mardi 11 septembre 2007 par Le Nouveau Réveil

La filière café - cacao est en proie à des remous ces derniers temps. M. BOA Stéphane, président du Syndicat Autonome des Producteurs de Café et Cacao de Côte d'Ivoire (SYNAOPCI) a accepté de se confier. Dans cet entretien, il ne prend pas de gang pour porter un doigt accusateur sur Laurent GBAGBO.
Quels sont ces problèmes qui minent la filière ?
Depuis qu'ils ont créé les structures, aucun planteur ne s'en sort en Côte d'Ivoire. Et pourtant les dirigeants actuels disaient qu'ils ont laissé les planteurs prendre la filière pour être riches ?
Aucune structure n'a arrangé les planteurs parce que j'ai toujours dit que ces structures ne sont pas des créations des producteurs. Mais, c'est le Président Gbagbo qui les a installées par décret. Ceux qui sont à la tête des structures gèrent la filière avec le Président Gbagbo. Ce ne sont pas les paysans qui gèrent la structure. Nous sommes surpris de ce que vous dites M BOA Stéphane
Prenons le cas de nos coopératives. Ce sont les coopérateurs qui choisissent le président, le trésorier. Mais au niveau des structures, ce n'est pas l'ANAPROCI qui a nommé Henri Amouzou à la tête du FDPCC, Angeline KILY au FRC, tout comme Tapé Do à la BCC C'est par décret du Président Gbagbo que tous ces responsables sont à la tête des structures. Donc aucun paysan ne se retrouve dans cette affaire de café-cacao. Donc vous contredisez ceux qui disent que la filière a été cédée aux planteurs ?
J'ai toujours dit que la filière ne nous a pas été remise. La filière est dans la main de Gbagbo. Aucun paysan ne se retrouve dans cette filière. Pour prendre une décision dans la filière il faut l'accord de Gbagbo pas celui des paysans. Donc depuis qu'il y a eu des prélèvements de gauche à droite, aucun paysan n'a reçu quelque chose. Et pourtant c'était votre combat il y a de cela deux ans ?
J'ai fait le combat parce que les paysans souffraient. J'ai attaqué plusieurs fois et le Président nous a appelés pour dire bon OK puisque je ne sais pas ce qui se passe, je vais voir pour trouver une solution. Depuis deux à trois ans, il ne dit rien. Aujourd'hui, tous les producteurs savent que c'est lui qui bloque tout. C'est lui la cause de nos problèmes. Avez-vous les preuves de ce que vous avancez ?
J'ai les preuves. Pour payer la SIFCA COOP, c'est avec l'accord de Gbagbo. Pour payer une société, c'est lui qui donne son accord avant de décaisser l'argent. Amouzou est le président du FDPCC, Mme Angeline Kily est la PCA du FRC, Tapé DO est le président de la BCC, mais allez vérifier aujourd'hui ils ne vivent que de leur budget de fonctionnement. Le budget alloué pour l'achat des produits phytosanitaires, pour arranger les routes, le Président Gbagbo a désigné quelqu'un d'autre pour gérer tout.
A vous entendre, la filière n'est pas aux paysans ?
Personne n'a donné la filière aux paysans. C'est une fabrication pour faire croire aux paysans qu'il fallait aller à la libéralisation. Je suis toujours dans les champs et je sais comment les paysans souffrent. Je sais combien les producteurs cotisent, mais cet argent est où ? J'ai toujours dit au Président que certes c'est lui qui gère mais nous les paysans on n'a pas de force pour prendre les armes. On attend les élections pour exprimer ce que nous avons dans notre c?ur. C'est dans les urnes que nous exprimerons notre colère contre Gbagbo. Les paysans lui diront qu'ils ne sont pas bêtes, ils sont intelligents. Les paysans souffrent pour se nourrir, se soigner. Ils meurent dans les brousses, faute de moyens. Lorsque je vois ça, j'ai envie de pleurer à cause du Président Gbagbo. Pourtant les actuels dirigeants disent que les planteurs sont devenus plus riches sous leur règne ?
C'est de la mascarade. Les gens disent qu'ils ont payé une usine aux Etats-Unis sans que les paysans les premiers concernés ne soient informés. Quelqu'un se lève, prend des milliards pour aller acheter une usine sans informer les producteurs. Où allons-nous avec ça ?
Le chef de l'Etat vous a-t-il trahi?
Lui-même sait qu'il nous a trahis. Aujourd'hui je ne sais pas quel planteur vous dira que Gbagbo n'a pas trahi les producteurs. Dans l'Indenié comme dans le Moyen-Comoé le moment n'est pas encore arrivé parce que nous n'avons pas encore les moyens. Nos moyens, ce sont les élections. Le jour des élections, nous allons choisir celui qui peut nous aider, mais pas celui qui va nous mentir. Aujourd'hui nous interpellons l'Union Européenne afin qu'elle nous aide. L'UE a demandé les audits des structures qui gèrent la filière. Les dirigeants s'y sont opposés pourtant ?
L'Union Européenne aurait dû venir à la base pour interroger les producteurs. Ces derniers leurs auraient fourni toutes les informations qui font qu'ils ont des problèmes. Mais elle a commencé par le haut avec les dirigeants des structures et l'Etat. Les paysans à la base allaient apporter les précisions de leur misère. Et avec ses preuves, les auditeurs auraient eu les éléments nécessaires pour faire leur travail. Par exemple, un paysan qui fait 10 à 30 tonnes qui est pauvre est mieux placé pour apporter la preuve de la mauvaise gestion des structures en charge de la filière. Les dirigeants soutiennent que votre argent a servi à payer des armes. Certes il a payé les armes pour sauver le pays, c'est aussi pour nous sauver mais des individus qui sont devenus des milliardaires et on les regarde. Ils nous volent toujours, le Président ne dit rien. Alors, qu'est-ce qui se passe ? Le Président de la République a le droit de prendre l'argent des planteurs pour acheter des armes pour défendre le monde paysan. Mais il n'a pas le droit de laisser les individus devenir des milliardaires et les paysans souffrent. Donc cela veut dire que Gbagbo a utilisé l'argent des planteurs pour acheter les armes et laisser mourir les paysans Si nous avons peur de lui c'est parce qu'il nous a honnis. Nous sommes sortis dans les rues pour mettre Gbagbo où il est là aujourd'hui. Allez-vous prendre la rue ?
Le moment va arriver. Toute chose à son temps. Nous on le regarde. S'il pense que son entourage lui dit la vérité, je lui dis que c'est faux Qu'il prenne ses responsabilités. Quand il y a coup d'Etat ce sont les hommes qui meurent. Quand les gens s'expriment dans les journaux ce ne sont pas les services de renseignement mais ce sont les gens qui vivent et savent ce qui va arriver raison pour laquelle ils parlent. Ce n'est pas parce qu'ils sont fous. Mais ils souffrent. L monde paysan souffre. J'ai fait bloquer les deux ponts, il y a deux ans. Cela n'est jamais arrivé quand la Caistab existait. Après notre mouvement Gbagbo m'a reçu et il m'a dit Agni ne fait pas ça. J'ai dit OK. Un Akan ne fait pas ça, on se retire et on vous regarde.

Pourquoi ne repartez-vous pas le voir pour trouver une solution ?
Son entourage n'acceptera pas qu'on lui dise la vérité. Eux tous sont corrompus par les dirigeants de la structure. Aujourd'hui, vous amenez un dirigeant à la justice les minutes qui suivent, les gens de la Présidente feront en sorte qu'il n'y ait pas de suite à cette poursuite. Aucun paysan n'a la parole à la justice encore moins en Côte d'Ivoire. Ceux qui ont la parole, ce sont ceux qui ont pris nos milliards. Ils sont avec les gens de la Présidence, les ministres d'Etat plus Gbagbo. Donc nous sommes perdus. Voici la rentrée, qu'allons nous devenir. Voici la campagne cacaoyère, qu'est-ce qu'on va faire. Aucun DG n'a organisé la campagne pour qu'on relève le prix garanti aux producteurs. Ils se lèvent, font des schémas. Le cacao, c'est quand le prix augmente, on vend et non des papiers. Pourquoi ne rencontrez-vous pas SANSAN Kouao, ami de Gbagbo par exemple pour aider les paysans à trouver une solution à leur préoccupation ?
J'en ai discuté une fois avec le doyen SANSAN. Il était le premier président de SIFCA COOP, il a été humilié, Gbagbo a dit quoi ? Il n'a rien dit. Ce n'est pas moi qui irais le voir et il va parler. Seuls les journaux pourront nous aider à traduire notre mécontentement qui attirera l'attention de la communauté internationale et nationale.
Vous souhaitez donc le retour de la Caisse de stabilisation ?
C'est mon souhait. La Caistab arrange le paysan. Mais j'ai toujours dit au chef de l'Etat que je ne critique pas le DUS (Ndlr: Droit unique de sortie), car il permet de faire vivre le pays. Sans le DUS le pays ne peut rien faire. Nous décrions l'argent du prélèvement des paysans qui va dans les poches de Gbagbo et son groupe. Si Gbagbo pense qu'il ne "bouffe" pas notre argent, qu'il sorte la tête pour nous sauver. S'il n'a pas pu nous sauver, c'est qu'il est complice. Ne craignez-vous pas pour votre vie?
Moi je n'ai pas peur. Les miliciens ce sont des hommes. S'ils veulent qu'ils viennent mettre fin à ma vie. S'ils me tuent, demain il y a quelqu'un qui va venir sauver le monde paysan. Aujourd'hui mon combat c'est pour sauver le monde paysan. Donc Amouzou, Angeline KILY et Tapé DO sont des amis mais je n'ai rien à foutre avec eux. La seule personne qui peut sauver le paysan c'est Gbagbo parce qu'il a dit de lui donner le pouvoir, c'est ce que nous avons fait. Mais aucun paysan n'arrive à se soigner, à s'acheter un paquet de ciment pour construire. Aucun jeune ne peut songer à retourner à la terre parce que le café et le cacao ne lui apporteront rien
Entretien réalisé par Joël ABALO

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