Au moment où le pays renoue progressivement avec la paix et tend vers des élections libres et transparentes, les partis politiques les plus significatifs se mettent de plus en plus en ordre de bataille. À Aboisso, bizarrement, les choses semblent ne pas bouger. C'est que, les trois plus grands partis présents (le PDCI, le FPI et le RDR) connaissent, chacun en ce qui le concerne, des problèmes internes et spécifiques. Nous les avons analysés, cas par cas. Le PDCI face à la lutte de pré-positionnement
Autrefois fief du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), le Sanwi est aujourd'hui ouvert à d'autres partis politiques. C'est dire qu'il n'est plus la chasse-gardée du PDCI. À preuve, le Front populaire ivoirien (FPI) s'y est frayé un chemin qui a abouti à l'obtention de deux postes de députés à Ayamé et Adiaké. Le ponte local de l'ex-parti au pouvoir, feu Elleingand Etché Alexis, député-maire, qui était un véritable obstacle, n'étant plus, des velléités de candidatures se font sentir, mais demeurent pour le moment officieuses. Mais entre temps, un leader du son parti a poussé? et fait du chemin. Il s'agit du docteur Eugène Aka Aouélé, président du Conseil général, par ailleurs député d'Aboisso sous-préfecture et Maféré. Si, au Conseil général, personne n'ose penser à lui succéder au sein de son parti, ce n'est pas le cas à la députation. Des cadres, membres du Conseil général, tapis dans l'ombre, préparent activement et discrètement leur candidature. Chacun a ses hommes de main qui travaillent en sourdine, en attendant l'officialisation des candidatures.
Si nous constatons qu'il y a plusieurs candidats au même poste, nous procéderons à des primaires?, a prévenu le délégué départemental, M. Aka Brou Louis Blaise, maire d'Ayamé. Ce qui est intéressant dans cette bataille de pré-positionnement au PDCI, c'est que les éventuels candidats se connaissent et les uns connaissent les intentions des autres. Que ce soit à la députation ou à la mairie d'Aboisso et d'Ayamé surtout, ils sont nombreux à se préparer. C'est surtout les fauteuils (député et maire) laissés vacants par feu Elleingand Etché qui sont lorgnés. Si les populations nous font confiance, on verra. Nous continuerons ce que nous avons commencé?, déclare le colonel Kadja N'Zoré, maire d'Aboisso qui n'a pas encore dit son dernier mot. Son fauteuil est dans le collimateur d'autres cadres du PDCI. Mais pour le moment, tout semble apparemment baigner dans l'huile au PDCI. L'approche des élections nous situera. Le FPI et les querelles de personnes. Le parti d'Affi N'Guessan, bien qu'ayant des atouts majeurs dans le Sanwi, est embourbé dans les querelles de clocher. Avec la guerre, de nombreux déplacés de guerre, militants ou sympathisants du FPI, se sont retrouvés dans la ville et dans le département d'Aboisso et ont naturellement gonflé le nombre de militants de ce parti. Malheureusement, le parti au pouvoir a du mal à capitaliser ces ressources à cause de la bataille de clans qui oppose ses principaux leaders. Des groupuscules sont formés autour de ces leaders qui attisent les crocs-en-jambe et autres peaux de bananes qui sont devenus légion. C'est à se demander si les responsables locaux ne se battent pas pour le même parti. Cette situation déboussole et démotive les militants qui ont dû créer en février 2006, un collectif qui devrait les représenter mais qui a duré le temps d'un feu de paille. À peine créé, il a été dissout le 18 du mois suivant au cours d'une Assemblée fédérale. Aujourd'hui, certains militants ne cachent plus leur amertume et affirment même, par dépit, qu'ils déchireront leur carte d'électeur une fois qu'ils auront voté pour le candidat Laurent Gbagbo. Selon eux, pas question de participer aux législatives et aux municipales. Histoire de sanctionner leurs camarades qui ne veulent pas s'entendre sur l'essentiel. C'est dire que le FPI risque de perdre beaucoup de plumes aux prochaines élections à Aboisso, si d'ici là, le linge sale n'est pas lavé en famille. Heureusement que la sagesse commence à les habiter puisque apparemment, ils entendent mettre un peu d'eau dans leur vin pour accueillir des barons du PDCI et du RDR dans leur rang.
Le RDR à la recherche d'un leader local
Le Rassemblement des Républicains (RDR) de M. Alassane Dramane Ouattara compte des militants dans la région d'Aboisso. L'un de ses cadres, M. Marcel Amon Tanoh, actuellement ministre, est même originaire de la région. Mais ce dernier ne semble pas intéressé par un poste électif chez lui. Craint-il de mordre la poussière ? Le secrétaire départemental de ce parti, M. Mamadou Traoré, a reçu récemment les clés d'une Nissan Patrol 4X4 afin de chercher des voix pour M. Ouattara. N'étant pas originaire de la région, il faut à son parti, quelqu'un qui puisse réunir. Nous sommes à la recherche d'un leader charismatique, d'un porte-flambeau. Le manque de leaders locaux pose problème?, avoue M. Ehimance Sylvain, responsable du RJR à Maféré. Selon lui, la remise de ce véhicule tout terrain a fouetté l'orgueil des militants, car jamais, dit-il, un responsable politique départemental n'a eu un tel avantage. Comme on le voit, le RDR vise loin, mais manque de leader local. L'UDPCI, le MFA, le PIT... presque inexistants
Les petits partis que sont l'Union pour la démocratie et la paix en Côte d'Ivoire (UDPCI), le Mouvement des forces d'avenir (MFA), le Parti ivoirien des travailleurs (PIT), comptent quelques militants dans le Sanwi. Mais c'est rarement qu'on a vu ces partis politiques organiser des activités. Tout au plus, des représentants font des apparitions à des tribunes, où sont conviés tous les partis politiques. Ils sont presque noyés dans le RHDP, incontestablement conduit par le PDCI, qui compte, le moment venu, en faire son électorat pour marquer la différence.
Les élections locales (Conseil général, députation, mairie) ne seront pas faciles à Aboisso pour les trois grands partis. Il y a de chaudes empoignades en perspective. Gare donc au parti qui n'aura pas son unité avant la grande explication. Il aura fait délibérément la passe à son ou ses adversaires.
Dossier réalisé par Sam Kadet