jeudi 13 septembre 2007 par 24 Heures

La fronde des hôpitaux s'amplifie sans que l'on ne sache jusqu'où elle va s'arrêter, ni jusqu'où ira le gouvernement dans ses menaces de réquisition. L'on ne sait pas non plus ce que fera le gouvernement ivoirien face à la cherté des prix. Le mutisme assourdissant de l'opposition ivoirienne montre une chose : sa participation au gouvernement de transition, avec obligation de se taire, dévoile ses limites.

Si nous ne faisons rien, le pays court à la catastrophe .
Des 148 partis politiques en Côte Ivoire et dont la majorité se réclame de l'opposition, seul le Parti Ivoirien des Travailleurs (Pit) a eu le courage, jusque-là, de s'inquiéter du drame social qui se profile à l'horizon.
Les médecins en étaient hier à leur neuvième jour de grève, tandis que d'autres groupements sociaux, notamment les enseignants, se préparent à boycotter la rentrée du 17 septembre, pour exiger du gouvernement une augmentation de leurs salaires et indemnités, pour tenir compte de la flambée des prix sur le marché.
Dans ce branle-bas annoncé par les organisations syndicales, les consommateurs tentent de se faire entendre, mais restent en position de faiblesse face à un pouvoir que se partagent, le chef de l'Etat Laurent Gbagbo, l'ex-rébellion et l'opposition.
Enfermés dans un gouvernement de transition, les partis politiques sont en quelque sorte pieds et mains liés.
Et ce nous du Pit cache à peine cette situation inédite de la Côte d'Ivoire.
Qu'il s'agisse de la fermeture des hôpitaux ou de la cherté de la vie, de plus en plus insupportable, l'opposition est piégée.
Elle s'est disqualifiée de toute critique, parce que partie prenante de la gestion du gouvernement, donc comptable des misères actuelles dénoncées par les populations.
La locomotive de l'opposition, le Rdr et le Pdci, ainsi que l'ex-rébellion, qui comptent chacun cinq ministères, et à qui reviennent les ministères sensibles du commerce et de la santé, sont aujourd'hui condamnés à la loi du silence par solidarité gouvernementale, au nom du processus de sortie de crise.
Résultat : l'opposition n'est plus une opposition.
Elle s'autocensure face à la dégringolade de l'Etat.
La rébellion n'est plus une rébellion.
Son chef, Guillaume Soro, étant devenu par la force même du scénario en cours de sortie de crise, le Premier ministre de la transition depuis le 4 avril dernier, aux termes de l'accord de Ouagadougou, le dernier-né de la série des accords de paix.
Sur le terrain, le Fpi de Laurent Gbagbo, le Rdr et le Pdci s'affrontent, mais dans le cadre d'une pré-campagne électorale, loin du front social.
Les populations sont, elles, contraintes, depuis plus d'une semaine, à épuiser dans les cliniques le peu de sou qui leur reste.
Ou d'assister, la mort dans l'âme, des parents casser la pipe aux portes des portes closes des hôpitaux publics (Chu, Chr, dispensaires, Pmi,).
Les fortunes sont diverses pour ces familles, électrices de demain.
La société dite civile, dont on savait qu'elle n'est civile que de nom, reste en majorité, à la remorque du pouvoir Fpi.
Difficile d'attendre par exemple de Geneviève Bro Grébé, présidente du Mouvement Ivoirien pour les Institutions Républicaines (Midi), qu'elle critique le Fpi.
Impossible aussi pour le chef de file de la galaxie patriotique, Charles Blé Goudé, qui, pourtant, revendique à qui veut l'entendre sa casquette de leader de la société civile, de dénoncer la cherté de la vie provoquée en bonne partie par un laisser-faire du gouvernement, lui qui a fait campagne pour l'arrivée de Guillaume Soro à la primature.
Impensable enfin pour la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci), instrument de mobilisation des frontistes, de jouer les frondeurs.
Même la Ligue Ivoirienne des Droits de l'homme (Lidho) pèse ses propos : elle trouve seulement regrettable , la fermeture des hôpitaux.
Le patriotisme bon marché dans lequel se sont enfermés les mouvements de la société civile ivoirienne a accouché d'une société civile politiquement colorée.
Le plus souvent appendice du Fpi ou de la coalition de l'opposition, elle est rarement indépendante.
Les partis politiques jouent leur partition et les syndicats la leur , s'est défendu, récemment, Alphonse Djédjé Mady, n°2 du Pdci, s'inscrivant en faux contre un abandon des populations par le politique.
Mais l'argument a ses limites.
Où va la frontière entre syndicats, Ong et partis politiques, quand les hôpitaux se transforment en mouroirs faute d'un service minimum, et quand manger du pain ou du riz devient un luxe ? En décampant de leurs postes classiques, celui d'être les sentinelles de la mauvaise gouvernance, la société dite civile et les partis de l'opposition ivoiriens abandonnent les populations à la pression fiscale.
Pourtant, il ne faut pas croire que le syndrome de la Guinée voisine, où des populations, obligées de prendre leur sort en main, ont affronté le régime Conté, contamine la Côte d'Ivoire.
Les causes restent bien différentes.
Au contraire de Conakry, où le jeu classique pouvoir-opposition avait montré ses limites, du fait de la nature répressive du régime Conté, à Abidjan, c'est une opposition phagocytée par un processus.
En somme, une opposition victime de son propre piège.


Benoît HILI


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