lundi 10 septembre 2007 par Le Nouveau Réveil

Le code du travail ivoirien proclame que "tous les salariés ont le droit de se mettre en grève" (Art 82.1). Ce code du travail précise que "la grève doit être précédée d'un préavis" (Art 82.2). Pas plus. C'est dire que la loi, en tout cas en Côte d'Ivoire, n'interdit pas que des grévistes n'observent pas le service minimum. Donc, on ne peut pas dire que la "grève illimitée sans service minimum" du SYNACASS-CI est illégale. Elle est cependant immorale. Pourquoi ? D'abord parce qu'elle viole le serment d'Hippocrate. Ce serment dit ceci : "Au moment d'être admis à exercer la médecine, je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état et leurs convictions. J'interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité () Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire ()" Dans le cas de cette grève, le fait d'avoir supprimé le service minimum pose un cas de conscience. Un cas d'honneur et de probité. De nombreux malades sont morts par abandon dans les services de santé publique pendant que les médecins du secteur public monnayent leurs "connaissances" dans les cliniques privées. L'influence de la soif du gain est ici patente. Cette grève est d'autant plus immorale que contre ses habitudes, le Conseil national de l'ordre des médecins de Côte d'Ivoire est monté au créneau pour mettre un peu d'ordre dans le milieu. Dans un communiqué en date du 8 septembre signé de son président Dr Florent Aka Kroo, le conseil a rappelé "à la corporation médicale et notamment aux médecins fonctionnaires, qu'il est de leur devoir éthique d'assurer un service minimum en cas de grève". Le conseil a lancé de ce fait un appel à tous afin de "prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer le service minimum sans aucune crainte ou menace" précisant que c'est "pour le bien-être de la population suffisamment éprouvée par les crises militaro-politiques et des déchets toxiques". Le conseil nous rejoint dans ce sens. Zadi Sességnon, syndicaliste auteur de livres sur le sujet, joint au téléphone hier, a rappelé qu'une grève pour bien fondée qu'elle peut être, ne peut pas être "faite pour détruire l'objet de sa survie, de sa conscience personnelle et nationale". Pour lui, la morale se trouve engagée dès lors qu'on "peut satisfaire les revendications du syndicaliste mais on ne peut pas réparer les dégâts causés par celui-ci, surtout s'il y a mort d'homme comme cela peut être le cas dans la grève sans service minimum des médecins". Toutefois, si l'acte sans éthique posé par le SYNACASS-CI est à dénoncer, il ne demeure pas moins que dans le fond, celui-ci a raison d'entrer en grève. Le SYNACASS-CI est le syndicat, donc une association bénévole. Le juge qui a pris l'ordonnance n°1248 du 31 août 2007 désignant Bakary Konaté comme administrateur provisoire a posé un acte "en violation flagrante des libertés syndicales", tel que dénoncé par la motion de grève des médecins. La mise sous tutelle judiciaire motivée, raconte-t-on, dans le milieu des médecins, par une intrusion du politique (l'on parle de l'OPA des Assoa Adou, Richard Kadjo et autres, tous barons du FPI) dans le syndical, est un précédent fort inquiétant.
André Silver Konan

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