mercredi 19 septembre 2007 par Le Patriote

En dix ans de carrière, Magic System a engrangé 11 disques d'Or, un disque de Platine et diverses distinctions. Le groupe, qui vient de souffler sa dixième bougie, via deux concerts live, est à nouveau sous la rampe de l'actualité avec Taper Dos , son cinquième album. A'salfo, son lead-vocal, à quelques heures du départ du groupe pour l'Hexagone, décortique cette ?uvre et répond, sans détours, à toutes les questions qui trottent sur Magic System. Entretien.

Le Patriote : Le groupe Magic System a célèbré, les 8 et 15 septembre derniers à Bouaké puis Abidjan, son dixième anniversaire. Mais, on n'a pas senti le soutien de la famille (des artistes) Zougou à vos côtés. Comment expliquez-vous cela ?
A's : J'ai cru qu'on célébrait aussi les dix ans du zouglou parce que, pendant ces dix années, ce groupe s'est battu pour ce rythme. Un coup de fil ou une visite pour nous souhaiter, ne serait-ce que joyeux anniversaire, aurait été une bonne chose pour la famille. Nous devrions montrer un visage solidaire, une famille soudée, plutôt que ce qui s'est passé. Je n'en veux à personne.

L.P : N'êtes-vous pas tout de même un peu déçu ?
A's : J'avoue que je suis quand même déçu. C'est une fête que nous préparions depuis des années. Des gens comme Erickson le Zulu, venu expressément de Genève et Dj Jacob, sont venus nous souhaiter joyeux anniversaire et nous soutenir. Quand c'est la famille des Dj qui vient nous soutenir, cela veut dire que les choses ont pris une autre tournure. Et c'est vraiment dommage pour le zouglou. Cela aurait pu être une très belle fête, une communion avec tout le monde. A l'exception de Vieux Gazeur, Dézy Champion, Les Mercenaires, Major et Zabson, c'est la nouvelle génération qui est venue nous soutenir. Quel que soit le niveau qu'on a atteint, on a toujours besoin d'un encouragement de ses frères. Cela n'a pas été le cas. Ce n'est pas grave.

L.P : Justement, allez-vous reconsidérer vos rapports avec certains artistes zouglou ?
A's : Je suis un meneur d'hommes. Je mets cela au compte des erreurs des autres. C'est vrai que nous avons organisé ces deux concerts pour dire merci à nos fans mais, c'est aussi pour magnifier le zouglou. Non, je garderai les mêmes relations avec eux. Chacun sait pourquoi il n'est pas venu.

L.P : Certes, ces deux concerts ont été une fête populaire aussi bien à Bouaké qu'à Abidjan. Mais, tout n'a pour autant pas été rose. Selon vous, qu'est-ce qui n'a pas marché ?
A's : A Bouaké, c'était du 100% bon. A Abidjan, la fête aurait pu être aussi belle. Mais, nous avions un problème d'électricité qui nous a beaucoup contrariés sur scène. L'essentiel, nous avons assuré et le public ne s'en est même pas rendu compte. Il s'est bien amusé.

L.P : Le dixième anniversaire de Magic System était aussi jumelé avec la sortie du cinquième album du groupe, Taper Dos . En quoi cette ?uvre est-elle différente des précédentes ?
A's : Il est différent déjà de par sa préparation. Et puis, il y a une certaine maturité que le groupe a acquise. De plus, c'est la première fois que nous faisons un album avec six arrangeurs. Chacun y a apporté sa touche.

L.P : Le titre éponyme Taper Dos conte-t-il une histoire que vous avez vécue à l'instar de 1er gaou ?
A's : Magic System n'a jamais chanté quelque chose au hasard. Nous chantons ce que nous vivons quotidiennement dans la vie, la rue, les bars, les maquis. Taper dos coÏncide simplement avec le nom du doyen Tapé Doh Lucien

L.P : A propos, ne trouvez-vous pas cette coïncidence tout de même troublante ?
A's : Oui, la coïncidence est troublante. Mais, nous ne parlons pas de lui. Les titres de Magic System ont toujours été comme ça. On croit qu'on fait allusion à quelqu'un, alors que ce n'est pas le cas.

L.P : Quelqu'un a- t-il déjà tapé dans le dos d'A'salfo ?
A's : Non, je ne le pense pas. Personne n'a une fois tapé dans mon dos. Cela existe certes, mais je n'en ai jamais été victime.

L.P : A contrario, avez-vous tapé dans le dos de quelqu'un ?
A's : Quand vous allez draguer une fille, vous ne savez pas à qui elle appartient. C'est un taper dos indirect. Mais, cocufier quelqu'un en sa présence est insupportable. Il ne faut faire aux autres ce que tu ne veux pas qu'on te fasse. Je viens d'entrer dans le cercle des mariés, je ne vais pas supporter que quelqu'un drague ma femme.

L.P : Vous fustigez également, dans l'album les "boucantiers " et "le farot farot". Est-ce pour régler vos comptes avec les acteurs de ces mouvements qui avaient, à un moment donné, mis le zouglou sous l'éteignoir ?
A's : C'est vrai que beaucoup de personnes font allusion à cela. Mais, il faut dissocier "le coupé décalé" et "le farot farot". Ce n'est pas aux artistes du "coupé décalé" qu'on s'adresse mais à tous ceux qui font "le farot farot". Il y a beaucoup de " boucantiers" dans la ville qui n'ont pas d'album sur le marché. De nombreuses personnes jettent des billets de banque dans les boîtes de nuit. Nous sommes dans une société où beaucoup de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté. Je pense qu'il faut éduquer nos populations. Ça choque quand une personne qui n'a pas de quoi subvenir à ses besoins voit à la télé des gens jeter de l'argent. C'est des actes qui torturent les esprits. Nous sommes des enfants de pauvres, nous ne supportons pas cela. Le vrai boucantier n'est pas celui qui balance des billets de banque sur son passage mais plutôt qui construit une école pour les enfants, apporte son aide aux orphelins. Jeter de l'argent, c'est insulter la mémoire de l'Africain.

L.P. : Avant la sortie de Taper Dos , l'album était déjà piraté. Vous aviez aussi révélé savoir qui en était à l'origine. Qui vous a trahi ?
A's : La trahison est venue de notre entourage. On connaît la personne. C'est un jeune frère qui a failli à son devoir. Il travaille dans le bar d'un grand- frère. Nous allons lui demander des explications et il va subir les conséquences.

L.P : Allez-vous porter plainte contre lui ?
A's : Non. Nous ne voudrions pas bâtir notre succès sur le malheur des autres. Il a commis une faute, il faut qu'il reconnaisse son tort et on passe à autre chose.

L.P. : Que pensez-vous de l'impact de la piraterie en ce moment ?
A's : C'est aux autorités de prendre leurs responsabilités. Aucune loi ne condamne un pirate ici. Tout le monde sait d'où vient la piraterie, mais personne ne veut pointer le doigt là-dessus, de peur de subir des séquestrations. Si les autorités ne se réveillent pas à temps, on risque de ne plus avoir de maisons de disques en Côte d'Ivoire. Il est temps que les autorités tapent du poing sur la table.

L.P. : Est-ce à dire, qu'à cette allure, il y a un risque que Magic System ne sorte plus d'album en Côte d'Ivoire ?
A's : J'ai dit, lors de notre conférence de presse (ndlr : lundi 3 septembre 2003) que si on se basait sur les ventes en Côte d'Ivoire, aucun artiste ne sortirait d'album. Malheureusement cela a été mal interprété par un de vos confrères. Nous sortons nos albums ici aujourd'hui par patriotisme. Parce que nous voulons faire plaisir à ceux qui nous ont soutenus. Sinon, sortir un album en Côte d'Ivoire, c'est le faire à perte. Ce qu'on investit dans la promo, on ne le rattrape pas dans les ventes. Cela dit, quelle que soit l'ampleur de la piraterie, nous existerons toujours.

L.P : Comment expliquez-vous que, depuis sept ans, le groupe soit constamment au sommet ?
A's : C'est le travail. Franchement, nous avons pris au sérieux ce que nous faisons. Malgré le succès de 1er gaou , nous avons continué à apprendre et à mettre le sérieux dans notre travail. Nous sommes des éternels insatisfaits, nous avons toujours envie d'aller plus loin.

L.P : Pourquoi c'est toujours vous qui chantez uniquement au sein du groupe ?
A's : Mes jeunes frères se plaisent à me voir chanter. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, ils ont décidé de me céder le micro. Il arrive, qu'en studio, je leur concède des chansons, mais ils préfèrent que je les chante. Aussi, j'écris la plupart des chansons et je chante mieux ce que je sens.

L.P : On dit aussi de vous que vous êtes autoritaire et surtout , vous- vous imposez à eux
A's : Je suis très rigoureux dans le travail. C'est peut-être cette rigueur qui fait que certains me taxent d'autoritaire. En tant que chanteur principal, j'amène les autres à prendre conscience que nous ne devons pas décevoir.

L.P : L'année 2007 est aussi marquée par votre mariage avec Hélène Moya Aka, l'élue de votre c?ur. Est-il vrai que vous y avez injecté 45 millions de F cfa ?
A's : Quand tu te maries, avec une fille que tu aimes, tu n'évalues pas ce que tu as dépensé. Ce serait diminuer le sentiment que tu as pour cette dernière. Je ne calcule donc pas les millions que j'ai mis dans ce mariage. Je vois plutôt le fait que cela se soit bien passé et qu'elle soit honorée. J'y ai injecté certes beaucoup de millions. Certains parlent de 50 millions, d'autres de 35. Moi, je n'ai pas évalué les dépenses. Je dépensais au fur et à mesure que cela faisait plaisir à Hélène. Je pense qu'elle mérite ça. Et je ne regrette pas d'avoir injecté beaucoup d'argent dans ce mariage. Je l'ai fait pour quelqu'un que j'aime.

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