lundi 17 septembre 2007 par Le Nouveau Réveil

A l'occasion du lancement des activités de l'ONG "Action pour la France", André Janier, ambassadeur de la France, n'a pas porté de gant pour clouer au pilori tous les détracteurs de son pays. Avec des faits et des chiffres, il a battu en brèche toutes les contre-vérités distillées sur la France.
Pourquoi j'ai accepté d'être
au séminaire?
Monsieur le ministre,
Monsieur le directeur général, messieurs les parlementaires, mesdames et messieurs, j'ai accepté volontiers la proposition du président de l'ONG "Action pour la France", l'honorable Gouali Dodo Junior, lorsqu'il a invité l'Ambassadeur à participer au séminaire qu'il organise sur le thème général : "Relations économiques entre la Côte d'Ivoire et la France, vaste programme". Et sur le sujet plus précis de la contribution des entreprises françaises au développement économique et social de la Côte d'Ivoire, qui pourrait susciter un débat intéressant. J'ai répondu à votre invitation, monsieur le président, pour trois raisons. N'ayant rien à cacher, ne développant aucun agenda secret, nous sommes toujours disposé d'abord à dialoguer franchement avec les Ivoiriens, avec tous les Ivoiriens sans exception. Et à exposer en toute transparence la position française relative à leur pays, souvent mal comprise, parfois déformée. Le thème retenu aujourd'hui, les relations bilatérales en matière économique nous fournit d'autre part l'occasion de rétablir la réalité en l'étayant de faits et de chiffres précis et incontestables. Et de dénoncer certaines contre-vérités, certaines idées reçues souvent ressassées qui ne correspondent pas à cette réalité. Comment aurais-je pu enfin ne pas répondre favorablement à l'invitation des responsables de "Action pour la France" qui se sont fixé pour objectif principal de répondre aux détracteurs de la politique ou de la position française vis-à-vis de leur pays lorsqu'ils estiment que leurs arguments ne sont pas fondés ? Je voudrais confirmer que l'Ambassade n'a pas été impliquée dans la création de "Action pour la France" et qu'elle n'est pas directement associée à ses activités. Il s'agit de deux entités distinctes et indépendantes, mais leurs objectifs se recoupent parfois. Ceci étant posé, nous encourageons ses dirigeants à persévérer dans leur souci d'agir, de convaincre et de développer. Les vérités d'André Janier aux détracteurs de la France. Mais venons-en au sujet qui nous préoccupe aujourd'hui, à savoir les relations économiques entre la Côte d'Ivoire et la France, vaste programme qui a fait et continue de faire couler beaucoup d'encre. J'entends et je lis ici et là que la politique de la France en Afrique et en Côte d'Ivoire, plus particulièrement, serait dictée d'abord par la volonté de défendre à tout prix ses propres intérêts économiques et commerciaux. Que Paris n'hésiterait pas à utiliser tous les moyens en vue de protéger son pré-carré et celui des entreprises françaises. C'est faux évidemment, et tous ceux, qui connaissent et comprennent le fonctionnement des relations entre Etats, le savent aussi bien que moi. Je mentirais et je ferais preuve de mauvaise foi si je soutenais que les aspects économiques ne jouent aucun rôle dans la conduite de la politique extérieure de la France. Cela vaut pour la France, comme pour tous les pays du monde. Les Présidents de la République ont pris l'habitude d'amener avec eux certains chefs d'entreprises lors de leurs visites à l'étranger. Des ambassadeurs ont reçu pour consignes de suivre l'évolution des relations économiques et commerciales et d'en rendre compte à leurs autorités parisiennes. Au siècle de la mondialisation, les relations internationales entre Etats sont mues par plusieurs facteurs indissociables et interdépendants les uns des autres. Tout est lié. En effet, comment distinguer, de nos jours, l'économique du politique, le social de l'environnement, le militaire de l'humanitaire. Mais il ne serait pas exact ni honnête de prétendre que l'action de la France dans le monde, en Afrique, en Côte d'Ivoire, pour ce qui concerne la Côte d'Ivoire, par exemple, la présence de la force Licorne, notre rôle au Conseil de sécurité des nations unies comme au sein de l'Union européenne, le développement de notre coopération bilatérale, soient conditionnées par la seule défense de nos intérêts économiques ainsi que certains cherchent à le faire croire. Ces intérêts existent certe, ici comme ailleurs, et personne ne nie ni ne néglige leur importance. La Côte d'Ivoire contribue à son niveau au bilan de certaines entreprises françaises et les dirigeants de ces entreprises ne s'en plaignent pas. Mais, de là à dire que le sort de leurs entreprises dépend de la réussite de leurs affaires en Côte d'Ivoire et que les autorités françaises sont prêtes à faire la guerre pour défendre leurs intérêts, il y a un pas difficile à franchir. Soyons sérieux et raisonnables. Je disais tout à l'heure que j'étayerai mon raisonnement par des faits et des chiffres incontestables et précis. J'en citerai deux à ce stade, facilement vérifiables. La part de la Côte d'Ivoire a représenté en 2006, 0,1% du volume globale des échanges économiques et commerciaux de la France vers l'extérieur. Les opérateurs économiques français reconnaissent que cela est bon à prendre et ils ont raison. Mais de là à dire que l'économie française s'effondrerait si le marché ivoirien lui était fermé, il y a un pas difficile à franchir. J'ai lu récemment et ce sera mon deuxième exemple, que la société Bouygues, seconde entreprise de travaux publics dans le monde, par le chiffre d'affaires qu'elle réalise, vit en grande partie des bénéfices qu'elle tire de ses activités en Côte d'Ivoire. Bouygues gagne de l'argent en Côte d'Ivoire, mais il y investit également à grande échelle. Ce pays a représenté l'année dernière environ 1% de son bilan global. Ses dirigeants ne crachent pas dessus, le président Martin Bouygues me l'a confirmé et ils ont raison. Mais de là dire que la survie de la société dépend du contrat qu'elle a passé avec la CIE et la SODECI, il y a un pas difficile à franchir. On a dit aussi que la politique de la France vis-à-vis de la Côte d'Ivoire était inspirée par son acharnement à s'approprier, à tout prix, les ressources nombreuses et variées qui font la richesse de ce pays. Or, il se trouve que les intérêts français sont présents de façon marginale des deux secteurs les plus rentables de l'économie ivoirienne, à savoir le cacao et le pétrole. Que ceux qui prétendent le contraire consultent la liste des entreprises étrangères directement impliquées dans ces deux filières prioritaires pour l'économie de la Côte d'Ivoire. Ils constateront qu'aucune entreprise française ne pille comme je l'ai lu, même n'exploite ces richesses à grande échelle. J'ai interrogé les dirigeants de Total, troisième opérateur pétrolier au monde, sur leur absence de Côte d'Ivoire. Ils m'ont répondu qu'ils avaient été sollicités pour exploiter des champs pétroliers offshore en Côte d'Ivoire et qu'ils n'avaient pas donné suite à ces propositions pour des raisons de stratégie industrielle.
Relations économiques et
commerciales toujours prospères
et vivaces entre les deux pays
Pillage, prédation, monopole, autant d'idées reçues qui ne correspondent pas à la réalité et que je me devais de dénoncer sans tomber dans la polémique avant d'entrer dans le détail des relations économiques et commerciales prospères liant la Côte d'Ivoire et la France qui restent vivaces en dépit de la crise car elles reposent sur des liens anciens et solides, profondément ancrés de part et d'autre dans l'action quotidienne. Et parce qu'elles savent les intérêts réciproques des deux parties ivoirienne et française. Il n'y a pas de secret en économie. Les relations inter étatiques ne se développent que si chaque partie y trouve son propre intérêt. En dépit des vicissitudes de l'actualité, la France reste le premier partenaire commercial de la Côte d'Ivoire. Le volume des échanges bilatéraux a même progressé de 17,5% en 2006 par rapport à 2005. La France a ainsi conservé l'an passé, sa position de premier importateur et premier exportateur en Côte d'Ivoire avec des montants respectifs de 695 millions d'euros pour les importations et 597 millions d'euros pour les exportations. Oui, vous avez bien entendu, la France achète à la Côte d'Ivoire davantage qu'elle ne lui vend. La balance commerciale entre les deux pays a penché en 2006 largement en faveur de la Côte d'Ivoire qui a enregistré cette année là un excédent significatif de 98 millions d'euros. Je ne suis pas certain que nos concurrents puissent en dire autant. Encore une idée reçue qui s'effondre. Même tableau positif en ce qui concerne la présence des activités des entreprises françaises en Côte d'Ivoire. Les grands groupes français, traditionnellement présents sur le continent africain, le sont également en Côte d'Ivoire, la plupart du temps, au travers de filiales. On en dénombre 143 aujourd'hui, contre 147 en 2003 avant les évènements. Ce qui n'a donc pas affecté ce secteur de l'économie, ni la qualité de la relation franco-ivoirienne dans ce domine précis. Sur les 25 entreprises ivoiriennes, figurant au classement des 500 premières entreprises africaines publiées l'an passé par "Jeune Afrique", 11 des 25 sont des filiales françaises ou des sociétés à participation française dont les deux premières à savoir la société ivoirienne de raffinage (SIR) liée au groupe Total et la Compagnie ivoirienne d'électricité (CIE) qui entretient des relations que vous savez avec le groupe Bouygues. On enregistre encore aujourd'hui la présence en Côte d'Ivoire de plus de 400 petites et moyennes entreprises françaises de droit local implantées dans tous les secteurs d'activités avec cependant une présence moindre dans le secteur du cacao et du pétrole. Ces petites et moyennes entreprises françaises étaient environ 500 avant les évènements de novembre 2004. On peut, on doit donc parler à leur sujet de diminution, mais heureusement pas d'hémorragie. Quelles contributions ces entreprises apportent-elles aujourd'hui au développement économique et social de la Côte d'Ivoire ?
Les entreprises françaises
apportent une contribution vitale
au développement économique
et social de la Côte d'Ivoire
Une contribution importante en fait sinon vitale. Je citerai trois chiffres significatifs montrant que la France participe directement de façon positive au maintien du niveau de l'économie de la Côte d'Ivoire qui lui a permis de résister à la crise déclenchée depuis de trop nombreuses années. Première constation : les entreprises françaises ont contribué au produit intérieur brut ivoirien (le PIB), à hauteur de 30% l'année dernière, c'est-à-dire presque le tiers. Deuxième observation : elles ont alimenté toujours en 2006, environ 50% des recettes fiscales de l'Etat, c'est-à-dire la moitié. Troisième constat : elles emploient directement environ 40.000 personnes. C'est-à-dire qu'elles font vivre plusieurs centaines de milliers d'Ivoiriens et d'Ivoiriennes. Sur ces 40.000 personnes employées à tous les niveaux de la hiérarchie, à commencer par les plus élevés, 350 seulement sont expatriées. Je vous invite là encore à comparer avec la situation prévalente, au sein d'autres entreprises étrangères dont je tairai par courtoisie le nom et la nationalité. La France est de loin, le premier investisseur étranger en Côte d'Ivoire. Selon les statistiques pour l'année 2006 du centre de promotion des investissements en Côte d'Ivoire (CEPICI), les investissements réalisés au cours de l'année 2005 ont totalisé 186,6 millions d'euros. Ils étaient en forte hausse, plus de 160% par rapport à l'année 2004. Toujours selon les mêmes sources, la France était en 2005, le premier investisseur étranger en Côte d'Ivoire avec 25,3 millions d'euros, c'est-à-dire près de 15% total devant la Grande-Bretagne avec 19 millions d'euros et Singapour avec seulement 6 millions d'euros. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes. Je m'abstiendrai de les commenter, sinon pour constater qu'ils pourraient être meilleurs si le climat général des affaires était amélioré en Côte d'Ivoire. Mais, je ne voudrais surtout pas vous assommer avec des chiffres et des statistiques. Ce que j'ai cité prouve dans tous les cas que les entreprises françaises restent très présentes en Côte d'Ivoire, même si cela n'apparaît pas toujours évident. C'est qu'elles préfèrent se montrer discrètes, privilégiant l'efficacité et l'intégration au milieu local à l'apparence et à l'arrogance. Elles se sont efforcées à s'adapter à l'évolution de la situation sur le terrain, qui n'a pas systématiquement favorisé leurs intérêts. Cela n'a pas été toujours facile pour elles ces dernières années. Mais elles ont continué, en dépit de ces circonstances défavorables, à miser sur la solidarité et le dynamisme de l'économie de la Côte d'Ivoire. Sur la richesse de ses ressources naturelles et la qualité de ses hommes et de ses femmes. Elles ont continué à faire confiance dans la capacité des Ivoiriens à contourner les obstacles et à dépasser leurs différends pour relancer l'économie de leur pays, qui a plus que jamais vocation, pour nous Français, à entraîner celle de toute la région. On peut dire dans ces conditions que les entreprises françaises, petites ou grandes, anciennement installées ou nouvellement arrivées, spécialisées dans tous les domaines, mais toujours imbriquées aux intérêts locaux, n'ont jamais cessé de contribuer au développement économique et social de la Côte d'Ivoire. Elles prennent une part active dans les secteurs agricole, industriel, commercial, les services en ce qui concerne le développement économique de la Côte d'Ivoire. Elles assurent un emploi et un salaire stables à des dizaines de milliers de travailleurs pour ce qui est de son développement social. Elles alimentent le budget de l'Etat de façon substantielle. Ces entreprises n'agissent pas par pure philanthropie, je vous le concède. Mais, je peux affirmer aussi que leur présence en Côte d'Ivoire n'est pas motivée par le seul souci de faire des chiffres d'affaires. Leur présence, presque intacte après les évènements de ces dernières années, pendant lesquelles elles ont souffert, mais ont résisté, montre qu'elles sont animées aussi de souci de ne pas abandonner des amis en difficultés. Oui, c'est précisément dans les moments difficiles qu'on reconnaît ses vrais amis. Le peuple français considère toujours le peuple ivoirien comme un peuple proche, comme un peuple ami, comme un parent.
Propos recueillis par
Paterne Ougueye Yves

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