mardi 11 septembre 2007 par Le Nouveau Réveil

Depuis les années 90, la misère et le chômage sévissent dans le milieu de la jeunesse en général et des jeunes diplômés en particulier. Le constat est à la fois triste et alarmant. Triste d'abord, parce que, au terme de sa formation, la jeunesse se retrouve sans issue. Il lui est de plus en plus difficile de s'insérer dans la vie active si bien que nombre de ces jeunes multiplient les équivalences dans presque toutes les facultés pour bénéficier des avantages liés au statut d'étudiant mais plus encore de la modicité du coût du titre de transport (carte de bus SOTRA). En outre, ils s'installent à demeure dans les résidences universitaires pour éviter d'en rajouter aux difficultés de leurs familles qui ploient déjà sous le poids de nombreuses charges. Ainsi, pour leur survie, certains se convertissent-ils en gestionnaires de cabines téléphoniques, d'autres en précepteurs (répétiteurs), d'autres encore se livrent au commerce de la drogue et parfois même à la prostitution. Pour s'en convaincre, il n'est que de faire un tour sur le parking de l'Université ainsi que dans les résidences universitaires. Plus grave, d'autres étudiants, en dépit de leur âge avancé (30,35 ans) et nantis de diplômes (DESS, DEA, Maîtrise, Ingénieur, BTS, etc.) continuent de vivre aux crochets des parents à la retraite ou de paysans aux productions agricoles mal rémunérées. Alarmant ensuite, parce que nul n'ignore que l'insécurité est avant tout le fruit du chômage et de la précarité de la vie. Aujourd'hui, la jeunesse est exposée à tous les vices notamment le vol, le banditisme, le viol, l'alcoolisme, etc. Pire, elle est un vivier pour les marchands d'illusions. Si donc, aucune mesure d'urgence n'est prise, si aucune véritable politique d'emploi n'est mise en ?uvre pour sauver ces jeunes diplômés en détresse, pourtant supposés être l'avenir de ce pays, il en résultera, si cela n'est pas déjà, des conséquences inestimables. Car, en effet, qui sème la misère, récolte la colère.
On le sait, en général, deux possibilités s'offrent à l'étudiant après sa formation pour son insertion dans la vie active : le secteur privé et la Fonction Publique. Pour ce qui concerne le secteur privé, dans la situation actuelle de notre économie, très peu d'entreprises s'engagent à offrir des emplois stables. L'autre alternative que constitue le projet mis sur pied pour l'incitation des jeunes à la création des petites et moyennes entreprises (PME) est quasiment inopérante pour insuffisance de financement. La preuve ; seulement 10% des projets et besoins exprimés sont financés. Toutes ces raisons amènent donc la jeunesse diplômée à se ruer sur les concours de la Fonction Publique (ENA, ENS, CAFOP, Gendarmerie, Police, ). Mais là encore, c'est la désolation. Les candidats se heurtent à une corruption bien organisée. Il est de notoriété publique qu'en Côte d'Ivoire, pour être admis à un concours de la Fonction Publique, deux (2) cas de figure se présentent aux candidats : soit on dispose d'un bon réseau social c'est-à-dire qu'on bénéficie d'une protection dans les arcanes de décisions, soit on dispose de suffisamment de moyens financiers pour "payer le concours". Dans ce dernier cas, les montants exigés varient selon l'importance de la place sollicitée par l'impétrant. Nous voulons citer pour preuve le cas de l'Ecole Nationale d'Administration (ENA) qui constitue en l'espèce l'exemple le plus honteux et le plus ahurissant. Pour le cycle supérieur, par exemple, le candidat doit débourser une somme allant de deux millions cinq cent mille (2,5 millions) à trois (3) millions de francs CFA, pour le cycle moyen supérieur, une somme allant d'un million cinq cent mille (1,5 million) à deux (2) millions, et enfin pour le cycle moyen une somme comprise entre un (1) million et un million cinq cent mille (1,5 million). Avouons que c'est une pratique totalement aux antipodes des règles de bonne moralité, de bonne gouvernance et d'une société qui se veut égalitaire. Cette école, supposée être une école d'élite comme c'est le cas en Europe et notamment en France, fait la promotion de la médiocrité et d'un clientélisme de mauvais aloi. Cela sape inévitablement les fondements mêmes de la société et le pire est que, cette situation se passe dans l'indifférence totale de nos dirigeants et parfois même avec leur caution.
Nous voulons dire avec Aimé Césaire qu'une société qui s'avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une société décadente. Un gouvernement qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est un gouvernement atteint. Une nation qui ruse avec ses principes est une nation moribonde. Le fait est que, la société ivoirienne, telle que l'ont façonnée quatre (4) décennies de gestion approximative est incapable de résoudre les deux (2) problèmes majeurs auxquels son existence a donné naissance : la CORRUPTION et le NEPOTISME. Cela est regrettable à bien des égards. Il est donc grand temps de revenir aux principes édictés du reste par notre constitution : l'égalité des chances, le droit au travail et la justice sociale. Car, la sagesse scientifique enseigne qu'à partir d'un certain degré d'échauffement de l'eau, les molécules d'air se solidarisent localement pour monter à la surface et évacuer l'excédent de calories. Alors, au moment où les concours de la Fonction Publique pointent à l'horizon, qu'on ne s'étonne pas de la naissance d'un vaste mouvement de revendication du droit au travail et de l'égalité des chances de l'ensemble de la jeunesse si aucune mesure d'urgence n'est prise. La jeunesse s'insurge contre cette politique qui fait des riches les plus riches et des pauvres les plus pauvres. Elle revendique au contraire la mobilité sociale dans cette démocratie naissante. Il faut voir dans la mobilisation de toute la jeunesse, dans l'avènement de la deuxième République et dans les péripéties de l'avènement de la paix, comme une cristallisation de sa volonté de rompre avec les méthodes du passé et de voir luire pour elle un avenir meilleur. En témoignent les sacrifices de toute cette jeunesse pour sauver la Côte d'Ivoire d'un chaos. Il convient donc de ne pas l'oublier mais au contraire de faire d'elle le centre des préoccupations. Cela passe par :
-l'assainissement de l'organisation de tous les concours de la Fonction Publique,
-la promotion de l'excellence,
-la création et la mise en place d'une véritable politique d'insertion de la jeunesse,
-la création des conditions d'une meilleure mobilité sociale.
Nous appelons donc toute la jeunesse concernée à ne pas céder à la résignation au motif que la cause est perdue d'avance mais plutôt à élever la voix pour l'avènement d'une société aux fondements sains, justes et égalitaires comme elle a su le faire dans un passé récent.
A l'endroit de nos autorités, nous voulons qu'elles contredisent par leurs actes Anatole France qui dit: "On croit mourir pour la patrie. On meurt pour des industriels" et davantage le sociologue italien Pareto cité par John Hallowell dans son ?uvre les Fondements de la démocratie : "Tous les discours philosophiques, les discussions politiques, les essais relatifs aux conceptions de la morale ne sont que les divers aspects de "chicanes", exercices vocaux inutiles ou simples griffonnages. Car ce n'est pas la raison qui détermine le destin des hommes, mais la ruse, la tromperie et la force. Les gouvernements, quel que soit le nom qu'on leur donne dans un but de propagande, sont toujours dirigés par un petit groupe et pour la défense de ses propres intérêts." Jeunesse diplômée ivoirienne, sors de cette apathie, de cet avenir gris. Gris, la couleur de l'absence de couleur, l'absence de perspective, le symbole de la claustration, l'archétype de la solitude, la quintessence de la désolation, le paroxysme du désespoir. Oh ! Jeunesse ivoirienne ! Ne te revêts jamais de gris, serait-ce en esprit.

Collectif de jeunes diplômés de Côte d'Ivoire
collectifdesjeunesdiplomesci@yahoo.fr
05 47 45 18 / 01 38 26 29

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