mardi 11 septembre 2007 par Le Nouveau Réveil

Construire aujourd'hui à San Pedro n'est pas chose aisée. L'association "Blowa Toro" qui s'engage à défendre les terres des autochtones n'y va pas du dos de la cuillère. M. Kla Paul, président de cette structure, accuse l'Etat d'être à la base de tout leur malheur. Tout en vous présentant à nos lecteurs, parlez-nous de votre association qui fait rage à San Pedro.
Je suis M. Kla Paul. Je suis le président de collectif des autochtones propriétaires terriens de la commune de San Pedro. A ce titre là, j'exerce pour revendiquer les droits des propriétaires terriens de la commune de San Pedro. Blowa Toro, nom de l'association, est un terme kroumen qui signifie la terre des ancêtres. Blowa Toro est né le 22 septembre 2002, dans un village nommé Diboué (sur la route de Grand Bérébi). Pour la création du port, il a fallu qu'on déplace les Kroumen qui n'ont jamais été dédommagés. Ils n'ont jamais perçu un centime de la part de l'Etat. Entre temps, il était question de créer une association. Elle a pour objectif de veiller à la protection de nos terres... Mais pendant ces années où l'Etat construisait le port, il s'est permis, à travers le développement de la structure AVB (1970-1972), de déloger tous les Baoulé de la région de Kossou pour les installer dans nos forêts, sur nos terres, avec toutes les garanties sociales. Aujourd'hui, ils sont heureux, leur village est électrifié. Mais à côté d'eux, il y a des Kroumen qu'on a délogés. Pourquoi eux n'ont pas eu les mêmes avantages ? Jusqu'à preuve du contraire, aucun village Kroumen n'est électrifié, si ce n'est, le conseil général qui tente de faire quelque chose. Le combat que vous menez est-il contre les opérateurs économiques ou l'Etat ?
Ce n'est pas un combat contre les opérateurs économiques, mais contre l'Etat. Contre les démembrements de l'Etat. Nous avons eu affaire à l'ancien préfet Assi Abaka, au maire Nabo Clément, pour voir dans quelle mesure l'Etat pouvait nous dédommager.
Vous n'avez pas besoin de traquer les opérateurs économiques pour vous faire entendre par l'Etat ?
L'Etat ne répond pas. Au lieu d'aller très loin en bloquant le port et paralyser l'économie de la sous région, nous préférons immobiliser les petites structures qui payent des taxes à l'Etat alors que c'est nous qui avons cédé les terres. Quand on l'a fait une ou deux fois, l'Etat doit intervenir. Mais dans notre cas, il ne le fait pas. Est-ce parce que ses démembrements ne font pas de rapports. Ou que, au plus haut sommet de l'Etat on se dit, c'est des Kroumen, ils sont minoritaires en Côte d'Ivoire ? Notre association a été créée pour s'étendre sur tous le bas Sassandra. Nous avons commencé par San Pedro commune. Aujourd'hui, en pays Bakoué, les gens sont en train de mettre en place une structure dans le même ordre d'idée. A Grand Bérébi, Tabou, Grabo c'est déjà né et ça prend de l'ampleur. Nous travaillons avec les présidents des conseils généraux de San Pedro et de Tabou. On travaille à trouver une fédération des propriétaires terriens pour revendiquer les droits fonciers des populations autochtones. Raison pour laquelle vous exigez la somme de 50.000F CFA à tous ceux qui construisent une maison à San Pedro ?
La terre nous appartient et nous ne voyons rien dans la vente. Puisque nous ne savons plus à quel saint se vouer, nous avons décidé de descendre nous-mêmes sur le terrain pour prendre notre part qui déjà a été discutée avec la mairie et la chefferie traditionnelle. On avait espoir que ceux-ci se plaignent au maire pour qu'on parte à la négociation. Ce n'est pas pour 50.000F CFA que nous faisons tout cela. Ecoutez, il y a des gens qui s'arrogent des terres de 3000m3 avec des papiers authentiques du préfet, et vous voulez que nous ne soyons pas sur le terrain ? On nous parle de SIP CATALA (Société) qui a un titre foncier. Mais soyons sérieux. A l'époque, il n'y avait pas de titre foncier. L'Etat avait pris la terre et la gérait en forme de bail emphytéotique jusqu'à 2001. Mais en 2002, tout est libéré. C'est-à-dire que le maire et le préfet doivent gérer la terre dans les règles requises. Mais ce n'est pas le cas. Nous attendons toujours. Nous allons sur le terrain pour contrôler les papiers. Parce qu'à San Pedro sur 10 personnes qui sont en train de construire il y a 5 qui ont de faux papiers. Et c'est l'Etat qui en est responsable c'est-à-dire le préfet qui est parti, Assi Abaka et le maire Nabo Clément. Le 12 mai dernier, la première dame dans, sa tournée à travers le sud ouest, nous a rendue visite. Pendant 2 heures 25 minutes, nous avons échangé et elle n'en revenait pas que des gens qu'on a déguerpis depuis 1968, n'ont pas reçu même une boîte d'allumette. Le village Poro est dans ce cas. On nous informe le 12 avril 2007, que nous devons déguerpir. Suite à un décret qui date de 1990. Et on nous dit que nous n'avons même pas un pied de manioc à planter. Alors la première dame nous a demandé de délimiter nos terres sinon on risque d'avoir les mêmes problèmes que les Ebrié d'Abidjan et les Baoulé de Yamoussoukro qui, eux, en février 2004, ont perçu 1,300 milliards de dédommagement pour essuyer leurs larmes. On le sait, c'est passé dans tous les journaux. Pourquoi pas les Kroumen qui, depuis 1960, ont été délogés.

Combien attendez-vous de l'Etat ?
Des milliards.
Interview réalisée par
Paterne Ougueye Yves à San Pedro

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