jeudi 6 septembre 2007 par Le Matin d'Abidjan

La polémique enfle au sujet d'un produit de grande consommation qui aurait été déversé sur le marché alors qu'il serait de mauvaise qualité. " Le Matin d'Abidjan " a mené des investigations pour savoir ce qu'il en est réellement. Eclairages.

Depuis quelques jours, le milieu portuaire ivoirien est secoué par une affaire de thon avarié qui aurait été déversé sur le marché pour consommation. Une affaire sensible, qui dans la communauté portuaire et même dans l'opinion, n'est pas sans rappeler le triste épisode des déchets toxiques déversés pendant l'été 2006 à Abidjan. De nos investigations, il ressort que, c'est le 21 juillet 2007 que le Santa Maria, un navire battant pavillon de l'Union européenne et contenant 225.500 Kg de poisson congelé de type thon, prend pied au port d'Abidjan, pour le compte de la société CMB. Informé de la présence du thonier français au Port autonome d'Abidjan (PAA), le ministère de la production animale et des ressources halieutiques actionne aussitôt le service d'inspection et de contrôle sanitaires vétérinaires en frontières (Sicosav), logé dans l'enceinte même du port. Cela, à l'effet de suivre le déchargement du poisson congelé et d'en vérifier la qualité. C'est, dit-on, une mesure supplémentaire, qui a cours depuis l'affaire des déchets toxiques et qui vient renforcer le dispositif de veille déjà existant. La consigne sera respectée à la lettre par les hommes du Dr Amatcha qui pointent présents le 23 juillet dans l'après-midi, date du déchargement de la marchandise. Tout se passe bien jusqu'à ce que, aux environs de 16 heures, l'on observe au niveau de la cuve n°4 bâbord, une fuite de gaz d'ammoniac (NH3) qui touche une bonne partie du poisson. Il faut noter qu'à ce moment précis, 148.300 Kg avaient été déjà déchargés sans problème. Ce qui fait que la fuite d'ammoniac concerne en définitive 81200 Kg. Brou Assemien, l'agent d'inspection dépêché par le Sicosav, demande alors d'interrompre le déchargement pour suspicion légitime de contamination. Cela, en attendant que des analyses en laboratoire soient effectuées pour situer tout le monde. Il dresse ce même jour un rapport à son patron, le Dr Amatcha. Mais avant, il prend soin de mettre le reste du produit litigieux, d'une quantité de 81200 kgs, sous scellé. Le lendemain, soit le 24 juillet, les analyses faites au laboratoire " Lanada ", sur trois spécimen de thon tirés de cette quantité, donnent les résultats suivants : au plan sensoriel, ils dégagent tous une forte odeur ammoniacale, notamment au niveau des orifices anal, buccal et au niveau des branchies. Au plan de la chimie, le premier spécimen enregistré sous le code 4651, présente 27mg Nh3 pour 100g de chair. Quant au second, code 4652, lui donne 28.89mg Nh3 pour 100g de chair. Enfin le dernier, code 4653, fait observer 28.22mg Nh3 pour 100g de chair. Or les critères en vigueur indiquent que le résultat est satisfaisant lorsque l'on est en dessous de 25mg Nh3 pour 100g de chair. Il est acceptable pour une fourchette comprise entre 26 et 30 mg Nh3 pour 100g de chair, et non satisfaisant lorsque l'on est au-dessus de 31mg Nh3 pour 100g de chair. C'est donc à la lumière de cette grille de lecture que les services du ministre Alphonse Douati saisissent, par les soins du Sicosav, la direction générale des affaires maritimes et portuaires, à l'effet d'interdire l'appareillage du thonier Santa Maria, jusqu'à nouvel ordre. Ce qui sera fait le 27 juillet. Mais entre temps, la société CMB qui conteste les résultats d'analyse effectuée par les services du Dr Amatcha, produit le 25 juillet un bulletin d'analyse effectuée au laboratoire " Lanema ", qui lui indique, une absence d'ammoniac dans les échantillons par lui traités. Refus du Sicosav de prendre en compte ce résultat ! La CMB revient le lendemain, soit le 26 juillet, à la charge. Pour demander une nouvelle analyse à la fois dans les laboratoires Lanema et Lanada. Les résultats observés ce 27 juillet sur les deux spécimen de thon, donnent respectivement une quantité de 21.84mg de Nh3 pour 100g de chair, et 24.02mg de Nh3 pour 100g de chair. En somme, un résultat jugé satisfaisant au regard des critères d'appréciation en vigueur. Qu'est ce qui explique pareille évolution ? Sur la question, les spécialistes indiquent que l'ammoniac est un gaz qui s'évapore au fil du temps. Fort donc de ce nouveau rapport consensuel d'expertise, le docteur-vétérinaire, Charlotte Amatcha, demandera le 28 juillet 2007 à la direction des affaires maritimes et portuaires de lever l'interdiction qui frappait le Santa Maria depuis le 24 juillet dernier. Ce qui fut fait le même jour. Mais malgré cette levée de barrage, le ministère de la production animale et des ressources halieutiques, instruit par la crise des déchets toxiques, interdira le débarquement des 81.200kgs de thon congelé. Une quantité que le navire français emportera finalement avec lui, le 4 août dernier, en direction de l'Espagne, sa destination finale, comme l'indique bien le manifeste d'entrée. En clair, il n'y a pas eu de thon avarié déversé sur le marché.

Yves De Sery
Yvesdesery2@yahoo.fr

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