Une rumeur de coup d'Etat alimente les débats, depuis quelques semaines, à Abidjan et l'armée est en alerte. Un autre coup savamment orchestré pour porter un uppercut au processus de sortie de crise.
Abidjan, la capitale économique ivoirienne, vit au son des bruits de bottes. Quoique discrètes, elles ne manquent pas d'intriguer. La nuit tombée, et ce, depuis la ventilation d'une rumeur de coup d'Etat, des cargos de la police (les unités de la Crs 1 et 2) prennent position en des endroits stratégiques. Le quartier populeux d'Abobo, jugé très proche de l'opposition et précisément du Rdr, reçoit un fort contingent. Au rond-point de ?'Samaké'' et de la mairie, les hommes en armes sont visibles. Cette face est la partie visible de l'iceberg. Au-delà de la rumeur, un sérieux coup serait en préparation. Objectif, empêcher la saine application de l'accord politique de Ouagadougou signé le 4 mars dernier. A l'issue d'un ?'dialogue direct'', les ex-belligérants ont signé un modus vivendi pour aller à la paix. Depuis lors, Guillaume Soro, secrétaire général des Forces nouvelles est Premier ministre du gouvernement de sortie de crise. Il vient récemment de communiquer la date de reprise des opérations d'audiences foraines. Le mardi 25 septembre prochain devrait en principe voir la reprise de ces audiences foraines qui devraient aboutir sur le processus d'identification. Seulement, au moment où le Premier ministre Soro semble tenir le bon bout, la rumeur de coup d'Etat se fait persistante. Si par habitude, depuis l'avènement au pouvoir d'Etat des refondateurs, les Ivoiriens banalisent ce genre d'information (par énervement et dépit), cette fois-ci semble sérieuse. Le Premier ministre, après l'attentat du 29 juin dernier, qui a failli lui coûter la vie, avait dit que les commanditaires et auteurs n'envisageaient pas baisser les bras. A Ferké, le 18 août dernier, il a encore attiré l'attention sur la menace qui guette le processus de paix et sa propre vie. A l'occasion, il avait demandé aux Ivoiriens de beaucoup prier.
Les choses se précisent
Le coup est annoncé pour la deuxième quinzaine de ce mois. Nos sources rapportent que les hommes ont déjà été choisis pour cette opération qui devrait être lancée avant le 25 septembre. Le jour de l'opération, la ville d'Abidjan devrait être quadrillée par des hommes en armes. Très tard dans la nuit, au moment où la population sera au repos après la folle course pour la pitance quotidienne, des coups de feu nourris se feront entendre. Quoique tétanisé, chacun cherchera à savoir ce qui se passe et surtout l'identité de ces assaillants. Les récepteurs radio mis en marche permettront de savoir qu'il s'agit d'un coup d'Etat. Disons, la concrétisation du coup annoncé depuis quelques semaines. Sur les ondes, le commando annoncera que le président de la République, Laurent Gbagbo, a été chassé du pouvoir. La population, surtout celle de l'opposition sortira pour manifester sa joie. Mais, des hommes armés feront à nouveau feu de tout bois sur les manifestants. Trois heures après le début de cette opération, le chef de l'Etat fera une apparition et un discours radio-télé diffusés pour annoncer officiellement qu'il y a bel et bien une tentative de coup d'Etat. Les assaillants, dont certains seront morts au cours des affrontements ne seront en fait que les manifestants sortis pour manifester leur joie. Les commanditaires de cet autre coup de l'opposition, sont Bédié et Alassane Dramane Ouattara. Bien plus, pour ce coup d'Etat, le Premier ministre sera impliqué, accusé d'avoir donné sa caution à cette tentative de putsch. N'est-il pas un putschiste dans l'âme ? Interrogeront-ils. Résultat de cette opération qui s'assimile au décor du 24 octobre 2000, il n'y aura plus d'accord de Ouagadougou. Conséquence, plus question d'audiences foraines à partir du 25 septembre, l'identification, elle, sera rejetée aux calendes grecques.
Ceci ressemble fort à un scénario digne des films Hollywood. D'aucuns en rient. Pourtant, c'est le plan machiavélique concocté par le pouvoir ivoirien. Faire d'une pierre plusieurs coups. La mise en ?uvre de ce coup permettrait simplement au clan présidentiel de mettre toute l'opposition hors circuit. La source, bien introduite, précise qu'il serait assassin de laisser ce coup d'Etat contre la paix aller à son terme. Des individus sont au courant de ce qui se trame. Il s'agit de faire éviter un bain de sang de plus à la Côte d'Ivoire. Car, une reprise des hostilités militaires serait également au menu. Même si le général de division Philippe Mangou rassure qu'il n'y a aucun péril en la demeure ce mois-ci. A sa décharge, les récents évènements survenus au palais présidentiel. Il se raconte que les soldats de rang auraient hué copieusement le chef d'état-major des FDS-CI. Ses tournées dans les casernes qui ont permis de faire baisser la tension n'ont pas pour autant fait remonter le mercure de la confiance. Le clan présidentiel peut bien donc le tenir loin des manigances en cours. Ce ne serait pas nouveau. Du 4 au 6 novembre 2004, les bombardements de trois villes sous contrôle des Forces nouvelles l'ont été sans que le Cema d'alors, le général Mathias Doué, ait été informé. C'est donc une habitude des refondateurs. Nul n'ignore qu'il y a un état-major bis au sein du palais présidentiel. La question qu'on se pose est de savoir si le chef de l'Etat est au parfum de cet autre coup contre la paix. Lui qui veut tant voir se dérouler les élections présidentielles même en décembre prochain. Les réseaux d'influence qui l'entourent sont en tout cas à l'?uvre pour replonger la Côte d'Ivoire dans le chaos. La sortie du président central de la CEI à la suite de la communication de la date de reprise des audiences foraines par le Premier ministre fait trembler les refondateurs. Eux qui n'entendent pas aller à des élections démocratiques. Or, à partir du 25 septembre, les Ivoiriens pourront rêver à la tenue de ces élections. Toute chose qui n'arrange pas tout le monde. Alors, vigilance !
Souanga Adam's Régis