samedi 1 septembre 2007 par Fraternité Matin

L'État de Côte d'Ivoire s'est doté d'une loi qui autorise, sur fonds public, le financement des partis et groupements politiques. 3, 250 milliards ont été décaissés l'an dernier. Les principaux partis politiques connaissent, en ce moment, une activité débordante après une période d'hibernation. Mel Eg Théodore, président de l'UDCY, a organisé, les 27 et 28 juillet, au Palais des congrès de l'Ivoire, une convention nationale pour apporter son soutien à la candidature de Laurent Gbagbo. Romain-Francis Vangah Wodié, président du PIT, a lancé, le 11 août dernier à Koun-Fao, sa campagne électorale. Pascal Affi N'Guessan, président du FPI, achève ce dimanche, une tournée à M'Bahiakro après Daoukro et Prikro. Alassane D. Ouattara, président du RDR, est rentré de Paris où il a entretenu ses partisans. Et s'apprête à se lancer à l'assaut du pays profond après des meetings aux USA et en France. Aimé-Henri Konan Bédié, président du PDCI-RDA, n'est pas en reste. Sa première grande sortie est prévue septembre courant, en prélude à une tournée nationale. Il s'agit essentiellement, sinon exclusivement, des sept signataires de l'accord de Linas-Marcoussis. La raison de cette vitalité? Le nerf de la guerre. A la différence des 139 autres partis politiques légalement constitués (en attendant le dossier de l'ANCI), ces chapelles politiques ont le beurre et l'argent du beurre. Ce sont elles qui se sont partagé les portefeuilles ministériels. Ça, tout le monde entier le sait. Mais, et cela est gardé sous le sceau du secret, ce sont encore elles qui bénéficient de la loi n° 2004-494 du 10 septembre 2004 relative au financement sur fonds publics des partis et groupements politiques et des candidats à l'élection présidentielle. Ainsi, pour l'exercice 2006-2007, le FPI, le PDCI, le RDR, l'UDPCI, le PIT, l'UDCY et le MFA ont empoché la bagatelle de 3,250 milliards de FCFA, représentant, selon l'article 3 de la loi susmentionnée, le 1/1000ème du budget de l'Etat. Ce financement, selon l'article 4, se répartit comme suit: une subvention affectée aux partis et groupements politiques en fonction du nombre de suffrages exprimés en leur faveur à l'occasion des élections législatives; une subvention affectée aux partis et groupements politiques proportionnellement au nombre de sièges obtenus à l'Assemblée nationale et une subvention affectée aux groupes parlementaires proportionnellement au nombre de députés inscrits en leur sein. Les trois premiers partis ont eu la part du lion avec 800 millions de FCFA chacun; le PIT est venu en deuxième position avec 250 millions, suivi de l'UDPCI avec 220 millions. L'UDCY et le MFA ont tiré la queue en se contentant seulement de 190 millions de nos francs. Pour cette année, ces heureux partis ont reçu, il y a environ deux semaines, la première tranche de l'exercice 2007-2008, soit l'équivalent de la moitié des montants. 480 millions de nos francs ont ainsi été versés à chacun des poids lourds de la politique ivoirienne (FPI, PDCI et RDR).
Il faut relever que si ce financement a été acquis depuis maintenant deux ans pour contenter l'opposition qui accusait le parti au pouvoir de se servir seul des moyens de l'Etat, les dispositions de la loi ne sont pas respectées dans leur lettre et dans leur esprit. Le Président de la République a dérogé à l'article 4 de la loi en intégrant le RDR. Ce parti ayant boycotté les législatives de 2000, Laurent Gbagbo a décidé de le prendre en compte au même titre que les deux autres principaux partis. Il a ouvert la boîte de Pandore. Les formations politiques continuent de bénéficier de cette manne, alors qu'elles foulent aux pieds leurs propres règles (congrès, convention, etc., qui ne sont pas tenus) et des dispositions. En effet, la Cour des comptes est chargée d'évaluer l'utilisation qui est faite de ce financement public pour assurer l'expression du suffrage universel, le fonctionnement du parti, etc. Selon l'article 18 de ladite loi, au 31 mars, les partis ou groupements politiques bénéficiaires doivent remettre à la Cour des comptes un rapport comptable de leurs dépenses et recettes, accompagné d'un état du patrimoine certifié par un expert comptable agréé?. Personne ne le fait et personne n'est inquiété.
Cela arrange les affaires des leaders de nos partis. Tous ces financements s'obtenant à l'insu des militants de base et de la plupart des membres des directions, ils n'ont de compte à rendre à personne et peuvent puiser dans ces fonds publics pour soigner leur propre image de chef magnanime, généreux. Quand on ajoute que la loi n°2005-201 du 27 mai 2005 portant statut d'ancien Président de la République, président d'institution nationale, membre du gouvernement et de député accorde des allocations viagères, payées sur le budget de la Présidence de la République, à Bédié (ancien Chef de l'Etat, ancien président de l'Assemblée nationale, avec un salaire de 17 millions de FCFA hormis les autres avantages), Ouattara et Affi (ancien Premier ministre avec un salaire de 6 millions de FCFA par mois hormis les autres avantages), Wodié (ancien député et ancien ministre) et Anaky Kobenan (ancien ministre) -sans compter que Mel et Mabri Toikeusse sont actuellement au gouvernement -, nos présidents de parti peuvent bien se frotter les mains en cette période de vache maigre. Pour la quasi-totalité des Ivoiriens.

Ferro M. Bally

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