jeudi 6 septembre 2007 par Le Matin d'Abidjan

Face à la hausse généralisée des prix en Côte d'Ivoire, Me N'Goran N'Da, président de la FAC-Côte Ivoire est catégorique et indexe tous ceux qui favorisent cette pagaille constatée ces jours-ci. Pour lui, les opérateurs économiques sont en premier responsables de la flambée des prix et l'Etat, le véritable arbitre de la vie économique, a démissionné. Entretien.

Me N'Goran N'Da, vous êtes président de l'association des consommateurs de Côte d'Ivoire. Depuis quelques jours, nous assistons à une flambée généralisée des prix sur le marché. Que fait l'association des consommateurs que vous dirigez?
Je crois qu'il s'agit d'un problème particulièrement sérieux et je constate que la presse aussi bien que les consommateurs ignorent suffisamment le rôle des consommateurs. On a tendance à attendre le changement qui s'impose de la part des associations de consommateurs seules. Une association de consommateurs se crée par des consommateurs qui se sentent abandonnés par l'Etat qui ne semble pas bien prendre en compte leurs intérêts. Ils décident de se battre seuls pour faire redresser les torts qu'ils subissent. Donc le rôle de l'association est essentiellement de faire la promotion des droits du consommateur, défendre et protéger les intérêts du consommateur. Faire la promotion, c'est faire connaître les droits du consommateur. Protéger ou défendre, c'est veiller à ce que lorsqu'il y a un problème ou quand on veut prendre une décision.

on s'arrange à ce que les intérêts des consommateurs soient pris en compte
Quels sont les droits du consommateur dont nous faisons la promotion. Il en existe 08 et je les citerai car cela dépend de la réponse à la question relative à la flambée des prix sur le marché. Le droit à la satisfaction des besoins essentiels, le droit à l'information, le droit au choix, le droit à la sécurité, le droit d'être entendu, le droit à la réparation des torts, le droit à la formation, l'éducation, à la consommation. Et il y a le droit à un environnement sain. De ces 08 droits on ne parle pas de prix. Donc le prix ne fait pas partie du droit des consommateurs. Mais le prix apparait comme la conséquence de l'un de ces droits. Et le droit du consommateur qui a pour conséquence le prix, c'est le droit au choix. Le droit au choix suppose que pour acheter quelque chose, le consommateur doit se trouver sur un marché concurrentiel. Pour qu'il puisse pour un meilleur produit, avoir affaire à un ou plusieurs opérateurs. Et le fait qu'il soit amené à aller chez tel opérateur au lieu de tel autre, cela peut amener l'opérateur à créer des conditions plus favorables afin qu'il puisse faire son choix. Alors, cette situation se vérifie sur le terrain depuis que l'Etat a autorisé la libération des services de mobile en matière de télécommunication. Les prix qui étaient très élevés au début ont commencé à baisser. Ce n'est pas encore suffisant pour nous mais la concurrence a joué un grand rôle, non seulement dans cette baisse de prix mais aussi une amélioration des conditions d'accès aux produits. Quoique le produit lui-même ne soit pas amélioré parce que les réseaux sont toujours saturés et de mauvaise qualité. Mais pour nous arrêter au problème de prix, c'est comme cela que nous voyons la chose. Et qui a la charge de promouvoir la concurrence ? C'est l'Etat, c'est encore lui qui a la charge de la protéger.

Mais les prix augmentent sur les marchés, le panier de la ménagère est vide. Le prix du gaz a augmenté, on s'apprête à augmenter le prix du pain. Que fait l'association des consommateurs ? La question reste posée.
Pour une meilleure réponse à cette préoccupation, j'ai commencé par développer le rôle et j'ai expliqué que le prix ne fait pas partie des droits du consommateur. C'est l'Etat qui a la charge de créer et de protéger la concurrence pour que le consommateur puisse tirer un meilleur prix des choses qui lui sont vendues. Nous sommes devant une situation assez grave vu que le prix des produits augmente de toutes parts. Qui est à l'origine de cette augmentation ? Les opérateurs économiques bien entendu. Qui est responsable du fait que les prix augmentent et qu'on n'arrive pas à agir ?

Je dis que c'est l'Etat. Parce que c'est l'Etat qui est l'arbitre de la vie économique
C'est encore lui qui est chargé d'organiser les conditions dans lesquelles nous travaillons. Et c'est l'Etat à travers le gouvernement qui s'est engagé vis-à-vis de la population à assurer son bonheur. Quand le chef de l'Etat faisait sa campagne, il a demandé à ce que la population l'élise. Et qu'après son élection, il fera leur bonheur. Il va construire des hôpitaux, des écoles. Il fera en sorte que le coût de la vie soit supportable. Après son élection, il a mis en place les différents ministères qui sont les moyens pour servir la population par rapport à l'engagement qu'il a pris. Alors, il se trouve que ce sont ces ministères qui doivent faire leur travail pour que nous n'ayons pas à souffrir. C'est parce que l'Etat ne fait pas bien son travail que nous avons créé les associations de consommateurs afin de lutter là où on attend l'Etat et qu'il ne joue pas son rôle. Il ne faut pas qu'on se trompe en considérant les associations des consommateurs comme premiers responsables du règlement de ce problème. Car les associations de consommateurs n'ont pas la responsabilité de régler ce problème. Et elles n'ont pas les moyens juridiques même pour faire ce qu'elles se sont assignés. Voilà depuis plusieurs années que la fédération a été créée et depuis sa création, le mouvement des consommateurs, le consumérisme en quelque sorte commence à entrer dans le reflexe des uns et des autres. Mais jusqu'à ce jour, le gouvernement n'a pas adopté un seul texte qui permet aux associations des consommateurs d'agir pour le compte de leurs adhérents. Si aujourd'hui, une association de consommateurs a envie d'agir sur le terrain, elle ne peut agir que si elle est directement concernée par un problème. Mais elle ne peut pas dire que j'engage telle action pour les adhérents parce que les textes en Côte d'Ivoire ne le permettent pas. L'article 3 du code de procédure civile dit que l'action n'est recevable que si le demandeur a un intérêt direct et légalement protégé personnellement à agir. Donc si son intérêt n'est pas personnel et que c'est un intérêt indirect, il ne peut agir. Or pourtant les Etats ont pensé à donner des moyens juridiques aux associations. On crée la possibilité et il y a des textes qui disent qu'une association de consommateurs peut engager des actions pour faire cesser une activité. Par exemple quand il fallait faire cesser le prélèvement de 32000 FCFA par la Sotra ou les abus que les mairies posaient. Les associations des consommateurs n'avaient pas les moyens de traduire directement la Sotra ou les mairies en justice. Il fallait que nous agissions sur les consommateurs, les victimes engagent une procédure afin qu'on puisse régler cela. Et par la grâce de Dieu, nous sommes parvenus à résoudre ces problèmes. Face à la flambée des prix, nous la dénonçons. Et, il revient à l'Etat de faire la répression. le porte-parole de l'Etat en matière de prix c'est le ministère du commerce. Vous avez suivi à la télévision et à la radio qu'un porte-parole du ministère du commerce est venu dire que c'est le marché qui régule les prix. En plus de cela, il n'y a pas de moyens pour faire la répression et le directeur qui a parlé s'occupe d'un département qui comprend 3 sous-directions et 7 services. Ils possèdent deux véhicules dont un au garage. Donc ils ne peuvent pas faire leur travail. Alors face à un problème sérieux et national, tous ceux qui ont voté et notamment les plus vulnérables ne peuvent pas faire face à la hausse des prix. L'Etat prend comme représentant une personne qui vient étaler les problèmes de son service et qui ne sont pas résolus. Devant une telle situation, c'est une démission de l'Etat, c'est même une injure à l'égard du peuple. Alors vous voulez que les associations des consommateurs soient responsables d'une situation qui relève de la responsabilité de l'Etat. C'est le même Etat et les mêmes ministères que nous allons voir pour leur signifier que les prix des produits ont augmenté anormalement. Il faut qu'on cherche une solution. S'ils disent qu'ils n'ont pas les moyens pour faire la répression, nous ne pouvons rien faire. Puisque nous ne pouvons pas non plus demander aux consommateurs de se rendre justice sur le terrain. L'Etat nous pousse à cette justice populaire entre nous et les opérateurs économiques en donnant l'impression qu'il ne peut rien faire. Sinon l'association des consommateurs a conseillé que quand il y a une hausse des prix de manière généralisée, au lieu de se mouvoir, il faut chercher à régler le problème. Et pour le régler, il faut prendre chaque produit, chercher les causes de la hausse et comment agir sur ces prix pour les faire baisser. Quand vous prenez les produits importés, certains laissent croire qu'il s'agit d'une augmentation du coût de ces produits sur le marché international qui se répercute sur le marché local. On prend le cas du blé qui a entraîné déjà la hausse du prix du pain. Lorsqu'il s'agit d'une augmentation sur le marché international, nous pouvons discuter avec les représentants du gouvernement, les opérateurs économiques et les consommateurs de manière à ce qu'on examine la question si l'Etat ne peut pas nous aider à supporter cette chose en utilisant des mécanismes fiscaux pour alléger les charges des importateurs surtout qu'il y en a beaucoup. Et permettre ainsi au prix du blé de rester intact. C'est une solution. Si vous prenez les produits manufacturés (produits fabriqués sur place), il faut qu'on sache ce qui a provoqué l'augmentation.

L'huile, le savon et autres, les matières premières qui interviennent dans la fabrication de ces produits sont locaux
Alors on s'aperçoit que les industriels, les opérateurs n'apportent aucune justification dans l'immédiat. Puisque le prix des matières premières n'a pas augmenté. Donc ils n'apportent aucune justification pour augmenter le prix des produits. Dans une telle situation, il appartient à l'Etat de discuter avec eux et de leur signifier que nous sortons d'une situation de ni paix ni guerre qui a paralysé l'économie pendant plus de 5 ans. Et au moment où nous entrons dans une situation de paix, vous augmentez les prix alors que l'économie n'a pas encore totalement repris, les salaires sont bas. Tout le monde est essoufflé et vous augmentez les prix. Voilà une situation qui peut être source de troubles sociaux. Par conséquent, il faudrait réexaminer vos prix. Le gouvernement peut dire cela sous la pression des associations des consommateurs pour que les prix puissent baisser. Quand vous prenez les produits non manufacturés comme les produits vivriers, vous vous apercevez qu'il y a des surcoûts qui sont provoqués par les barrages et les rackets intempestifs. A partir de ce moment, ces produits que nous achetons très cher sur les marchés, si l'on veut régler ce problème de coûts, il faut qu'on discute avec les structures qui ont la charge de faire disparaître ou de faire diminuer les barrages pour minimiser les frais supplémentaires qui viennent s'ajouter aux différents produits.

Face à cette démission du ministère du commerce et donc de l'Etat. N'y a-t-il pas aussi une démission de l'association des consommateurs ? Parce que vous ne proposez rien à l'Etat pour arranger la situation des consommateurs.
Mais qui vous dit que nous ne proposons rien. Nous sommes une association de consommateurs, notre interlocuteur, c'est le ministère du commerce.

Depuis que le ministre est venu, il ne nous a pas encore reçus
Nous intervenons par le canal de la presse pour dire qu'il y a hausse des prix etc. mais le premier responsable du maintien de l'ordre social, c'est l'Etat et l'association des consommateurs c'est un groupe de consommateurs qui se sentent abandonnés par l'Etat et qui se regroupent pour lutter seul. Ce n'est pas une structure de l'Etat qui a la charge de gérer les intérêts de la population en lieu et place de l'Etat. Nous n'avons pas de budget, nous travaillons seuls. Nous avons besoin pour être efficaces que les consommateurs en général adhèrent à notre mouvement. Mais nous sommes surpris que des journalistes se comportent comme s'ils n'étaient pas des consommateurs et certains consommateurs accusent l'association de ne rien faire. Nous devons agir ensemble pour que le gouvernement fasse son travail. Il faudrait que les gens comprennent que chaque problème a sa cause et sa solution. Par conséquent, il serait mieux de les régler pas seulement dans le domaine des prix. Nous agissons dans plusieurs domaines, nous avons réglé beaucoup de problèmes sociaux et aujourd'hui face à la flambée des prix, nous ne pouvons que montrer les pistes à suivre. Et il appartient à l'Etat qui a la charge de faire appliquer les décisions prises de s'impliquer réellement.

Réalisée par
MAXIME WANGUE
Coll : KADY TRAORE
(Stagiaire)



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