mardi 4 septembre 2007 par Nord-Sud

Le projet s'est écroulé comme un château de cartes. Le bureau du Haut représentant de l'Onu pour les élections en Côte d'Ivoire a été fermé parce que son rendement était mauvais et ses hommes n'étaient pas à la mesure de la tâche qui leur a été assignée.

Les faits et chiffres parlent d'eux-mêmes. Le poste de haut représentant chargé des élections est un bide. New York a fini par le comprendre et a sorti son cutter. Les Nations unies ont supprimé ce poste parce qu'il était devenu inopérant dans sa structuration et de son efficacité sur le terrain. Dans une lettre adressée au facilitateur, Blaise Compaoré, le Rhdp exprimait son indignation et les menaces que l' absence d'arbitre pourrait faire peser sur le processus de paix. Mais en dix sept mois d'exercice, le Bureau du Hre (Bhre) n'a pas donné satisfaction et a déçu par son insuffisance de rendement.

Institué par la résolution 1603 issue de la séance de travail du 3 juin 2005 du Conseil de sécurité, en vue de vérifier, au nom de la communauté internationale, que toutes les phases du processus électoral, y compris celles ayant trait à l'établissement des listes électorales et à la délivrance des cartes d'électeur, présentent des garanties nécessaires pour la tenue d'élections libres, justes et transparentes, le haut représentant chargé des élections s'est heurté à sa propre vision de son rôle, à l'environnement et à la psychologie toute particulière de la crise ivoirienne.





Manque d'expertise et d'expérience





En tant qu'arbitre, il devait gérer au mieux les intérêts des acteurs et des partenaires. Installé dans les bureaux du Bureau ivoirien du travail (BIT), la compréhension du Hre de son rôle l'a mis directement en conflit avec le représentant spécial de l'Onu à Abidjan, la division électorale de l'Onuci et le Pnud dont le rôle est de contribuer à la mobilisation des ressources et d'apporter un appui au bureau, notamment dans le suivi et la gestion administrative. Pour mieux gérer sa mission de certification et d'arbitrage, le bureau du Hre avait besoin d'experts de haut vol. Mais les ressources humaines mises en place, de Antonio Montéiro à Gérard Soudmann, se sont effectuées par cooptation, sans expertise liée aux élections. Le recrutement des secrétaires, du personnel assistant au Hre, de l'expert électoral, de l'assistant analyste media, de l'expert superviseur électoral, des consultants s'est effectué selon une procédure spéciale, opaque, connue seulement du haut représentant pour les élections. Ce privilège a été accordé au Hre par parce qu'il a été conçu comme un organe autonome de l' Onuci et des autres démembrements du système des Nations unies, conformément au point 7 de la dite résolution. Conséquence, le Hre s'est retrouvé, selon les mots d'un responsable de l'Onuci, avec une volonté hégémonique et un personnel incompétent et inadapté à arbitrer des conflits et à appliquer des règles et procédures de gestion. Nombre de personnes au sein de la mission des Nations unies en Côte d?Ivoire estiment que, l'arbitrage réussi par Monteiro lors de la crise de la Cei tenait plus à ses talents diplomatiques qu' à l'efficacité d'un groupe ou d'une machine. Selon des sources proches de New York, le bureau du Hre a admis difficilement son statut d'institution intégrée à la Mission des Nations unies à Abidjan et au Programme des Nations unies pour le développement. Elle a toujours aspiré à devenir une mission à part entière. Le chef de l'Etat, au cours d'une rencontre avec les ambassadeurs a dénoncé cette situation et estimé que, et le représentant spécial ?alors Pierre Schori et le Hre, Gérard Stoudmann en l'occurrence outrepassaient leurs fonctions. () Quand quelqu'un se comporte comme si on l'a emmené ici pour administrer notre pays, je dois lui expliquer que le temps de lieutenant - gouverneur et de gouverneur est désormais fini. Quand un fonctionnaire de l'Onu se lève pour dire : Je fixerai la date des élections . Mais, qui est-il pour fixer la date des élections chez nous ? Nous, on fait nos élections, tu regardes et tu fais un rapport à celui qui t'a envoyé. Tu lui rends compte. C'est tout ce qu'on te demande., avait tranché Laurent Gbagbo parlant de Gérard Stoudmann et de la volonté hégémonique du Hre.

Contrairement au Portugais Monteiro qui semblait avoir une claire vision de sa mission, Gérard Stoudmann était un bleu en matière d'élection. Sa méconnaissance de son rôle a été le premier handicap.

Avant sa nomination, Gérard Stoudmann était directeur du Centre de politique de sécurité à Genève. De 1995 à 1997, il a été chef adjoint de la délégation suisse à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Vienne, avant d'être nommé ambassadeur et d'être élu Directeur du bureau de l'Osce chargé des institutions démocratiques et des droits de l'Homme à Varsovie. Il n'avait pas l'expérience des pays en crise comme Haïti ou la République Démocratique du Congo où sa compréhension de la complexité des élections dans ces zones à risques aurait pu l'aiguillonner dans son approche et sa méthodologie. De plus, ses problèmes avec la division électorale de l'Onuci et son attitude (peu courtoise) envers ses collaborateurs dans les locaux du Bit ont fini par exaspérer New York.

Peu diplomatique, il n'hésitait pas au cours des réunions, à fustiger le camp présidentiel. Même après son départ, il a continué, dans la presse française, à brocarder Laurent Gbagbo. En tant qu'arbitre, un homme neutre, il s'est laissé déborder par sa trop grande proximité avec certains pays qui avaient des relations supposément ou vraisemblablement déjà délicats avec la Côte d'Ivoire. Naturellement, dans la guerre de la France contre la Côte d'ivoire à laquelle Gbagbo croit comme à la prunelle de ses yeux, Stoudman était devenu du coup un adversaire. Un homme à abattre. Les rapports descriptifs et financiers des contributions de la France, de l'Union européenne, du Royaume Uni, de l'Espagne et de la Norvège ne plaident non plus pas en sa faveur.

La résolution 1603 en son point 9 engageait la communauté des donateurs à assurer au Haut représentant toutes les ressources financières nécessaires pour l'aider à s'acquitter pleinement de sa mission. Des pays comme la France, la Grande Bretagne, et bien d'autres ont mis la main à la poche mais les résultats n'ont pas suivi. Le bureau de Stoudmann s'est révélé un gouffre financier. Les principales étapes électorales n'ont pas été franchies, la formation et la participation de l'électeur, le scrutin, l'inscription, le traitement des résultats, le cadre juridique et le traitement des recours, la répartition appropriée des circonscriptions, l'enregistrement des partis et dépôt des candidatures, les conditions de la compétition et campagnes électorales, l'organisation électorale et le coût défini par les standards électoraux issus de la table ronde sur les étapes du processus électoral, n'ont pas été réalisés. Et pourtant

Le bureau du Hre a coûté en 2006 à ses bailleurs 2,5 millions de dollars soit 1, 2 milliard de Fcfa. La France à elle seule a contribué à hauteur de plus d'un million d'euros soit plus de 655 millions de Fcfa. L'appui de l'Espagne est estimé à 158. 527.685 fcfa.





Un bilan pauvre





Les donateurs ont payé près de trois millions d'euros de salaires d'une trentaine de fonctionnaires internationaux. Gérard Stoudmann lui était payé à 30.000 dollars us par mois, soit 15 millions de Fcfa. Tous ces chiffres financiers à donner le tournis ont convaincu les donateurs qu'ils appuyaient à perte une autre mission autre que celle de l'Onuci. Pour eux, il était évident d'opérer, au-delà des rapports orageux du camp présidentiel avec Stoudmann, un recentrage dont la conséquence est la suppression du Hre. Depuis la dernière résolution, la mission de certification est rattachée désormais au représentant spécial chargé des élections. Une cellule sera donc créée, rattachée directement à Ban- Ki moon. Une passerelle existera entre la division électorale et cette cellule qui utilisera des informations recueilles sur le terrain par la DE. Ce sont les conflits de rôle et de compétence qui ont motivé la mise en place de cette nouvelle architecture d'assistance électorale.

Les rapports d'activités produits par les donateurs montrent également que le bureau du Hre a été absent sur le terrain et s'est engoncé au fil des mois dans un rôle de représentation matérialisé par sa participation au groupe de travail international, au groupe de médiation, aux réunions et sommets internationaux sur la Côte d'Ivoire. L'accompagnement des travaux de la Commission électorale indépendante effectué en outre par le Bhre, a constitué à tenir des réunions hebdomadaires entre le bureau, le bureau de la Cei et la Division électorale de l'Onuci (DE). Au niveau du suivi des audiences foraines, hormis l'observation de la phase pilote à Port-Bouet et dans une moindre mesure à Botro, le Bhre a été absent à Méagui, Tiapoum, Bangolo, Sandégué et Bouna.

Sur le suivi de l'identification, selon nos sources, le Bhre n'a pas fait de contribution pertinente, a fortiori afficher une position pour faire avancer les choses. Stoudmann a participé au dépouillement des offres du Projet Identification/Listes électorales à travers les comptes ?rendus de réunion. Mais sa trop garnde implication dans ce dépouillement a fait grincer des dents. Dans une lettre au Premier ministre Charles Konan Banny datée du 11 janvier, Gérard Stoudmann l'informait que l'expert de (son) bureau a constaté certaines irrégularités dans le déroulement des travaux de la commission de dépouillement qui a examiné les dossiers reçus suite à l'appel d'offre fourniture d'une solution technologique et d'assistance technique pour l'identification. Il sollicitait du temps pour permettre au Comité technique du comité de pilotage de consolider le dossier. Colère à la Primature. Un dossier qui circulait sous le manteau dans les milieux diplomatiques accuse Gérard Stoudmann de dénigrer Sagem au profit de Zetes-Gemalto, tous les deux en compétition dans l'appel d'offres sur le projet Identification/Listes électorales, sur la base d'un dossier sulfureux bâti sur le versement présumé de pots- de- vins. Une note confidentielle mentionnait : l'offre technique de Zetes-Gemalto n'a pas été étudiée avec le même sérieux que l'offre concurrente de SAGEM. Défense Sécurité. L'attitude du chef de projet me conforte d'une idée de favoritisme, qu'il me semble prudent que la commission veille à une éthique et à une égalité des chances de chaque compétiteur. Que visait Stoudmann? Etait-il en mission ? Pourquoi s'était-il impliqué autant dans le dépouillement?

Ces questions orientent le débat sur la personnalité controversée du haut représentant onusien pour les élections. Malheureusement, cette expérience lancée pour la première fois dans le monde, pour assister le gouvernement ivoirien dans les élections présidentielle et législative a été un échec.







Assoumane Bamba

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023