jeudi 13 septembre 2007 par Autre presse

La paix, a dit Félix Houphouët-Boigny, n'est pas un vain mot, mais un comportement. Un comportement qui, sans doute, s'est manifesté le 30 juillet dernier, au stade municipal de Bouaké. Ce jour-là, en effet, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, hier ennemis jurés, ont allumé la Flamme de la paix, jalon important d'un processus de retour à la normalité, dans ce pays ravagé par une guerre absurde depuis septembre 2002.
Cela fait donc cinq longues années que la Côte d'Ivoire est quasiment coupée en deux, empêtrée dans une crise sans précédent qui a fait des milliers de morts et martyrisé les fils d'une même nation. Cinq longues années au cours desquelles de nombreux accords de paix ont été brûlés sur l'autel de l'orgueil politique et d'intérêts obscurs. Cinq années d'une parenthèse sanglante que l'on aimerait enfin voir se refermer Cinq ans déjà, et un espoir, né de l'accord de Ouagadougou. Un espoir qui, telle une étincelle, semble tenir la route, même si, je le pense profondément - et je ne suis pas le seul, loin s'en faut -, le plus dur reste à faire.
Oui, la flamme allumée le 30 juillet dernier à Bouaké est un symbole très fort de l'apaisement et de la réconciliation amorcée. Oui, cette cérémonie - qui a enfin permis à Laurent Gbagbo de fouler, la première fois depuis cinq ans, le sol de la deuxième ville du pays - est une scène essentielle dans l'acte de décrispation sociopolitique de la Côte d'Ivoire. Et, au-delà du bémol que constitue l'absence de ténors politiques comme Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara à ce rendez-vous, j'ai le sentiment qu'il constitue tout de même un pas dans la bonne direction. Du reste, la célébration, le 7 août dernier, de la fête de l'indépendance du pays, dans un certain transport d'unité, est un premier pari gagné par les Ivoiriens. Le gage, en somme, que ça peut changer, ça doit changer, ça va changer, pour reprendre le slogan de campagne du président béninois, Thomas Yayi Boni.
Je me refuse, cependant, à me laisser aller à un optimisme naïf et démesuré. Certes, la tendance à la paix et à la réconciliation est plus forte que jamais, et je m'en réjouis. Mais, des questions cruciales restent à régler pour un apaisement durable des c?urs. Il y a notamment le défi sécuritaire, toujours en embuscade après les tirs de roquette essuyé par l'avion de Guillaume Soro, à l'aéroport de Bouaké, son fief, en juillet dernier. Il y a aussi cette tenace et légitime suspicion qui persiste dans le débat politique et qui fait que, justement, les acteurs ne vont pas au bout de leur volonté de travailler, ensemble, à la (re)construction d'une Côte d'Ivoire débarrassée des horribles clichés de la guerre.
Nouveau champ d'action de cette suspicion, l'annonce, faite par le président Gbagbo, d'envoyer les Ivoiriens aux urnes d'ici à décembre 2007. Jugée irréaliste, la volonté présidentielle est déjà taxée de calculatrice, de manipulatrice, voire de malsaine. Et c'est vrai que les chantiers à conclure sont nombreux pour que la paix, finalement, s'impose à tous au sortir des urnes. Je reste persuadé que le bûcher de Bouaké, dans lequel ont été calcinées les armes de la terreur et de la division, n'aura véritablement de sens que si les élections à venir, sont pacifiquement correctes, démocratiquement justes et rigoureusement transparentes quant à leur organisation. En l'état actuel des choses, peut-on garantir qu'en un trimestre tout au plus, les avatars et scories électoraux soient, peu ou prou, gommés du système pour permettre de sacrifier à cette exigence du cahier d'un retour à la case de paix, sur la base d'un consensus minimum, d'un compromis politique qui mise plus durablement sur l'avenir?
En tout état de cause, il appartient, en premier lieu, à Laurent Gbagbo, de multiplier les signes de sa bonne volonté, en sublimant son discours par des actes édifiants. Mais il appartient aussi à tous les autres acteurs politiques du pays, à la société civile et aux sentinelles de la paix, où qu'ils se trouvent sur le continent ou ailleurs, de l'y aider

Serge Mathias Tomondji

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