jeudi 6 septembre 2007 par Le Patriote

La réunion du Comité d'évaluation et d'accompagnement a pris fin mardi dernier. Cette première réunion de l'organe qui joue désormais le rôle du Groupe de travail international (GTI) a été sanctionnée par un communiqué. Après lecture de ce texte, c'est un sentiment de déjà-vu qui anime les Ivoiriens. Car les dernières résolutions de Ouagadougou ressemblent étrangement à celles des autres communiqués finaux rédigés sous Banny. Des chapelets de bonnes intentions. Il est vrai que le communiqué reconnaît l'importance de l'identification dans le processus de paix. Mais, il ne dit pas concrètement comment il faut s'y prendre pour y arriver dans les meilleurs délais. A part la date du début des audiences foraines, le communiqué est très évasif sur les autres échéances. En lieu et place d'un chronogramme clair, ce sont des formules diplomatiques qui sont servies aux Ivoiriens. Il (le comité) a mis l'accent sur l'urgence d'adopter le mode opératoire, d'assurer la sécurisation des audiences foraines et la disponibilité des locaux , stipule entre autres ce communiqué. Et rien d'autre. Quels sont les moyens qu'on se donne pour atteindre ces objectifs ? Les auteurs de la dernière déclaration de Ouagadougou sont muets sur la question. Pis, le communiqué distribue des satisfecit aux signataires sur des sujets qui ne sont pas des priorités. Et pour la mise en ?uvre pratique des grandes étapes du processus de paix, ce sont de simples recommandations sans grande consistance que l'on énumère. Il faut le souligner sans pour autant jouer les rabat-joie, la rencontre de mardi dernier n'augure rien de bon. Si les dates assez explicites de l'Accord de Ouaga elles-mêmes n'ont pas été respectées, ce n'est pas le calendrier flou produit par le comité d'évaluation et d'accompagnement qui va donner un véritable coup de fouet au processus de paix.

Médias d'Etat : un étrange oubli

Le Comité d'évaluation et d'accompagnement n'a apparemment pas statué sur le problème des médias d'Etat. Le seul paragraphe qui fait cas de la presse est très général. Alors que la situation qui règne à la Radiotélévision ivoirienne mérite une attention particulière. La RTI, on le sait, est dans le paysage audiovisuel en situation de quasi monopole. D'où sa position stratégique dans le processus de paix qu'amorce la Côte d'Ivoire. Mais aujourd'hui, la maison bleue a bleui de plus. Elle est contrôlée par des militants du Front populaire ivoirien et de personnes proches du Palais. Depuis le limogeage de l'ancien directeur général, Kébé Yacouba, considéré comme un vrai professionnel. On se rappelle, son premier limogeage par le président Laurent Gbagbo en 2004, avait provoqué un coup d'arrêt dans le processus de paix. Il a fallu le deuxième accord de Pretoria pour régler la crise. Le Premier ministre Soro Guillaume, à l'époque ministre de la Communication, s'était senti bafoué dans son autorité. Il avait alors choisi de boycotter les Conseils des ministres en se retirant à Bouaké. Le comité d'évaluation et d'accompagnement ne pouvait ne pas aborder ce sujet. Surtout avec les dernières nominations effectuées par le directeur général pourtant intérimaire. Cet oubli est vraiment étrange et met de l'eau au moulin de ceux qui doutent de la capacité de cet organe à booster et à orienter le processus de paix.

Un immobilisme qui rappelle Banny

Mais ce qui surprend dans cette évaluation, c'est l'absence d'appréciation sur le non respect du premier chronogramme. L'Accord de Ouagadougou est très en retard sur son programme initial. Mais cela semble ne pas émouvoir l'organe chargé de l'évaluer. Peut-être que pour le moment, il se contente d'être un comité d'accompagnement. Or l'Accord stagne. Le chronogramme arrêté par les deux parties en mars 2007 a été relégué aux calendres grecques. On parle maintenant de dates à titre indicatif. Mardi dernier, à part les audiences foraines, les signataires n'ont pas voulu s'engluer dans le fétichisme des dates . Cette démarche ressemble étrangement à celle adoptée par l'ancien Premier ministre Charles Konan Banny. Au lieu d'attaquer de front les problèmes, on préfère multiplier les concertations, déminaires et les réunions où l'on pond de pompeux communiqués. Pendant ce temps sur le terrain, rien de concret. La stratégie consiste à multiplier les actions d'éclat et les symboles pour faire croire aux Ivoiriens qu'on travaille à les faire sortir de la crise. Mais au fond, on cherche à gagner du temps. De quoi apporter de l'eau au moulin de ceux qui murmurent que les deux parties ont signé un accord secret pour faire traîner les choses sur deux ans.

Attention à l'effet boomerang

Cependant, il y a un revers de la médaille dans cette stratégie. Et le prédécesseur du Premier ministre Soro Guillaume en a fait les frais. La petite histoire a démontré que dans un tel schéma, c'est le président Gbagbo qui sort toujours gagnant. Parce que justement, toute sa stratégie a pour socle le dilatoire. L'objectif étant pour lui d'avoir l'adversaire à l'usure. Là où il a réussi avec Seydou Diarra et Konan Banny, il ne ratera aucune occasion de récidiver devant Soro. Aujourd'hui, s'il affiche une idylle parfaite avec le secrétaire général des Forces Nouvelles, c'est peut-être parce que l'heure de se débarrasser de lui n'a certainement pas encore sonné. Le Premier ministre Soro Guillaume est en sursis quoi qu'on dise. Mais pour combien de temps ? Ce qui est certain, ce sursis peut prendre fin à tout moment. Tout dépend du principal initiateur de l'Accord de Ouagadougou et ses proches. Le champion des Frontistes peut décider s'il se sent prêt ou menacé de la liquidation tout au moins politique du Premier ministre. C'est au Premier ministre de mettre réellement à profit la période de grâce dont il jouit présentement. En travaillant sincèrement à la paix et d'éviter l'effet boomerang d'une complicité trop poussée avec Laurent Gbagbo.

Jean-Claude Coulibaly

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