemin du développement de notre pays. Je crois que c'est le plus important.

L.P. : 2002 ? 2007 : Il y a eu beaucoup de choses. Aujourd'hui, il y a eu la signature de l'Accord de Ouagadougou le 4 mars. Il y a eu la Flamme de la Paix le 30 juillet. On dit que la paix pointe à l'horizon. Partagez-vous cet espoir?
F.A. : Beaucoup. Je partage beaucoup cet espoir. L'essentiel aujourd'hui, c'est que nous allions à la paix. Et que les populations de Côte d'Ivoire se retrouvent.


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