vendredi 14 septembre 2007 par Fraternité Matin

La campagne électorale est véritablement lancée dans la perspective de la prochaine présidentielle. L'on remarquera que, dans cette course au pouvoir, ce sont les partis politiques signataires de l'accord de Linas-Marcoussis qui, les premiers, se sont lancés à l'assaut des électeurs. C'est une véritable opération cosmétique pour afficher sa virginité. Chacun voit alors la paille dans l'?il du voisin et la monte en épingle; mais oublie ou feint d'oublier la poutre qu'il a dans le sien. La compétition, qui vient de s'ouvrir, s'apparente davantage à une foire aux invectives souvent gratuites; comme s'il était dit que c'est celui qui dénigrera le plus son adversaire ou qui déversera le plus de contrevérités ou dira le plus d'inepties sur l'autre aura le plus de chances de l'emporter. De part et d'autre, et loin des arguments, des débats d'idées sains et responsables, c'est à une véritable querelle de chiffonniers que l'on assiste. Quolibets, paroles méchantes et choquantes sont ainsi servis aux Ivoiriens. Tous les jours. Sur les ondes. A la télé. Dans les journaux. Partout. Ça devient déprimant. Pour un seul et unique objectif: humilier, par tous les moyens, son adversaire que l'on considère comme son ennemi.
Pourtant, comme des vautours qui fondent sur leurs proies, toute la classe politique s'était donné la main pour dépecer, jusqu'à sa mort, la Côte d'Ivoire. L'accord de Yamoussoukro, conclu sous les auspices de la CEDEAO en 2000 (sous la transition militaire), posait déjà les jalons des agapes au sommet de l'Etat en prévoyant un gouvernement d'union pour sortir le pays de la grave crise politique provoquée par l'affaire Alassane Ouattara et le renversement des institutions républicaines en décembre 1999.
En application de cet arrangement politique, Laurent Gbagbo avait fait appel aux principaux partis politiques pour composer son équipe gouvernementale, dès sa victoire électorale en octobre. Le RDR avait d'abord dit niet, avant de se raviser, en août 2002, presque un mois avant le déclenchement de la rébellion armée. Comme pour ne pas prêter le flanc. La crise militaro-politique, que certains saluent de tous leurs v?ux, n'a fait que légitimer le raout. Le partage des portefeuilles ministériels a été codifié et réparti au prorata de la représentativité. Si, avant la guerre, le FPI avait les mains libres pour se tailler la part du lion dans les gouvernements successifs, depuis Linas-Marcoussis (janvier 2003), il n'est plus le maître absolu de la situation; logé qu'il est à la même enseigne que ses principaux adversaires de l'opposition, le PDCI et le RDR. Autour du butin, ils se sont tous bien chamaillés pour avoir les meilleures parts dans le contrôle des sociétés d'Etat et bénéficier des caisses noires. Ce n'est pas tout par ces temps de pilleurs? où des acteurs politiques ivoiriens (sont) grassement entretenus au nom de la démocratie par le peuple de Côte d'Ivoire?, selon les propos de Laurent Dona-Fologo, président du Conseil économique et social. Comme illustration de cette affirmation, deux faits sans précédent dans l'histoire ivoirienne. - La loi n°2005-201 du 27 mai 2005, proposée par le Président Laurent Gbagbo, qui met les anciens grands serviteurs de l'Etat (Président de la République, président d'institution, ancien ministre, notamment) à l'abri du besoin. Chaque mois, ils passent à la Présidence de la République pour puiser dans le fameux budget de souveraineté, la plus grosse caisse de solidarité de l'Afrique de l'Ouest?, si l'on en croit Laurent Gbagbo. - La loi n°2004-494 du 10 septembre 2004 portant financement, sur fonds publics, des partis et groupements politiques. Elle donne, en ce moment, une bouffée d'oxygène aux partis signataires de l'accord de la banlieue parisienne. Pour l'exercice 2006-2007, les contribuables ivoiriens se sont substitués aux militants à hauteur de 3.250.000.000 de FCFA pour payer le fonctionnement de nos chapelles politiques. Ces dernières observent un profil bas. Elles se gardent bien de faire du bruit sur ce pactole qui pourrait et les discréditer et disqualifier leurs discours aux yeux de la population. Qui ne comprendrait pas que ces chapelles, en même temps qu'elles vouent aux gémonies un régime, participent, avec lui et en catimini, au festin.
Pour le présent exercice (2007-2008), une première tranche d'environ 1.500.000.000 de nos francs a été remise aux mêmes partis. Qui ont le vent en poupe. Actifs, en ce moment, sur le terrain après être passés à la soupe populaire, ils multiplient les manifestations et tirent à boulets rouges sur Laurent Gbagbo et le FPI dont ils jugent le bilan à la tête de l'Etat médiocre?, sinon calamiteux?. Ils -ces opposants- font semblant d'ignorer que sur ce bilan catastrophique, ils auront, eux aussi, à rendre compte aux Ivoiriens. D'abord, sur la crise armée et le rôle qu'ils ont joué pendant ces douloureux événements. Les acteurs politiques savent tous que cette question sensible sera un thème de campagne prisé et pourrait peser lourd dans le vote. Depuis 2000, une nouvelle Côte d'Ivoire est en gestation. Les Ivoiriens, de plus en plus matures, ont démontré qu'ils ne sont plus, pour la plupart, des électeurs captifs et que leurs choix ne sont plus uniquement déterminés par des considérations partisanes. Sinon, l'opposant Laurent Gbagbo n'aurait jamais remporté cette éclatante victoire, aussi bien dans les urnes que dans la rue, devant le général de brigade Guéi Robert, chef de la junte militaire.
Cet élan populaire a permis au régime, certes, de résister à l'agression dont il a été victime le 19 septembre 2002, mais de débaucher des militants de tous les bords politiques et de tous les calibres. Laurent Gbagbo cristallise les passions nationalistes et se présente, aux yeux de nombreux Ivoiriens, comme la clé de l'affranchissement de notre pays de l'asservissement hexagonal. A l'instar de George W. Bush qui, après une première victoire calamiteuse devant Al Gore, a été réélu, haut la main, parce que, pour la majorité des Américains, il représentait le meilleur rempart contre Al-Qaïda. La prochaine présidentielle sera, sans aucun doute, un duel épique entre ceux qui ont soutenu l'ex-rébellion armée et ceux qui s'y sont opposés. Ensuite, sur la gestion au sommet de l'Etat et leur participation au chaos qui prévaut. L'AMU était le grand programme du FPI. C'était son arme secrète. Ce parti avait commencé à travailler et la crise est survenue. Tous les gouvernements qui se sont succédé, se sont occupés de la crise et on ne peut plus parler de ce programme?, a déclaré Louis-André Dacoury-Tabley, n°2 des Forces nouvelles, ministre de la Solidarité et des Victimes de guerre (Cf. Fraternité Matin n°12.833 du 21 août 2007). Depuis donc le déclenchement de la crise armée, soit moins de deux ans après l'accession de Gbagbo à la magistrature suprême, les cohérents programme de gouvernement et projet de société du FPI (école gratuite, décentralisation, AMU notamment), mis au placard, ne sont plus à l'ordre du jour. Seul ne compte plus que le programme de sortie de crise élaboré dans les laboratoires de Linas-Marcoussis. De sorte que les signataires de l'accord de la banlieue parisienne, s'étant partagé la gestion du pays avec l'ex-rébellion, sont tous solidaires de l'action gouvernementale. Au point de rester muets comme une carpe devant la hausse vertigineuse des prix et la grève sauvage des médecins. Et donc, ils sont comptables des misères actuelles dénoncées par les populations?, comme l'écrivait, hier, fort opportunément notre confrère 24 Heures. Pour tout dire, l'échec constaté (?) et proclamé du gouvernement de crapauds, de crabes et de serpents? par ses propres fossoyeurs, n'est pas orphélin. Il a plusieurs pères. Tout comme la victoire.


Par
Ferro M. Bally

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