jeudi 6 septembre 2007 par Le Front

L'accession du Front populaire ivoirien (Fpi) au pouvoir d'Etat en octobre 2000, grâce à une insurrection populaire qui a évincé le général Guéi et ses jeunes gens , n'a pas du tout été le résultat d'un scénario ordinaire. L'armée, les milices, les syndicats, la Fesci tous ont ardemment contribué à l'application d'une stratégie savamment concoctée par la refondation.


Mais, quelques années après, lorsque les socialistes ont goûté aux délices du pouvoir, ils ont ignoré, oubliés, voire trahi ceux qui les ont faits rois. La grande muette, les milices tribales, la fédération estudiantine et les syndicats sont aujourd'hui méprisés, nargués et abandonnés par Laurent Gbagbo et ses hommes. Et pourtant

Il faut désormais s'en convaincre. Le Front populaire ivoirien (Fpi), le parti de M. Laurent Gbagbo, est un adepte de la politique du citron pressé . Celle-là même qui veut qu'on se débarrasse de quelqu'un, lorsqu'on aura fini de l'utiliser pour atteindre un objectif bien précis. Et, ce n'est pas l'attitude des refondateurs envers l'armée, les milices tribales, les syndicats et la Fesci, qui dira le contraire. Tout le monde sait,

La grande muette payée en monnaie de singe

en effet, que pour parvenir au sommet de l'Etat, en octobre 2000, le Fpi a instrumentalisé l'armée, alors dirigée par le général Mathias Doué. C'est donc par la grande muette, et grâce à elle, en partie, que Laurent Gbagbo et ses hommes ont pu venir à bout de la junte militaire d'alors. Puisque, la première tentative de renversement du Cnsp ayant échoué le 23 octobre 2000, c'est l'armée, sous la conduite du général Doué lui-même ancien membre du Cnsp, appuyé par le commandant Gaoudi Oulata et autres, Sama Damalan César, qui est montée, le lendemain 24 octobre, au premier plan, pour faire plier l'échine au natif de Gouessesso. Les combats, on s'en souvient, ont été rudes voire impitoyables au camp commando d'Akouédo où le commandant Jean Siaka Remarck, connu et reconnu pour son sens élevé du devoir, y a trouvé la mort. C'est donc dire que l'armée, en dépit de sa mission républicaine, et donc de la stricte neutralité qu'elle devrait observer dans le cas d'espèce, avait pris fait et cause pour le Fpi. Mais, dès qu'ils ont accédé au pouvoir, les refondateurs ont commencé à man?uvrer pour diviser cette armée, au lieu de veiller à recoller les morceaux de celle-ci partis en lambeaux après les affrontements meurtriers d'octobre 2000. Sournoisement, le Fpi concoctera un plan de musellement des militaires qui ont pourtant joué un rôle prépondérant pour son accession au sommet de l'Etat. Plus grave, au nom d'une bétéisation de la grande muette, parce que se méfiant de ceux qui les ont aidés à prendre le pouvoir des valeureux combattants comme Issiaka Ouattara, Ousmane Chérif, Zaga-Zaga seront marginalisés et même contraints à un exil forcé. Après que leurs têtes eussent été mises à prix, dans un rocambolesque complot d'atteinte à la sûreté de l'Etat en 2001. Avec la guerre déclenchée en septembre 2002, la situation sera plus exsangue au sein de cette armée. Le Front populaire ivoirien, au nom d'une prétendue défense de la nation en péril, va recruter officiellement 4000 civils baptisés soldats Blé Goudé pour les intégrer au sein des Fanci. Mais, ironie du sort, ceux-là seront aussi roublardisés, car le chef de l'Etat ne tiendra pas ses promesses envers eux. Conséquence : les recrues Blé Goudé seront à la base des incessants remous au sein de l'armée pour, bien entendu, leurs primes éternellement restées impayées. Cependant, ce qui a davantage surpris les compatriotes, c'est surtout le limogeage du général Mathias Doué en 2004 et sa bastonnade par les redoutables ?'escadrons de la mort''. Au lieu donc de l'élever dans les fonctions qu'il occupait, en raison du rôle capital qu'il a joué dans l'accession des refondateurs au pouvoir d'Etat, le général Doué sera limogé, humilié et traité comme un pestiféré. Avec lui, plusieurs militaires de haut rang dont Traoré Bakassa (battu à mort), Yao Yao Jules, Gaoudi Oulatta, Kadio Miézou, M'Bahia Marcellin, Honoré Zoin tous contraints à l'exil, à cause de la tribalisation à outrance de l'armée.

Les milices roublardisées.

Ainsi, en un mot comme en mille, l'on pourrait avouer, sans risque de se tromper, que le Fpi a abusé de l'armée qui a pourtant été l'élément-moteur de son accession au pouvoir. Mais, outre la grande muette, les socialistes ont aussi dupé des milices tribales créées pour défendre le régime en difficulté, après le déclenchement de la guerre en septembre 2002. En Côte d'Ivoire, plusieurs groupes de miliciens ont vu le jour depuis le 19 septembre 2002. Il s'agit, notamment, des Gpp, Fsco, Flgo, Ap-Wê, Miloci, A toutes ces compagnies, le pouvoir Fpi a promis une intégration au sein des Fanci dès après la fin de la guerre sûr qu'il était de la gagner. Le 30 juillet dernier, le chef de l'Etat a officiellement et solennellement déclaré la fin de cette guerre et la réunification du pays. Mais, nonobstant cela, aucun milicien n'a intégré les rangs des Fanci. D'ailleurs, quelques années auparavant, le chef suprême des armées certainement dans sa logique de roublardise, a pris un décret pour dissoudre le Gpp et les autres milices tribales. Aujourd'hui, pendant que les pontes du régime se la coulent douce, les milices qui ont brandi leurs poitrines sur les lignes de front, sont des laissées-pour-compte. Ces miliciens ne sont, ni salariés de l'Etat comme le Fpi le leur a promis naguère, ni pris en compte dans le DDR. Les miliciens n'ont donc que leurs yeux pour pleurer, eux qui avaient naïvement cru aux promesses du chef de l'Etat. Les milices tribales

Les syndicats ignorés et méprisés

sont donc une autre victime expiatoire de la sulfureuse refondation. A celles-ci, il faut ajouter les syndicats qui, eux aussi, ont soutenu, à bout de bras, le parti socialiste dans l'opposition, et même après son accession au sommet de l'Etat. En effet, tout comme l'armée et les miliciens, Laurent Gbagbo et son parti se sont aussi appuyés sur les différents syndicats pour non seulement mener la vie dure à leurs prédécesseurs, mais aussi et surtout s'éterniser au pouvoir après le déclenchement de la crise armée. La centrale Dignité de Basile Mahan Gahé, le Synares de Koudou Kessié et ensuite Niamien Messou, le Synesci alors dirigé par Diomandé Sandé et autres, ont été mis à rude contribution pour sauver le régime aux abois. Mais aujourd'hui, tous ces syndicats qui étaient les alliés du Fpi sont marginalisés et méprisés. Toutes leurs revendications se sont soldées par une répression parfois sanglante de la part des forces républicaines au nez et à la barbe du Fpi. C'est, semble-t-il, en raison de cela que le patron de la centrale Dignité, Mahan Gahé Basile qui était naguère très en verve pour défendre la refondation, s'est aujourd'hui terré. D'ailleurs, c'est bien lui, l'ex-défenseur irréductible du régime, qui donne un ultimatum au pouvoir devant la cherté de la vie. Même le syndicat estudiantin, la Fesci qui, de tout temps, a pris fait et cause pour le régime Fpi, est aujourd'hui, désabusé. Il n'y a pas si longtemps, les membres de ce syndicat estudiantin ont été passés à tabac et molestés à l'école de police de Cocody, où l'un d'eux a malheureusement trouvé la mort. Récemment encore, la Fesci qui voulait en savoir davantage sur cette situation, a été gazée dans les différentes artères de la capitale économique du pays. Aujourd'hui, Koffi Bi Yao Serges et ses amis ne savent plus à quel saint se vouer. Après avoir tout donné pour la survie du régime (marches, casses, pillages, assassinats), ils sont, à l'instar de l'armée, des milices et autres syndicats, des laissés-pour-compte. Preuve tangible que la refondation tout comme la révolution mange vraiment ses propres enfants. Assurément, la roublardise et la duplicité resteront, pendant longtemps, les maîtres-mots de la refondation. Or, un régime qui s'appuie sur le mensonge, la duperie et la trahison, ne peut résister à l'épreuve du temps. Alors !



J.J.

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