jeudi 6 septembre 2007 par Nord-Sud

Les combats sont est théoriquement un vieux souvenir dasn l'Ouest. Mais le feu couve. Si les autorités de Bloléquin ne jouent pas franc-jeu dans la résolution des palabres entres les communautés, ce serait la reprise des conflits.


Vous avez chassé les allogènes. Ils sont allés aujourd'hui s'installer à Guiglo où ils travaillent... En tenant ces propos au meeting organisé, vendredi 31 août, au foyer de Bloléquin devant des centaines de jeunes, Blé Guirao a voulu dénoncer cette erreur de trop. Aux heures chaudes de la crise armée qui a été déclenchée le 19 septembre 2002, Bloléquin, à l'instar de plusieurs localités de l'Ouest a chassé ses étrangers, accusés de soutenir la rébellion ( le Mouvement patriotique ivoirien du grand Ouest -Mpigo- et le Mouvement pour la justice et pour la paix-Mjp). Conséquences ? La ville présente aujourd'hui un visage des plus désastreux. La voie principale qui garde jalousement son bitume commence à s'éroder. C'est le coeur de la ville. Le commerce, l'administration se partagent l'espace situé de par et d'autre. Des maisons privées et des bâtiments administratifs comme la préfecture portent encore les stigmates de la guerre. Tous les trous que tu vois-là, sont des traces de balles de kalachnikovs. Les combats ont été rudes ici. Les rebelles avaient occupé la ville et ils progressaient vers Guiglo. Mais ils ont été arrêtés et boutés hors de Bloléquin et de ses villages, explique notre interlocuteur.





On nous empêche d'occuper nos maisons





Le village de Kéibly en allant à Toulepleu était l'une des bases des Forces républicaines et leurs supplétifs constitués de jeunes civils (les miliciens). Durant trois jours, raconte-t-on, dix-neuf combats ont eu lieu entre les deux belligérants. L'armée ivoirienne qui, entre temps, a fait appel aux mercenaires libériens est venue à bout des rebelles qui ont replié sur leurs bases. La région fut libérée. Mais, il fallait débarrasser toutes les villes, villages et campements des ennemis et de leurs soutiens avérés ou non : les allogènes. Pour certains, il fallait les assassiner pour venger un parent tué. Pour d'autres, aller au-delà en détruisant ou en s'apropriant définitivement leurs biens (plantations, maisons, véhicules). Ils étaient encouragés en cela, selon les victimes, par des politiciens. L'occasion était belle pour eux d'en découdre avec les adversaires. C'était l'histoire. Aujourd'hui, si certains allogènes revenus à Bloléquin ont retrouvé leurs biens, ce n'est pas le cas pour la majorité d'entre eux. Les gens reviennent progressivement. La vie a repris mais pas comme avant. Il y a de la méfiance entre les populations allogènes et autochtones après ce qui s'est passé ici. Le principal problème aujourd'hui, c'est que des maisons appartenant à ceux qui ont fui la guerre et les représailles des jeunes Guéré sont occupées par des éléments des forces de défense et de sécurité. Des militaires refusent de quitter les maisons. Les propriétaires, impuissants, sont obligés de repartir. Ils sont nombreux ceux qui sont dans ce cas. Certains, espérant avoir gain de cause vont habiter chez des amis ou parents. D'autres par contre retournent d'où ils étaient venus, raconte le jeune Ahmed, commerçant au marché central. Il est né à Bloléquin.

Sa famille et lui, par la grâce de Dieu et l'intervention de certaines connaissances au sein de la communauté autochtone, sont restés. Ils n'ont pas fui comme les autres. Des allogènes ont accepté de risquer leur vie pour protéger leurs biens acquis au prix de mille et un sacrifices. Si on partait comme les autres, on risquait de perdre tous nos biens et être dans la situation de ceux qui sont sans domicile aujourd'hui, renchérit un autre commerçant. Avec la décrispation, des hommes en armes ne font plus de difficulté pour libérer les maisons occupées après le départ des propriétaires. Du moins si l'on en croit le jeune Kouamé. Les Fds libèrent les maisons ou négocient avec le propriétaire pour rester. En retour, ils paient le loyer, raconte-t-il. Selon lui, les maisons occupées illégalement aujourd'hui sont le fait du maire Fpi, Daouo Benoît. Parmi les victimes du maire, il cite M. Pokou, transporteur d'ethnie Mahouka. Aux heures chaudes de la guerre, il a été menacé de mort. Il a dû fuir pour se réfugier à Man. Pour justifier la confiscation de sa maison, ses détracteurs l'ont fait passer pour un chef rebelle à Man. Ce qui fait que Pokou ne peut pas revenir à Bloléquin parce qu'on a déjà gâté son nom, raconte-t-il.



et de retrouver nos plantations





Le vieux Mamadou Chérif n'a aujourd'hui que ses yeux pour pleurer. Le maire a pris sa maison et l'a transformée en résidence. Tout le monde le sait ici à Bloléquin. De peur des représailles et en attendant que justice soit rendue en sa faveur, il est retourné s'installer à Abidjan, compatit-il au malheur du vieux Chérif.

Du côté du maire, la version est totalement contraire à celles avancées par les populations. Notamment, ses détracteurs. Il fut lui-même l'une des victimes des occupations anarchiques des maisons par les Fds arrivées, en grand nombre (près de cinq cents), pour libérer Bloléquin. Aucune infrastructure n'était prévue pour accueillir ce gros contingent. Il a fallu trouver une solution immédiate au problème de logement de ces militaires. Le problème est compliqué, reconaît le maire. Ils sont arrivés en décembre 2002 pour défendre la région. Il n'y avait pas de camp militaire pour accueillir plus de cinq cent militaires. Ce petit poste qu'ils occupent ne peut contenir que 50 personnes. Le bâtiment où se trouve actuellement le contingent (jouxtant sa résidence) était prévu pour abriter l'hôpital central. Il fallait leur trouver un lieu pour qu'ils s'installent. Après le départ des populations, les maisons sont restées vides. Ils s'y sont donc installés. De mars à juin 2003, ma maison était également occupée. J'ai passé tout ce temps-là chez des parents en attendant de retrouver ma maison, explique le maire Daouo Benoît. Le 9 juillet 2003, selon l'administrateur municipal, une grande rencontre a eu lieu au foyer, où un appel a été lancé à tous les occupants irréguliers d'évacuer les maisons dès que les propriétaires arrivaient. Dès lors, nous cessons de lancer ce même appel. Le samedi 1er septembre, certaines maisons ont été libérées. Mais d'autres restent encore occupées. Il continue de recevoir des plaintes de propriétaires confrontés au refus de certains occupants illégaux de quitter leurs maisons. Nous demandons aux personnes dans ce cas de venir vers moi afin que nous trouvions ensemble une solution à leurs problèmes. Nous continuons à sensibiliser ces occupants. Avec le préfet militaire, selon lui, ils mettent tout pour éviter tout conflit entre les propriétaires et les locataires.

A l'évocation des inquiétudes des propriétaires, des éléments des Fds lâchent un sourire narquois. Qu'ils viennent nous déloger Au lieu de parler des vrais problèmes (occupation illégale des plantations appartenant aux allogènes), ils (les cadres Wê) racontent n'importe quoi, lance, écoeuré, un soldat du contingent basé à Bloléquin, rencontré en ville. Les supérieurs, eux, refusent de commenter les accusations portées contre leurs éléments qui occupent les maisons des civils. Nous, nous sommes des militaires. Nous ne parlons pas sans l'autorisation de nos patrons. Je regrette de ne pouvoir pas me prononcer sur cette question, coupe court un des chefs du camp militaire.

L'autre préoccupation des allogènes portent sur les plantations devenues aujourd'hui la propriété de leurs hôtes. Au point où, chercher à s'aventurer dans sa plantation acquise légalemnent et développée à la sueur de son front, c'est risquer sa vie. Ce sont des centaines d'hectares de forêt mises en valeur qui ont été abandonnées dans la région. Avant la crise, une quizaine de Burkinabè arrivés de Vavoua en 1977 accompagnés de mon père, Touohouli Fernand, ont tous été tués au cour de cette guerre par des autochtones. Notre campement, Baloufla, est l'un des plus grands de la région. Ils avaient des portions de terre qui leur appartenaient. Leurs plantations ont été laissées à l'abandon depuis lors. Je veille sur la forêt de mon père, décédé. Personne ne peut oser s'y aventurer pour se l'accaparer, met en garde Touohouli Brice, un ancien combattant du Front de libération du grand Ouest (Flgo). Des populations n'hésitent pas à accuser des cadres du Front populaire ivoirien (Fpi, parti au pouvoir) de faire main basse sur les forêts et plantations abandonnées par les allogènes. Lorsque la guerre a éclaté et que les planteurs Baoulés ont fui, les responsables du Fpi ont tenu une réunion au cours de laquelle ils ont affirmé que c'était l'occasion de chasser définitivement les Akans. Ce sont près de vingt mille planteurs qui ne peuvent plus retrouver leurs biens, révèle le jeune Kouamé. Et d'accuser : Tchéidé Jean Gervais, le 1er vice-président du conseil général et le maire Daouo Benoît se sont chacun approprié vingt hectares appartenant aux Baoulés. Des milliers de Burkinabè, ajoute-t-il, sont également victimes de ces appropriations illégales. Le maire reconnaît l'existence du problème des plantations des allogènes. Mais, insiste-t-il c'est la guerre qui les a chassés, pas les autochtones. Les militaires, pour une bonne lisibilité sur le terrain (guerre) ont demandé à tout le monde de quitter les plantations. Et pour le retour ?





L'équation des milices





Le maire rappelle les deux conditions des autochtones Guérés avant toute réoccupation des plantations : Ils ne peuvent plus occuper (de façon anarchique) les forêts sans l'accord des (vrais) propriétaires terriens. Il faut qu'ils disent qui est le tuteur qui leur a donné la forêt. Aussi, même si la guerre est finie à Bloléquin, elle n'est pas terminée au plan national. Ils craignent toujours d'autres attaques (des rebelles). Donc, il faut attendre la fin définitive de la guerre.

Les allogènes peuvent revenir à Bloléquin. Ils n'ont pas à craindre pour leur sécurité, rassure Oulaï Tako Anderson dit ?'Tarzan de l'Ouest''. Le doyen Gode Zou Simplice, le conseiller politique du Flgo abonde dans le même sens que ?'Tarzan''. Il réclame pour les 3.004 combattants laissés sur le carreau un juste traitement par leur prise en compte dans le cadre du Programme national du désarmement, démobilisation et réinsertion. Aucun de nos éléments n'a été désarmé. Chacun a encore son arme. Il faut qu'on fasse le Ddr à Bloléquin, réclame-t-il. Tout comme les différents chefs de zones : Tarzan, Tao Fulbert dit Zoum, Tia Alexandre, Béhé Hyppolite dit Bayoul, B. Joseph dit Kazadi. Face au sort qui leur est réservé, ils se sentent trahis, abandonnés. Aujourd'hui, ils sont amers. Ils trouvent insignifiant ce qui a été fait pour eux au regard des risques qu'ils ont pris en allant au front, pour livrer bataille contre les rebelles. Au risque de leur vie. Nous ne sommes pas contre ce qui est fait pour les autres (milices). Mais nous voulons un traitement équitable dans les dons qui sont faits par les autorités, précise le conseiller politique du Flgo. Et de mettre en garde : Les enfants ne sont pas contents et ce n'est pas bon pour le processus de sortie de crise. Dont acte.









Kossou Jean-Marc (Envoyé spécial à Bloléquin)

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