mercredi 19 septembre 2007 par Nord-Sud

Tripatouillages des textes, faux complots, élimination des candidats gênants... sont devenus le sport favori des dirigeants ivoiriens.

19 septembre 2002- 19 septembre 2007, cela fait cinq ans jour pour jour que la rébellion armée a éclaté au pays de Félix Houphouët Boigny. Il convient de pousser la réflexion plus loin à l'occasion de cet anniversaire pour revoir le chemin emprunté par la Côte d'Ivoire pour se retrouver aujourd'hui au fond du gouffre. Cela ne fait l'ombre d'aucun doute, les problèmes de ce pays viennent en partie du refus de la compétition loyale. Le tripatouillage de la Constitution pour la tailler sur mesure, l'invention de faux complots pour éliminer les prétendants sérieux à la magistrature suprême, les listings électoraux falsifiés, l'action des magistrats aux ordres, sont autant d'attitudes antidémocratiques qui ont tiré la Côte d'Ivoire vers le bas. Et dont elle continue de payer un lourd tribut.

Le syndrome Ouattara

Le 1er août 1999, date à laquelle Alassane Dramane Ouattara a déposé ses valises en Côte d'Ivoire, après avoir quitté sa fonction de Dga du Fmi, en vue de participer au jeu politique marque un tournant décisif de l'histoire du pays. Ce jour-là, en effet, ADO a fait preuve d'une mobilisation exceptionnelle. Le Palais des sports de Treichville était plein à craquer comme il ne l'a jamais été auparavant. Le syndrome Ouattara venait ainsi de naître.

La semaine qui a suivi cette gigantesque mobilisation a été pénible pour le président du Rassemblement des républicains. Lors du premier Conseil des ministres qui a suivi, une révision de la Constitution a été proposée par maître Kouamé Faustin et ses compagnons théoriciens de l'Ivoirité. Le débat sur l'identité de Ouattara qui jusque-là se limitait à sa propre personne a été étendu à sa mère Hadja Nabintou Cissé. Celle-ci n'était plus, du coup, la mère de Ouattara, comme par enchantement. Toutes les parades et gymnastiques sont entreprises ensuite dans l'unique intention d'empêcher les adversaires politiques de Ouattara de l'affronter dans les urnes. La suite on la connaît. Le pays est entré dans une zone de turbulences qui a abouti au coup d'Etat du 24 décembre 1999. Le général Guei Robert qui se reposait tranquillement dans son village dans l'Ouest montagneux se fait transporter à Abidjan par les jeunes gens afin d'être bombardé chef de l'Etat. Dès qu'il prend goût aux délices du pouvoir, il met tout en oeuvre pour s'y maintenir, mais sans compétition.

Mêmes pratiques d'un pouvoir à l'autre

Il nomme son oncle Tia Koné à la tête de la Cour suprême, quitte à lui de faire le ménage en vue du passage en force. Ce magistrat élimine tous les candidats gênants pour Guei sauf Laurent Gbagbo qui, selon toutes les confidences a promis de faire de la figuration dans un semblant d'élection qui n'en était pas une, en réalité. Sûr de son coup, le candidat du peuple, l'homme de Kabacouma, ne bat pas campagne. Il se contente d'une petite sortie à l'espace Sococé aux II-Plateaux qu'il juge suffisante pour gagner l'élection présidentielle. La suite est également connue. Election calamiteuse. Le sang des Ivoiriens coule à flot. Guei s'enfuie. Gbagbo enjambe les corps chauds des personnes tombées sous les balles assassines pour s'installer sur le trône. Robert Guei crie à la trahison et à la manipulation du boulanger Gbagbo. Mais il était tard. Le pouvoir est tombé dans l'escarcelle de la refondation.

Le cas Laurent Gbagbo

Il s'est battu durant 30 ans pour obtenir la démocratie. Urne transparente, bulletin unique, commission électorale indépendante, affichage et vérification des listingssont autant d'acquis démocratiques que l'actuel chef de l'Etat met à son compte. Mais dans la pratique de la gestion du pouvoir, il a hérité du combat de ses prédécesseurs qui avaient une peur bleue de la compétition saine. Ses hagiographes ont fait de l'élimination de la compétition du candidat Ouattara leur cheval de bataille. On a même tenté de l'éliminer physiquement afin de ne pas l'affronter dans une élection démocratique. Si Ouattara ne s'était pas retrouvé chez l'ambassadeur d'Allemagne, le 19 octobre 2002, il ne serait plus de ce monde. Même quand, après l'accord de Pretoria signé le 6 avril 2005, sa candidature a presque été imposée à tous par le médiateur Thabo Mbeki, Laurent Gbagbo n'a pas lâché prise. Dans une déclaration télévisée le 26 avril 2005, il indiqué que : Uniquement pour l'élection présidentielle d'octobre 2005, conformément à la lettre du Médiateur sud africain, les candidats présentés par les partis politiques signataires de l'accord de Marcoussis sont éligibles. En conséquence, Alassane Dramane Ouattara peut, s'il le désire, présenter sa candidature à l'élection présidentielle d'octobre 2005. A compter de maintenant, et vu l'urgence, étant donné l'absolue nécessité d'organiser les élections aux dates fixées par la Constitution, je donne mandat à l'Institut national de statistiques, et à lui seul, d'établir, dans les meilleurs délais, les listes électorales pour les élections générales de 2005.

La précipitation avec laquelle, Laurent Gbagbo a saisi l'Ins a donné le sentiment à ses concitoyens qu'en acceptant enfin d'affronter Ouattara dans une élection, il prend des mesures pour verrouiller l'Ins. De telle sorte qu'elle soit son associée. C'est d'ailleurs cette attitude singulière qui a jeté la suspicion sur cette institution et amené les opposants à douter de la crédibilité de cette structure où tous les cadres supérieurs militent au Fpi.

Cap sur la prochaine élection

En 2008, auront lieu les élections. Toutes les chapelles politiques et leurs têtes d'affiche affûtent leurs armes. Mais Ouattara s'est fait oublier durant plusieurs mois, certainement pour ne pas effrayer ceux qui ont peur de l'affronter. Il n'a fait aucune grande mobilisation et a évité de faire des déclarations tapageuses à même de réveiller les vieux démons contre sa personne.

Au sein de la grande famille de la refondation, certains ont enterré le président du Rdr en énonçant qu'il était fini. Nous en étions là lorsqu'il convoqua le 25 août sa rencontre avec ses militants d'Europe au palais des congrès de Montreuil en France. En 2008, je serai élu président, ce bout de phrase d'ADO a réveillé les machines de l'intox contre sa personne. Il ne serait pas surprenant que des coups tordus soient ourdis pour l'empêcher d'être sur dans starting-block pour la prochaine élection. Dans sa parution du 7 septembre le quotidien progouvernemental Fraternité Matin sans le citer nommément l'a impliqué dans un coup en préparation. Des hommes, dont des officiers de l'armée ivoirienne et burkinabé tapis dans l'ombre, oeuvrent depuis un moment au renversement des présidents ivoiriens Laurent Gbagbo et burkinabé Blaise Compaoré. Le commanditaire de ces coups de force en gestation dans les deux Etats et qui prévoient l'élimination physique des deux présidents mais aussi celle du Premier ministre Soro Guillaume, est un homme politique ivoirien qui entend prendre les rênes du pouvoir d'Etat en Côte d'Ivoire, si les choses se déroulent comme il l'entend. Cette information reprise en boucle par les journaux bleus , avec les insinuations selon lesquelles Ouattara aurait rencontré IB au Gabon pour fomenter des coups d'Etat, doit être prise au sérieux par l'état-major du Rdr, parce qu'elle est symptomatique de ce qui se prépare dans les officines secrètes contre Ouattara. En tout cas, nous n'en serons pas surpris.

Traoré M. Ahmed

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