vendredi 31 août 2007 par Notre Voie

A l'état civil, elle s'appelle Do Lou Gonézié Mélanie. Mais son nom d'artiste est Mimi Josépha. Elle est née en Côte d'Ivoire mais vit actuellement à Bamako après avoir visité plusieurs pays en Afrique. Notre Voie a rencontré récemment cette Africaine dans la capitale malienne.

Notre Voie : Vous êtes une artiste ivoirienne basée à Bamako. Mais vous n'êtes pas connue en Côte d'Ivoire. Alors, qui est exactement Mimi Josépha ?
Mimi Josépha : Je suis née le 23 décembre 1964 à Abidjan, précisément dans la commune de Port-Bouët. A un moment de ma vie, j'ai senti le besoin de tenter l'aventure pour découvrir l'Afrique. C'est ainsi qu'un jour, j'ai pris mes bagages et j'ai débarqué au Ghana. Quelques temps après, je suis revenue en Côte d'Ivoire avant de me rendre au Burkina Faso. De là-bas, j'ai continué au Mali. J'y étais logé par Mohamed Taras, un vieux de la vieille dans le milieu musical malien. Un mois après, je me suis rendue à Dakar où je jouais dans un bar qu'on appelait le Miami Club?. Il appartenait au père d'Allioun Kassé. C'est là que la plupart des artistes sénégalais venaient jouer. J'ai ensuite été à la découverte de la Mauritanie. A l'époque, il n'y existait pas d'artiste musicien performant. Ce sont les griots qui régnaient. L'exception, c'était Yassine Ould Nana. J'ai été sa protégée pendant des années. De Nouakchott, je suis allée vivre un peu à Nouadhibou. Les choses ont été plus difficiles. Il n'y avait pas des structures modernes pouvant permettre à un chanteur de s'exprimer. Seul le Centre culturel français nous proposait son espace. J'y ai donné des cours de gymnastique. Etant donné que j'ai débuté ma carrière artistique en Côte d'Ivoire dans le théâtre, je voulais mettre sur pied une troupe théâtrale à Nouakchott. Malheureusement, je n'ai pas trouvé de professionnel sur la place pour réaliser mon projet. De la Mauritanie, je suis allée au Maroc. J'y ai séjourné quelques années. Je suis revenue en Mauritanie. Depuis le mois de septembre 2006, je vis à Bamako.

N.V. : On voit que vous avez bourlingué en Afrique. Pourquoi ce nomadisme ?
M.J. : Quand j'étais petite, je voyais des femmes peulh nigériennes, des vendeurs nigériens de viande ; quand je voyais, en effet toutes ces communautés africaines représentées en Côte d'Ivoire, pour moi, la Côte d'Ivoire était leur capitale et qu'ils étaient issus des quatre coins de ce pays. Devenue grande et ayant constaté que toutes ces personnes venaient de l'étranger, j'ai voulu les découvrir dans leurs univers naturels. Ainsi au Ghana, j'ai su que les Nigérians viennent du Nigéria ; au Burkina, j'ai compris que les Burkinabè viennent du Burkina.

N.V. : Quand on vous demande votre pays d'origine, que répondez-vous?
M.J. : Je réponds que je suis une Africaine née en Côte d'Ivoire mais qui vit aujourd'hui au Mali, après avoir vécu dans plusieurs autres ''villages'' d'Afrique. J'avoue que je ne me suis jamais sentie étrangère nulle part. Je me sens chez moi partout en Afrique.

N.V. : Vous avez joué dans de nombreux cabarets au Sénégal, en Mauritanie, au Mali, etc. Quel genre musical pratiquez-vous ?
M.J. : Je fais de la musique africaine. Ma musique, c'est ce qu'il y a de culturel en Afrique. J'ai débuté ma carrière en Côte d'Ivoire. Nous avions un orchestre. Il s'appelait le Nelson band, le Germain Band ou le Bohoussou Band. Notre chef d'orchestre s'appelait Germain Bohoussou. Il résidait à Abobo-Avocatier. On avait trois guitares sèches, une batterie de fortune conçue à partir de boîtes de tomate, de chambres à air de vélo et de cartons. On était cinq. Une fois, Germain et moi sommes passés à la télévision. Il avait la guitare sèche et moi je chantais. C'est Abdul Karim qui était le réalisateur de l'émission. En partant de la Côte d'Ivoire, j'avais donc une sorte de prémaquette sous les bras.

N.V. : Quel est le contenu de cette prémaquette?
M.J. : Il y avait des titres comme Dounouya?, Ecoute?, Néhi?, Poh?. Je les ai adaptés aux différentes cultures que j'ai traversées. On peut les découvrir sur mon premier album intitulé Lumière?. Le CD est disponible chez Mali Cassette, à Bamako, depuis décembre 2006.

N.V. : Ça a tout de même mis du temps à voir le jour ?
M.J. : Je suis plus comédienne-danseuse que chanteuse. C'est dire que pendant tout ce temps, c'est la comédienne et la danseuse qui s'exprimaient. La chanson est une autre corde à mon arc. J'ai travaillé avec Martin Guédéba près de 4 ans. J'ai travaillé aussi avec Alexis Don Zigré dans 1+1=1...

N.V. : Qu'est-ce qui vous a donc poussé à la musique ?
M.J. : A Nouakchott, je m'essayais à la musique devant des amis. Ce sont eux qui m'ont dit : Ecoute Mimi, tu chantes bien ; pourquoi ne te lancerais-tu pas dans la musique ?? Je voulais y aller quand j'ai eu les plus gros soucis de ma vie : j'ai perdu mon bébé de trois mois. Dans le même temps, ma s?ur et un enfant de ma petite s?ur sont morts. J'en ai été beaucoup affectée. Après ces terribles événements, mes amis m'ont davantage poussée à sortir un disque qui, selon eux, devrait me permettre de supporter la douleur et refaire surface. Ce que j'ai fait.

N.V. : De quoi parle le CD ?
M.J. : On y trouve plusieurs rythmes musicaux d'Afrique dont le yéla, un rythme toucouleur ou peulh. Le Sénégalais Baaba Maal m'a prêté main forte sur ce rythme. L'album comporte 9 titres au total. Dounouya? est le premier titre. Il a été composé il y a longtemps par Doumbia Sénior, alors enseignant à l'INA devenu INSAAC. Il m'a proposé ce morceau alors que j'encadrais un groupe devant participer à Variétoscope. Je profite de vos colonnes pour lui exprimer, à nouveau, toute ma gratitude. Le second morceau, Ecoute?, c'est du reggae. J'y dénonce la guerre en Afrique. C'est la mauvaise mode qui n'a pas malheureusement pas échappé à mon pays d'origine, la Côte d'Ivoire. J'espère vivement que l'accord de Ouaga soit le dernier qui va permettre à ce beau village africain de retrouver totalement la paix et son lustre d'antan.

N.V. : La suite ?
M.J. : Il y a aussi Léhi? ou la pluie. Vous savez, la pluie apporte souvent le bonheur. A travers ce morceau, je rends hommage à toutes les femmes qui, pour moi, sont source de vie et de bonheur comme l'eau, comme la pluie. Miki? est inspiré du flali, un rythme gouro. Vient ensuite Chérie coco?. C'est l'histoire d'une femme qui se croyait en paix dans son foyer et qui, un soir, voit débarquer une autre avec des bagages pour s'installer. Kouassi bli? est tiré d'un conte que me racontait mon père ; C'est l'histoire d'une fille sacrifiée par son père. Alors, elle lance un cri dans le village pour qu'on lui vienne en aide car le temps des sacrifices humains est révolu. C'est l'âme de la fille qui parle. Davaka? est chanté en gouro. C'est un morceau à travers lequel je me défoule réellement. Il y a toute une folie dans la chorégraphie de ce morceau. Un peu à la DJ Lewis. Après cette folie, on se calme un peu avec Pon? qui veut dire poisson. L'histoire de l'homme le plus beau. Il est tiré d'un conte : une jeune fille refusait de se marier aux hommes qui se présentaient à elle. Et un poisson s'est transformé en un bel homme - le plus beau de tous ses courtisans -, et est venu l'épouser. Mais un jour, le poisson a retrouvé sa vraie nature et a été tué puis mangé par tous les villageois au grand désespoir de la capricieuse jeune fille qui a fini par sortir de son rêve.

N.V. : A quand la conquête du marché ivoirien avec cet album?
M.J. : Je suis sortie du pays il y a longtemps ; je suis donc totalement dépaysée, il faut l'avouer. Mais je songe à une promo à Abidjan qui demeure la plaque tournante du show-biz en Afrique. C'est l'occasion pour moi de lancer un appel aux promoteurs de spectacles et distributeurs de Côte d'Ivoire pour me donner une opportunité de me ressourcer.








Interview réalisée à Bamako par Dan Opéli

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