samedi 1 septembre 2007 par Nord-Sud

Arrivé de façon inopinée le jeudi à une cérémonie présidée par Laurent Dona Fologo à Akouédo-village, le gouverneur du district a provoqué le cafouillage et la fermeture de la décharge. Il explique dans cette interview les raisons de son attitude et présente ses excuses au président du Conseil économique et social.


? Vous avez eu maille à partir le jeudi avec la jeunesse d'Akouédo village parce que vous aviez fait irruption à une cérémonie à laquelle vous n'aviez pas été invité. Pouvons-nous savoir concrètement ce qui s'est passé ?

Merci de faire un travail d'investigation, c'est comme cela que nous voulons que le journalisme évolue. Après la première parution d'une information, il faut venir aux nouvelles afin de chercher à savoir ce qui se passe pour faire l'équilibre de l'information. (). Je voudrais par l'intermédiaire de votre journal présenter mes excuses au grand frère, le président du Conseil économique et social, Laurent Dona Fologo. Je suis allé un peu trop fort, donc je lui présente toutes mes excuses. En bon Africain, je me rendrai chez lui pour les lui présenter de vive voix. On me dit que je n'ai pas été invité. Mais je n'ai pas à être invité quand on parle de ma chose, vous comprenez. Nous sommes dans un pays de discipline, un pays régi par des textes, par des lois. Vous ne pouvez pas rentrer dans le domaine de quelqu'un, vous imposer comme étant le propriétaire et décidez de prendre son bien et vouloir le transformer et le vendre. Malgré les mises en demeure et les injonctions qui ont été faites, vous restez obstinés, vous restez insensibles. Voila la raison pour laquelle je m'y suis rendu pour faire arrêter ce qui se passait. Pourtant quand nous avons appris que cette rencontre devait avoir lieu, nous leur avons écrit.




? De qui s'agit-il ?

Je veux parler de la société appelée Eoulée, dirigée par Emile Gueï, qui a vu en son temps le maire N'Koumo Mobio au niveau de la ville d'Abidjan. Mais la chose est restée lettre morte jusqu'à ce que nous arrivions. Et il va sur notre décharge et fait d'elle sa propriété. Il fait faire des formations aux jeunes en les rançonnant à raison de 50.000Fcfa par personne. Les jeunes gens se sont révoltés hier (le jeudi) par ce qu'ils se disent que je leur enlève leur pain. Pour eux, Guéï veut leur donner du travail et moi je l'en empêche. Mais il faut que les gens comprennent que c'est notre site et que nous ne pouvons pas accepté cela.




? Est-ce que vous reconnaissez la société Eoulée?

Je ne l'ai jamais reconnue parce que pour reconnaître une entreprise, il faut qu'elle prenne langue avec le district. Le district est représenté par son autorité qui est le gouverneur qui est lui-même l'incarnation d'un conseil. C'est pour vous dire qu'il n'y a jamais eu d'accord écrit entre Eoulée et nous. Depuis notre installation, il s'est présenté à plusieurs reprises mais nous l'avons chassé et lui avons demandé de ne pas mettre les pieds à la décharge. Il a disparu et est réapparu au cours du premier trimestre de cette année avec un éminent député que je respecte et dont je tairai le nom. Ce dernier est venu me voir me disant qu'il est membre de cette société et souhaitait que je les laisse exercer. Je lui ai dit qu'on allait voir. Mais la main tendue est restée tendue. Il sont partis et ne sont plus revenus. Et j'apprends par les ondes qu'il y a une manifestation à Akouédo où on va parler de transformation de déchets en gaz. Mais écoutez! Ou je suis gouverneur ou je ne le suis pas, ou j'applique les textes de la décentralisation ou je ne les applique pas. Et en Côte d'Ivoire quand les gens mettent du cafouillage et que vous voulez rétablir l'ordre, vous devenez l'ennemi de tout le monde. Je suis allé agir sur le terrain en récupérant un bien que les gens sont en train de brader en disant qu'ils sont capables de transformer les ordures. Je suis allé mettre de l'ordre. Mais en le mettant, cela a dû froisser certaines personnalités. Une fois encore, je leur présente mes excuses.




? Pensez-vous que c'était la meilleure voie pour rétablir l'ordre?

Mais quand vous parlez à quelqu'un qu'il ne veut pas comprendre, vous faites quoi? Vous allez beau aimer votre fils, vous le choyez, vous l'éduquez par des propos, vous le cajolez et quelques fois quand il agit mal, vous le grondez. Mais quand ça ne va pas, vous le tapez. Tout le monde a lu les journaux du matin (hier matin) parlant de l'incident intervenu à la décharge, nombreuses sont les personnes qui m'ont appelé. Mais je suis serein parce que je suis dans mon droit. Mais je me reproche le fait d'être allé trop fort alors qu'une personnalité (Ndlr : Fologo) était présente. Mais je ne pouvais pas faire autrement parce que cette affaire dure depuis 4 ou 5 ans.




? La société Eoulée n'est certainement pas dans la voie légale. Mais est-ce qu'au moins vous partagez l'idée de la transformations des déchets en gaz?

Pourquoi pas? C'est pour cette raison que je voyage beaucoup, je suis allé en Corée, en Chine, en Italie. Au cours de ces déplacements, j'ai vu toutes les façons de transformation des ordures ménagères. Maintenant si Eoulée à la capacité financière, la technicité, qu'on s'asseye pour en discuter. Et je soumettrai leurs propositions au conseil du district pour délibération. Cette procédure n'a pas été suivie par Eoulée qui est passée outre. Nous voulons tous transformer aujourd'hui les ordures qui sont devenues des matières premières qui fournissent des recettes. Or les structures décentralisées ont besoin d'argent pour leur fonctionnement et la réalisation d'infrastructures. Nous ne pouvons pas accepter qu'une structure quelconque vienne s'enrichir au détriment du district qui construit des écoles, des centres de santé, etc si nous n'avons pas de recettes, comment allons-nous construire les centre d'hémodialyse à venir. Nous sommes d'accord pour la transformation des déchets mais à condition que l'Etat, les villageois d'Akouédo et le district qui est propriétaire de la décharge gagnent quelque chose. Mais au lieu de passer par la voie légale, Eoulée va animer des débats à la télévision sur la décharge. Son patron se répand dans la presse comme si c'était lui le gouverneur. Cela m'agace.




? On pourrait dire que la décharge d'Akouédo se trouve aujourd'hui fermée par votre fait. Que comptez-vous faire pour sa réouverture?

Les parents d'Akouédo doivent savoir que l'action que j'ai menée hier (Ndlr : jeudi), n'était pas contre eux. On sait qu'il suffit d'un rien pour que les habitants d'Akouédo village ferment la décharge. Nous ne pouvons donc pas les défier. Nous savons qu'ils souffrent de la présence de la décharge dans leur village. Nous nous sommes rencontrés quelques instants après l'incident à mon appel, nous avons discuté jusqu'au-delà de minuit. Je pense que d'ici un à deux jours, les choses vont rentrer dans l'ordre. Ils sont en train de discuter avec le préfet d'Abidjan concernant la destitution de leur chef. Mais la société Eoulée dirigée par Emile Gueï et par d'autres mains occultes a détruit le pont bascule de la décharge d'Akouédo. Les appareils électroniques qui permettent de peser le contenu des camions ont été aussi détruits. Mais nous avons des moyens de rechange pour faire fonctionner la décharge. Mais déjà, voilà un préjudice que Eoulée crée. Je me réserve le droit de donner une suite judiciaire à cette affaire.




? Où en est-on aujourd'hui avec la création du Centre d'enfouissement technique (CET) qui était à l'ordre du jour il y a 6 mois?

Le centre d'enfouissement suit son petit bonhomme de chemin. Mais il y a tellement de bruits autour de ce CET que la société chargée de sa construction a dû maîtriser le milieu environnemental et social. Mais de plus en plus on parle de centre de traitement, d'industrialisation des déchets. Mais la construction du CET avance, j'y étais il y a deux semaines.




? Dans les 100 milliards de Trafigura destinés au dédommagement des populations intoxiquées par le déversement des déchets toxiques, le district d'Abidjan a reçu une somme prévue pour l'assainissement de la ville. Quels sont vos projets?

Je voudrais vous rassurer, cet argent ne vient pas dans nos régies financières. Pour le district comme pour tous les villages, ce sont des fonds qui sont logés au trésor. Vous montrez les projets à réaliser. Mais cela n'entre pas dans la ligne budgétaire des collectivités. L'argent reste au niveau du comité de répartition de ces fonds logés à la présidence. Mais nous sommes entrain de lutter pour que ces fonds soient destinés à l'assainissement et aux infrastructures sanitaires. Nous essayons de négocier pour ne pas tout mettre dans l'assainissement qui nécessite de gros fonds. Il faut aussi qu'on s'occupe de la santé des populations.




Interview réalisée par Touré Yelly

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