samedi 8 septembre 2007 par Le Nouveau Réveil

Monsieur Jean-Baptiste KOUAME, maire de Sakassou s'en est allé. Il a quitté cette vallée de larmes emporté par la tristesse, le chagrin et la douleur. Monsieur Jean-Baptiste Kouamé nous a quittés, exilé depuis cinq ans dans son propre pays, loin des siens, loin de sa terre natale, loin de son peuple, loin de ses administrés, loin de son roi. Car c'est tout cela, ce sont tous ceux-là qui faisaient sa joie et donnaient un sens à sa vie!
Premier magistrat passionné de sa ville de Sakassou et de son terroir, il semblait avoir le don d'ubiquité tant il était partout pour répondre aux besoins et aux sollicitations de cette population qui lui a fait confiance en lui confiant la gestion et l'administration de sa ville. C'est cet homme dévoué, ce serviteur émérite de la Chose Publique que nous avons eu l'honneur et le privilège de rencontrer en 1998 chez lui à Sakassou. Nous avons alors évoqué l'ancien ou le vieux Sakassou avec ses marchés le dimanche où convergeaient les habitants des villages et hameaux voisins décuplant pour une journée la population de la ville. Nous avons parlé de ces lieux qui étaient des repaires pour ces personnes se rendant au marché ou en revenant, repaires qui ont disparu, soulignant le dynamisme de la ville et son prodigieux développement. Mais nous avons surtout parlé du devenir de la cité royale dont le développement harmonieux, associant modernité et tradition tenait tant à c?ur monsieur le maire.
Il fallait en effet veiller à ce que Sakassou n'accusât aucun retard par rapport aux autres villes du pays, mais il fallait également que Sakassou demeurât totalement plongée dans la tradition et l'histoire du peuple baoulé dont elle est la capitale.
Il était donc indispensable qu'à terme, en même temps que les grandes infrastructures et les réalisations socio économiques, un palais royal sortît de terre pour souligner de façon particulièrement vivante que Sakassou est la cité où résident les successeurs et héritiers d'Ablaha Pokou, d'Akwa Boni et plus près de nous d'Anougblé II. Monsieur le maire parlait de tout cela avec passion, les yeux malicieux toujours en mouvement. Monsieur Jean-Baptiste Kouamé s'en est allé sans avoir eu la possibilité de réaliser tous ces rêves, fruits de l'ambition qu'il avait non pas pour lui-même, mais pour sa cité. Comme mentionné plus haut, monsieur Jean-Baptiste Kouamé a été emporté par la tristesse, le chagrin et la douleur !
Car nous savons tous qu'il ne dut la vie sauve, lui qui rentrait tranquillement à Sakassou un certain 19 septembre, que grâce à l'action de certains de ses administrés et amis. Et ce fut l'exil intérieur dont il ne se remettra jamais malgré l'affectueuse attention de son épouse et les prévenances de ses enfants parce que cet homme qui de par ses fonctions a sillonné pratiquement toute la Côte-d'Ivoire entendait "comme cestui là qui conquit la toison et puis est revenu plein d'usage et raison, vivre entre ses parents le reste de son âge". Mais il n'entendait pas vivre le reste de son âge en farniente emporté par le tourbillon de la dolce vita.
Il entendait se rendre utile et c'est ce qu'il a fait. Il a été utile à ses parents, à son parti, à sa ville et à son pays. Etre le premier magistrat d'une ville moyenne ou d'une petite ville n'est pas une sinécure et monsieur Jean-Baptiste Kouamé a décidé de relever le défi. Il fallait que la localité qui l'a vu naître profitât de sa longue et riche expérience, lui que nombre de cadres de ce pays, déjà la tempe grisonnante continuent d'appeler " monsieur " parce qu'en Afrique l'élève même s'il finit par dépasser le maître en savoir, continue de le vénérer d'abord parce que le maître est un aîné et un ancien, ensuite parce que sans le savoir qu'il lui a dispensé il ne serait jamais devenu ce qu'il est aujourd'hui !
Monsieur Jean-Baptiste Kouamé que la mort sourde et cruelle vient de nous arracher était enseignant. Il a fait partie de cette glorieuse phalange des instituteurs émérites qui ont formé des générations de citoyens de ce pays. Il a vécu à une époque où régnait encore le respect de la hiérarchie et de la discipline et où on exécutait les ordres reçus sans se livrer à des contestations idiotes et imbéciles. C'est pourquoi il a parcouru le pays, posant sa valise partout où le devoir l'appelait. C'est dire qu'en se retirant à Sakassou sa ville natale, il y est allé avec son c?ur, avec son âme et une foule de souvenirs. Ces biens matériels et ceux immatériels qu'il a su patiemment réunir étaient une partie de lui-même car ainsi que le disait le poète " tout vit, tout est plein d'âmes ! " Et c'est à tout cela qu'il a été arraché en ce terrible jour du 19 septembre 2002, apprenant par la suite que tout a été livré au pillage et à la destruction. Tous ces souvenirs de la période coloniale, tous ces témoignages des premières années de notre indépendance, tout ce qu'il a acquis à la sueur de son front a disparu en l'espace d'un matin. Nous nous rappelons alors monsieur Amani Golly, ancien directeur général des Impôts, nous informant, au cours d'une réunion du Parti, que sa maison de retraite au village, à quelques encablures de Sakassou avait été mise à sac et totalement pillée. Ces vandales et pillards ont tout emporté même les interrupteurs ! Il n'est resté dans la maison que la grande photo murale du Président Félix HOUPHOUET-BOIGNY. Nous nous souvenons également de cette nonagénaire, veuve, qui a assisté, impuissante, au pillage de sa maison à Bouaké, les " justiciers " d'un autre âge qui ont pris la ville ne lui laissant comme seul et unique bien qu'une photo !!!
Cette dame et son mari étaient installés à Bouaké depuis les années 1950. On imagine aisément son immense détresse et son désespoir de voir des souvenirs et des biens datant pour certains des années 1930 emportés par cet ouragan de brigands et de drogués ! L'incompétence au pouvoir a permis tout cela et pourtant on continue de se bercer de l'illusion qu'on est grand dirigeant et grand politique ! Fadaises que tout cela !
Depuis lors, quoique continuant à servir son pays et à être dévoué à son parti le PDCI-RDA et à son président, son Excellence monsieur Henri Konan BEDIE, un ressort était définitivement cassé chez cet être intrépide et ce militant valeureux dont il ne se relèvera jamais. "Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?" s'interrogeait le poète. "
Elles en ont, ces babioles, ces bricoles, ces biens précieux légués par les ancêtres ou acquis par soi-même et qui n'ont pas de prix parce qu'ils sont devenus partie intégrante de son être. Que dire de l'affection des siens qui ne peut plus se manifester sans une pointe de nostalgie. Quand on ajoute à ces pertes, à cette déchirure personnelle les souffrances indicibles de ses administrés dont la moindre n'est sans doute pas le massacre gratuit et incompréhensible des 9 danseuses d'Adjanou, on comprend aisément que s'il n'a pas été directement atteint par une balle tirée par les rebelles, il a été mortellement frappé par cette barbarie qui a déferlé sur sa cité. Monsieur Jean-Baptiste Kouamé était rongé par la tristesse, le chagrin et la douleur comme ces centaines de cadres et ces milliers de citoyens qui ont quitté cette terre des hommes parce qu'ils n'ont pas pu se relever du choc de ces tueries, de ces spoliations et de cette chasse inique aux sorcières. Des deux côtés, le mal était infini pour monsieur Jean-Baptiste Kouamé qui souffrait les dérives meurtrières du pouvoir dans la fameuse Côte-d'Ivoire utile et broyait du noir par rapport à la détresse des siens de l'autre côté du "rideau de fer". Lorsqu'il y a des échanges de coups de feu et qu'une personne innocente est tuée sans savoir pourquoi il paie pour quelque chose qui ne le concerne peut-être pas, on parle de victime collatérale. Les guerres produisent à foison les victimes collatérales. Ici en Côte-d'Ivoire, tant en zone dite gouvernementale qu'en zone rebelle, les citoyens de ce pays sont constamment dans l'angoisse et vivent dans la terreur face à la rapacité, à la cupidité et à la méchanceté de ceux qui disent les gouvernerpar les armes.
On est rongé de l'intérieur et puis un jour, le souffle s'en va parce qu'on n'a plus la force de résister tant on a l'impression de se battre contre des moulins à vent. Dans le cas qui nous concerne, il ne saurait être question de victime collatérale mais de victimes directes causée par la cécité politique, l'incurie notoire de même que la méchanceté et l'égoïsme des refondateurs ! Car pour avoir souffert ce qu'il a subi, on lui a en réalité logé une balle en plein c?ur et de cela personne ne se relève jamais ! Tous les Ivoiriens conscients et respectables particulièrement le PDCI-RDA, son Président et l'ensemble des militants sauront rendre à monsieur Jean-Baptiste Kouamé l'hommage qu'il mérite !
Par DOUBE BINTY

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