mardi 11 septembre 2007 par Le Nouveau Réveil

Il existe un véritable problème d'attribution de terre à San Pedro. Ce qui rend difficile une quelconque réalisation en dépit du titre foncier ou du permis de construire, si l'on n'a pas le ok du collectif des propriétaires terriens regroupés au sein de "Blowa Toro". Cette situation de pagaille qui perdure risque, si on n'y prend garde, de faire école. Donnez-moi le pouvoir et je vous donnerai vos terres". Ces propos, on se souvient, avaient été tenus en 1998 à San Pedro, par l'actuel président de la République lors de la célèbre fête de la liberté. Certainement que le peuple Kroumen ou du moins les membres de "Blowa Toro" ont cerné l'ampleur du message pour sévir. Parce qu'aujourd'hui, il est impensable de monter un mur à San Pedro sans avoir eu au préalable l'accord du collectif des propriétaires. Qui ne lésinent pas sur les moyens pour se faire entendre par l'Etat. Blowa Toro? ou le justicier moderne. Créé le 22 septembre 2002, "Blowa Toro" signifie en langue locale (Kroumen) "la terre des ancêtres". Son siège social est localisé au quartier Lac avec toutes les exigences modernes et une adresse électronique. A l'origine, selon des indiscrétions, l'association avait pour objectif de promouvoir la culture kroumen. Initiative louable qui avait en son temps eu l'assentiment des autorités locales. Puis nationales, puisqu'un agrément a été signé par le ministre de l'Administration du territoire d'alors, Issia Diakité. Contre toute attente, cette association va opter pour "la revendication des terres volées" par l'Etat. A cet effet, "Blowa Toro", avec à sa tête son président, Kla Paul n'épargne personne.
ONG, agents de développement, tous visés
L'Association ivoirienne pour le bien-être familial (AIBEF), malgré son caractère d'ONG, n'a pas échappé aux mailles du filet de "Blowa Toro". Dans le cadre de l'exécution de son programme, elle a sollicité auprès de l'Union Européenne (UE), la construction d'un centre polyvalent d'une superficie de 4129 m² au quartier Bardo. L'UE accède à la demande et le site, d'un commun accord avec les autorités locales, est trouvé. Alors que les deux partenaires s'apprêtaient à aller donner le premier coup de pioche, interviennent les membres de "Blowa Toro" qui exigent à l'UE la purge coutumière. Dans le cas contraire, elle devrait débourser la somme de 10 millions au titre du dédommagement des propriétaires terriens. Les représentants de l'UE sont scandalisés et veulent aller apporter leur aide sous d'autres cieux. Dès lors, les travaux qui devraient commencer depuis le mois de mars ont été interrompus. Finalement, laisse-t-on entendre, la mairie aurait opté pour le versement de la somme de 1,5 million aux propriétaires terriens pour l'exécution des travaux. Comme l'AIBEF, une société de compagnie cellulaire, après s'être acquittée des taxes communales, a reçu la visite malencontreuse de "Blowa Toro". Il lui a fallu payer les droits coutumiers avant d'implanter le panneau publicitaire. Un jeune très remonté, qui garde l'anonymat, nous a confié ceci : "ces gens de "Blowa Toro"-là jouent aux gendarmes en ville parce que l'argent y circule". Avant d'indiquer plus loin que lui-même en est victime. "M. K, au quartier Zimbabwe, a été sommé d'arrêter de construire sa maison pour la simple raison qu'il n'avait pas payé la purge coutumière. J'ai dû, moi-même, remettre 50.000F CFA à l'un de leur membre". Vous devez sacrifier à la tradition qui est de payer de l'argent à "Blowa Toro". "J'ai dû réclamer un reçu. Jusque-là, rien du tout", poursuit notre informateur, non sans avoir évoqué que tout le monde en a marre dans la cité portuaire. Ce sentiment, nous avons eu à le constater lors d'une visite à la direction de la construction et de l'urbanisme. Pendant que nous échangions avec le Directeur Kouamé Michel, un opérateur économique (Libanais) fait irruption dans le bureau : "Patron, "Blowa Toro"-là, ils sont combien ? Je suis en train de construire, le mois passé, un groupe m'a pris de l'argent. Aujourd'hui, un autre groupe arrive, je leur présente le reçu par le groupe précédent, ils ne veulent pas le reconnaître et exigent de l'argent" affirme-t-il désabusé. Tout confus, M. Kouamé n'a pu répondre que par un sourire qui laissait transparaître toute son impuissance. Et pourtant, le directeur nous a confié que la situation qui prévaut à San Pedro est inacceptable. On ne peut pas demander à celui qui construit des droits de purge coutumière. Mais plutôt à celui qui a initié le lotissement. C'est-à-dire à l'Etat prévient-il. Ne voulant pas entrer dans cette polémique qui est de savoir si l'Etat oui ou non est prêt à payer les droits de purge coutumière aux autochtones kroumen, M. Kouamé Michel a indiqué qu'en 2004, lors d'une rencontre entre toutes les parties concernées dans les affaires de titre foncier à San Pedro, il avait été demandé aux cadres de la région à San Pedro, de rédiger un document. Celui-ci, par le biais du préfet (Assi Abaka), devrait être transmis au ministre de la Construction et de l'urbanisme pour une communication en conseil des ministres. Le document en question rédigé en 2005 est-il parvenu à la table du ministre ? La question reste encore posée. Tout compte fait, selon notre interlocuteur, avec le permis de construire, aucun obstacle ne peut empêcher une construction. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a conseillé aux victimes de Blowa Toro de se rendre devant les juridictions compétentes. Les entreprises, principales cibles
L'attitude des membres de "Blowa Toro" met de l'eau au moulin de ceux qui disent que ce collectif a été mis sur pied pour racketter les opérateurs économiques. Parce que, depuis plusieurs années qu'existe le collectif des propriétaires terriens, les opérateurs économiques n'ont plus le sommeil tranquille. "Cela fait près d'un mois que des jeunes se réclamant d'un collectif sont sur mon site. Quand je leur demande la raison de leur présence, ils disent qu'ils n'ont pas affaire à moi. Et pourtant, je les vois avec des géomètres, prendre des mesures" s'inquiète E., responsable d'une entreprise d'exploitation de bois. Malgré le titre foncier dont il dispose, malgré le fait qu'il soit installé dans la zone portuaire, les membres de "Blowa Toro" veulent lui retirer une partie du terrain qu'ils trouvent trop grand pour une seule personne. Un autre opérateur, exerçant dans le même domaine, a lui, maille à partir avec les populations du village Poro. Le 29 octobre 2006, un préavis de grève a été lancé par lesdites populations pour "occupation de site". 72 heures avaient été données pour satisfaire les revendications. C'est-à-dire la construction d'une école primaire, d'une infirmerie, l'embauche des fils et filles du village dans l'entreprise. Naturellement que toutes ces exigences n'ont pu avoir gain de cause dans ce laps de temps. D'où la tenue de manifestation pendant trois jours empêchant l'usine de fonctionner. Après concertation, la fièvre va baisser. En avril 2007, les mêmes revendications sont mises au goût du jour. Conséquences, les 400 travailleurs de l'entreprise sont empêchés de travailler. Une négociation s'ensuit et pour baisser la tension, le port autonome de San Pedro à qui ladite société reverse 30 millions par an s'est engagé à construire au titre de "don et non pas de droit", une école primaire de 6 classes. Il a pris soin de préciser qu'il ne peut construire un centre de santé ni électrifier le village. Pour l'heure, c'est l'accalmie, mais qui va donc payer les 6 jours de non activité de l'entreprise ?

La réaction de l'autorité
La situation est plus qu'alarmante à San Pedro. Et les autorités locales, avec à leur tête l'actuel préfet Obouo Jacques, veulent rétablir l'ordre et donner force à la loi. D'ailleurs, le 07 Août dernier, au cours d'un discours, il a annoncé les couleurs. Aux populations, il a signifié qu'il allait s'engager dans la lutte contre le racket de tous ordres. Aussi, depuis la semaine écoulée, des échanges se tiennent entre lui et tous ceux qui interviennent dans l'épineux problème de terre. Il en était temps, puisque le préfet, dès son arrivée, a pris le pouls de la situation. Alors qu'il avait été invité à assister à une cérémonie dans la zone portuaire, son véhicule a été immobilisé par les membres de "Blowa Toro" qui ne voyaient pas d'un bon ?il l'initiative des responsables du port qui, certainement, n'avaient pas payé la purge coutumière avant de vouloir installer les artisans sur leur site. Et c'est tout simplement dommage.
Paterne Ougueye Yves
yves_oug@yahoo.fr
Envoyé spécial à San Pedro

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023