vendredi 7 septembre 2007 par Notre Voie

Dr Alphonse Sékré Gbodjé est enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l'université de Bouaké. En sa qualité de Secrétaire général adjoint de l'Union républicaine pour la démocratie (URD), il a fait une communication sur Le manifeste et l'idéologie manifeste de l'URD ?, le 11 août dernier à l'occasion d'un séminaire organisé par le parti que dirige Mme Akissi Danièle Boni Claverie. Pour ses lecteurs, Notre Voie a voulu revenir avec le conférencier sur ?'l'idéologie centriste'' et comment l'URD compte s'en servir pour recruter le maximum de militants et conquérir le pouvoir. Notre Voie : Docteur Gbodjé, vous avez récemment fait une conférence sur Le manifeste et l'idéologie centriste de l'URD . Nous voudrions vous priez, pour nos lecteurs de revenir sur cette communication notamment sur l'aspect idéologie. C'est quoi l'idéologie centriste ?
Alphonse Sékré Gbodjé : Avant tout propos, je voudrais dire merci à Mme Danièle Boni Claverie, la présidente de l'URD qui m'a toujours fait confiance en m'associant à toutes les réflexions concernant le parti. Merci à Notre Voie pour l'opportunité que vous nous donnez d'approfondir la réflexion sur le centrisme selon la vision de l'URD. Ceci étant dit, je voudrais souligner que l'idéologie est l'ensemble des valeurs ou des idées philosophiques, sociales, politiques, morales et religieuses que professe et défend un parti politique. L'idéologie d'un parti politique explique et oriente son action politique et sociale ainsi que ses choix économiques. L'idéologie centriste ne peut se définir qu'en fonction des idéologies de droite et de gauche. Les termes de droite et de gauche ont leur origine dans le contexte de la révolution française de 1789. En effet , avec la victoire forcée du Tiers-Etat, les Etats généraux se transforment en une Assemblée nationale constituante. A partir de cet instant, deux tendances idéologiques diamétralement opposées s'y affrontent. D'un côté, on a les anti-révolutionnaires, C'est-à-dire, les conservateurs hostiles à l'acquis révolutionnaire et fidèle à l'ordre ancien. Siégeant à droite du président de ladite Assemblée, ces conservateurs constituent la droite politique. De l'autre côté, on a tous ceux qui sont désireux de changements politiques, économiques et sociaux en faveur des classes sociales les plus modestes. Ils constituent la gauche politique parce que siégeant à gauche du président de l'Assemblée nationale constituante. Entre le bloc de droite et le bloc de gauche, un troisième bloc s'est constitué : le centre politique. De ce centre politique, émane l'idéologie centriste. Cette idéologie constitue une voie politique médiane, celle du juste milieu qui renie le conservatisme rigide de la droite et refuse les bouleversements proposés par une gauche extrême. Cette voie est plutôt favorable à la transformation progressive, mesurée et modérée des structures de la société humaine, en plaçant au c?ur du débat et de la vie politique, l'éthique, la liberté et l'égalité. Aujourd'hui, le centre politique est une assemblée politique en mouvement, dynamique ; il se compose et se recompose de façon continue. Il rassemble les modérés de droite et les modérés de gauche. Mais aussi les défenseurs du centrisme se définissent alternativement contre la droite ou contre la gauche, et cherchent dans chacun des deux camps, à tour de rôle, des alliés afin de former des gouvernements de coalition , tantôt de centre-droite, tantôt de centre-gauche. N.V. Pourquoi l'URD a-t-elle choisi de se positionner au centre ?
A.S.G : C'est un choix politique et idéologique. L'URD veut faire la politique autrement en se mettant au-dessus des tensions que créent souvent les antagonismes de droite et de gauche même si ceux-ci s'atténuent du fait de la prédominance de l'économie de marché. L'URD se veut un parti du juste milieu qui compte réunir en son sein tous les citoyens déçus par des politiques arbitraires et tribales et qui cherchent un repère, une référence politique et morale. En plus, c'est un choix qui remonte à l'histore de l'URD, parce que nous venons de quelque part. Nous n'avons pas créé ce parti ex-nihilo. Les membres fondateurs de l'URD ont été en partie des membres fondateurs de l'UDPCI qui, dans son manifeste, s'est déclarée parti centriste. Et quand l'UDPCI s'est alliée au FPI , c'est en tant que parti centriste qu'il l'a fait... Les membres fondateurs de l'URD sont restés sur cette ligne médiane de modération et d'ouverture. Il est important de le savoir parce que certaines personnes parlent de nomadisme politique concernant certaines de nos personnalité et cela est faux. Leur parcours démontre au contraire une constance dans leur choix de faire de leur pays, la priorité de leurs préoccupations. N.V. Mais justement, par ce que l'UDPCI était déjà un parti centriste. Alors pourquoi l'avoir quitté pour créer un autre parti centriste ?
A.S.G. : Vous n'êtes pas sans savoir toutes les péripéties qui ont amené les membres fondateurs à créer l'URD. La présidente Akissi Danièle Boni Claverie s'est longuement prononcée là-dessus et je ne voudrais pas qu'on revienne en arrière. Ce qui nous intéresse, c'est de gérer le présent et nous projeter dans l'avenir. Comprenez que je ne ressasse ce que beaucoup de personnes connaissent dejà. N.V. Quelle est l'essence du centrisme prôné par l'URD du point de vue politique, économique et social ?
A.S.G. : L'URD prône la politique du juste milieu ainsi que le libéralisme économique. Mais nous allons au-delà du libéralisme tel que défini traditionnellement. Tous les partis politiques de droite sont libéraux et conservateurs. Alors, si l'URD prône le libéralisme politique et économique, c'est à quel degré. L'URD prône la démocratie libérale. C'est un système qui engage la participation de tous les citoyens à la vie politique et qui défend toutes les libertés : la liberté de la presse, la liberté de pensée, de conscience, de réunion, etc. Nous sommes résolument pour le respect des institutions républicaines. Vous comprenez alors notre position depuis le déclenchement de la crise ivoirienne. Nous sommes pour la République et prônons les valeurs qui fondent la République : la séparation des pouvoirs, l'égalité, la fraternité, la tolérance. L'URD prône aussi l'économie mixte qui engage le secteur public et le secteur privé, mais qui demande le regard de l'Etat sur les entreprises privatisées. L'Etat doit soutenir ces entreprises pour des intérêts d'ordre public. Donc, c'est un système intermédiaire. N.V. Pensez-vous qu'en Côte d'Ivoire un parti politique peut asseoir son assise à partir de son idéologie ?
A.S.G.: L'idéologie est une théorie. Elle devient opérationnelle par rapport à un projet de société et un programme de gouvernement. Ce sont eux qui, par leur contenu, doivent répondre aux aspirations du peuple. Ces contenus sont inspirés de l'idéologie et doivent apporter des solutions concrètes aux problèmes des citoyens. Ceux qui créent un parti politique ont en commun certaines valeurs, lesquelles valeurs sont véhiculées par l' idéologie. Mais pour que ce parti ait une assise populaire, il faut des idées et il faut des projets. Ce sont donc les projets de société et le programme de gouvernement qui font asseoir l'idéologie et attirent les citoyens vers un parti politique.
N.V. Quels sont les projets de société et le programme de gouvernement de l'URD ?
A.S.G. Nous existons depuis un an. Nous avons déjà amorcé la réflexion qui sous-tend l'action. C'est le manifeste de l'URD. Nous sommes en train d'installer les secrétaires nationaux dont le rôle est justement de mener une réflexion profonde dans des domaines que nous avons listés. Ces réflexions devront aboutir au projet de société d'autant que le ciment de notre lutte pendant les années difficiles est en train de se modifier par rapport au retour progressif à la normale. Le projet de société va toucher tous les domaines de la vie sociale et économique. Nous sommes au laboratoire. N.N. Vous êtes au laboratoire et les élections approchent ; Vont-elles vous y trouver ?
A.S.G. : Peut-être que nous serons encore au labo. Mais c'est justement parce que l'URD n'a pas encore terminé sa réflexion sur son projet de société et son programme de gouvernement que nous ne présentons pas de candidat à la prochaine présidentielle. Le faire serait, à nos yeux, cautionner une candidature folklorique. Or nous, nous avons dépassé ce stade. Dans 5 ans, nous serons en mesure de présenter quelqu'un, de présenter une candidature sérieuse. Mais nous serons présents aux prochaines législatives, municipales et départementales où nous avons de grandes ambitions. N.V. Quel candidat de la droite ou de la gauche soutiendrez-vous ?
A.S.G. : Actuellement, l'URD est dans la majorité présidentielle. Nous avons défendu les mêmes valeurs ces dernières années. Toutes les positions que l'URD a prises en faveur de la Constitution et contre ceux qui voulaient fouler au pied la souveraineté de notre pays nous a amené à adhérer au CNRD .
N.V. N'êtes-vous pas en train de dire autrement que le candidat de l'URD ce sera Laurent GBAGBO ?
A.S.G. : Il ne serait pas correct de ma part de me substituer aux instances du parti. Cela est un secret de polichinelle. Quand on dit qu'à l'URD, il n' y a pas de candidat naturel, cela veut dire que la direction de l'URD va être amenée à expliquer aux militants pourquoi nos analyses font pencher la balance en faveur du président Gbagbo. Mais nous ne reconnaissons pas M. Gbagbo comme notre candidat naturel. Vous voyez la nuance !
N.V. : Revenons aux ambitions de l'URD. Nous sommes en Côte d'Ivoire dans un contexte où les grands partis ont des bastions. Alors, comment l'URD compte-t-il se faire une place et espérer un jour parvenir au pouvoir ?
A.S.G. : L'URD a son mot à dire. Le paysage politique ivoirien n'est pas aussi figé qu'on peut le croire. Certes, les partis importants ont leur bastion, mais on assiste aujourd'hui à une recomposition du paysage politique qui ne fait que s'accélérer. Le PDCI avait un bastion important, celui du centre qui est loin d'être aussi monolithique qu'on peut le penser et le FPI fait des percées considérables. Le RDR rencontre le même phénomène. Son bastion naturel était le nord et il est soumis à des coups de butoir sur son aile Forces nouvelles et sur sa dissidence Zémogo. La normalité étant de retour, tous les partis politiques vont être remis sur la même ligne de départ. Les privilèges hérités de Linas Marcoussis vont s'estomper et la vérité va enfin éclater. Deux privilèges importants vont devoir être examinés et c'est le souci de notre présidente Mme Danièle Boni Claverie : la participation à la commission électorale indépendante(CEI). Nous avons 3 députés et nous remplissons toutes les conditions pour être représentés à la CEI d'autant que nous allons présenter des candidats aux législatives et qu'il nous semble aberrant d'être absents des commissions décentralisées. D'autre part, il est anormal, pour ne pas dire injuste, que nous ne bénéficions pas du financement de l'Etat aux partis politiques alors que nous remplissons toutes les conditions réclamées. Il faut corriger toutes ces anomalies au nom de la démocratie.



Interview réalisée par Dan Opéli

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