vendredi 31 août 2007 par Le Patriote

Sept mois après la signature, de l'Accord politique de Ouagadougou et à trois jours de la réunion du Comité d'Evaluation et d'Accompagnement (C.E.A.) Voici un bilan, plus ou moins exhaustif, de sa mise en ?uvre.

La mise en application de l'Accord politique de Ouagadougou se déroule-t-elle comme convenu par les trois parties signataires que sont le facilitateur Blaise Compaoré, les Forces Nouvelles du premier ministre Guillaume Soro et le camp du Président ivoirien Laurent Gbagbo ? Lancinante question qui se pose au moment où le Comité d'Evaluation et d'Accompagnement (C.E.A) dudit accord s'apprête à entrer en laboratoire pour dresser un bilan et ébaucher des perspectives. Une analyse lucide de la situation permet de savoir que l'accord politique de Ouagadougou est, à l'origine, un compromis dynamique entre les deux principaux acteurs de la belligérance en Côte d'Ivoire pour le règlement, par des solutions simples et pratiques, des grandes questions qui sous-tendent la crise. Questions liées à l'identification générale des populations, au processus électoral, à la refonte de l'armée et au désarmement des ex combattants ainsi qu'au démantèlement des milices et groupes d'auto défense. C'est de ce point de vue que l'accord de Ouaga a prévu l'exécution de certaines tâches et la mise en ?uvre de certaines actions, au plan institutionnel, politique, militaire, au plan social et au plan économique et financier. La question qui se pose est de savoir si toutes ces actions ont été effectivement menées à bien sur tous ces différents plans depuis la signature de l'accord concerné ? Logique pour logique, il importe de faire remarquer, sept mois après, que beaucoup de choses restent encore à faire en dépit des avancées positives notées ça et là.

Au plan institutionnel

A ce niveau, le compromis de Ouaga prévoyait la mise en place d'un nouveau cadre institutionnel d'exécution cinq semaines après la signature de l'accord par les deux ex belligérants. Ce qui impliquait la formation d'un nouveau gouvernement et la nomination d'un nouveau premier ministre en remplacement de Charles Konan Banny. Cela a-t-il été fait oui ou non et ce nouveau gouvernement fonctionne-t-il effectivement ? La réalité commande de répondre, sans risque de se tromper, par l'affirmative. Dans la mesure où en moins de cinq semaines, Guillaume Soro a été désigné et nommé le 27 mars à Ouagadougou par acte signé en présence du représentant du facilitateur, le ministre Djibril Bassolé. Et son décret de nomination lui a été officiellement remis le 29 mars par le Président ivoirien Laurent Gbagbo. Et une semaine plus tard, plus exactement le 7 avril, Guillaume Soro rendait public la composition de son gouvernement fort de 32 membres. Là où l'accord complémentaire lui donnait un délai de deux semaines. Depuis cette date, cela fait maintenant six mois que le gouvernement Soro est à pied d'?uvre et travaille à la mise en application effective du processus issu de Ouaga. Il est vrai que les choses ne vont pas au rythme souhaité. Il est aussi vrai que ce gouvernement n'a pas atteint encore sa vitesse de croisière dans l'accomplissement de la mission de salut public qui lui est assignée. Mais, force est de reconnaître que Soro et son équipe ont affiché une volonté claire de réussir là où les chefs de gouvernement précédents se sont cassés la figure. Et le fait que toutes les forces et partis politiques significatifs soient équitablement représentés dans cette équipe est à saluer. A sa juste valeur. Il faut tout simplement souhaité que, de retour des vacances gouvernementales, Soro et ses hommes mettent les bouchées doubles pour mettre en oeuvre les dispositions cruciales de l'accord en matière politique, militaire, sociale et économique.

Au plan politique

Sur ce plan précis, l'accord prévoit la mise en ?uvre d'un vaste programme d'identification des populations. Un programme qui passe inévitablement par la relance d'audiences foraines d'établissement de jugements supplétifs d'actes de naissance, la reconstitution des registres de naissance perdus ou détruits, l'organisation d'une opération d'établissement de nouveaux titres d'identité (cartes nationales d'identité et titres de séjour). Ce programme prévoit, en outre, une identification ordinaire et une autre sur la base de la nouvelle liste électorale ainsi que la définition des normes sur les nouveaux titres d'identité. Qu'est ce qui a pu être fait, à ce jour, sur ce plan précis ? Pas grand-chose. Mais, il convient de faire remarquer qu'au regard même de l'accord, l'exécution de ce vaste programme d'identification était conditionnée par la mise en place de certaines mesures visant à la restauration de l'Autorité de l'Etat et au redéploiement de l'administration sur l'ensemble du territoire national. Cela a-t-il été fait comme convenu ? Le constat sur le terrain permet, en effet, d'affirmer que le gouvernement a fourni des efforts importants pour le redéploiement d'une administration minimale. C'était d'abord les préfets, ensuite des magistrats et récemment les sous préfets dans les zones sous contrôle. Ce qui est à encourager. C'est la mise en place récente d'un groupe de travail sont l'identification et les audiences foraines. Les conclusions de ce groupe sont vivement attendus. Dans la mesure que c'est à ce prix que le gouvernement pourra, de retour de vacances, lancer et mettre en ?uvre le vaste programme d'identification décrit plus haut. Mais, cela permettra surtout de poser les bases claires d'une mise en application sereine d'un processus électoral crédible comprenant l'inscription des citoyens ivoiriens sur la liste électorale définitive, la publication de ladite liste, l'établissement et la distribution des cartes d'électeurs. Il faut espérer, à ce niveau, que le gouvernement accélère le redéploiement des services publics dans les coins et recoins de la zone contrôlée par les Forces Nouvelles. Le gouvernement devrait, également, proposer, dès la reprise, un modus operandis consensuel des audiences foraines pour éviter que l'on ne retombe dans les écueils hérités du passé sous l'ère Banny.

Au plan militaire

Sur ce plan, l'accord, après avoir reconnu, de façon formelle, l'existence de deux armées distinctes (FDS CI et FDS FN) avait souhaité qu'elles se mettent ensemble pour travailler à la mise en place d'une armée réunifiée digne de la Côte d'ivoire dans le cadre d'un Centre de Commandement Intégré (C.C.I.). Ce centre a effectivement été créé et installé à Yamoussoukro. Fonctionne-t-il normalement depuis son installation officielle en mai dernier ? Il est permis d'en douter. Mais, il est intéressant de signaler que l'exécution du volet DDR a été confié à ce centre tandis que le volet réinsertion et Réhabilitation communautaire a été confié à une cellule dirigée par un nouveau coordonnateur en la personne de Daniel Ouattara. Cette nouvelle cellule est à l'?uvre. Et la question des grades des soldats F.N qui n'a pas fait l'objet de débats particuliers lors du dialogue direct est en discussion dans le cadre du C.P.C. Il en est de même de la question du HRE qui n'a pas été abordée dans l'accord et qui a été soumise à la sagacité du facilitateur et des membres du C.P.C. En effet, selon l'accord, toutes les questions qui n'ont pas été évoquées à Ouaga devaient pouvoir l'être au sein des deux organes de suivi et de concertation (Le C.P.C. et le C.E.A.) prévus à cette occasion. Pour en revenir au plan militaire, il est à noter que les deux armées, à défaut d'engager le désarmement, démobilisation et la réinsertion à proprement parler, ont organisé le 30 juin dernier à Bouaké, une cérémonie symbolique de déclaration de fin de guerre dénommée Flamme de la Paix . A cette occasion, le président Gbagbo a pu effectuer son premier voyage dans l'antre de l'ex rébellion. Chose impensable avant l'arrivée de Guillaume Soro à la Primature.

Au plan socio
économique

Là encore, l'accord de Ouaga prévoyait la mise en ?uvre d'un programme ambitieux d'aide au retour des déplacés de guerre dans leurs localités et sites d'origine. Ce qui impose au gouvernement la recherche et la mobilisation d'importantes ressources financières en vue du dédommagement de toutes ces nombreuses victimes des effets collatéraux de la guerre. A ce jour, rien de tout cela n'a été fait. Mais, il est intéressant de noter que la relative accalmie constatée sur le front social et politique depuis la signature de l'accord a favorisé un retour volontaire et spontané des déplacés et victimes de guerre dans les villes de l'intérieur, faisant de la libre circulation des biens et des personnes une réalité tangible. Il faut donc prier pour que le gouvernement Soro mette un point d'honneur à la mise en ?uvre de la question du financement du volet social de l'accord. A savoir l'aide aux déplacés de guerre pilotée par le ministre Dacoury et le programme national de reconstruction et de réinsertion dirigé par la ministre Bamba Hamza. C'est à ce niveau que la communauté internationale et les bailleurs de fonds sont attendus pour effectivement accompagner la côte d'ivoire et ses dirigeants dans le financement du programme de relance et de redressement économique figurant en bonne place dans les différents accords de paix de Marcoussis à Ouaga. Que dire dans ces conditions du code de bonne conduite institué par l'accord de Ouaga?

Du code de bonne conduite

Sur ce dernier point de l'accord, les signataires sont convenus de travailler en parfaite intelligence dans un esprit de cogestion du pouvoir au triple plan politique, militaire et administratif. Qui des deux partenaires, Forces Nouvelles ou camp présidentiel, a-t-il respecté fidèlement les engagements librement pris à Ouaga visant à apaiser et moraliser la vie publique, à instaurer un nouvel environnement politique et à éviter toute interprétation partisane, démagogique de l'accord ? Sur ce plan, les ivoiriens sont suffisamment matures pour constater qui de Gbagbo ou de Guillaume s'est interdit toute propagande médiatique tendant à nuire à l'esprit de la cohésion, de l'unité nationale et de dialogue permanent basé sur la confiance mutuelle. Vis-à-vis des politiques, le premier ministre Guillaume Soro a, quant à lui, rempli sa part de sacrifice. Il s'est engagé récemment à décaisser les fonds auxquels ces partis ont droit dans le cadre de la loi portant financement des formations politiques. Le ministre de l'Economie et des Finances a, de bonne source, déjà mis ces fonds à la disposition des partis. Pendant ce temps, le camp présidentiel continue d'user d'intrigues politico politiciennes pour débaucher les cadres de ces partis en vue de les déstabiliser. Ce qui est contraire à l'éthique et la moralité républicaines et au respect de la dignité et des droits fondamentaux de la personne humaine. En conclusion, il convient d'admettre d'une manière globale que l'accord de Ouaga a connu un bien meilleur sort que les accords précédents. Et que si, aucun évènement exceptionnel ne vient à survenir, cet accord est en mesure de conduire la côte d'ivoire à une paix durable et à des lendemains meilleurs. Pourvu que chacun des acteurs où qu'il se trouve y mette de la bonne foi. Le peuple ivoirien n'a que trop souffert.


Khristian Kara

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