jeudi 30 août 2007 par Le Matin d'Abidjan

A la faveur d'un meeting à Paris, le président du RDR a annoncé qu'il sera bientôt président de la République de Côte d'Ivoire. Pour Aly Kéïta, SGA de l'ANCI, le disque de ADO est rayé.

Quel jugement portez-vous sur la méthode du chef de votre ancien parti qui s'annonce toujours depuis l'étranger, à Paris, alors que sur place les militants ont besoin d'orientation ?
Vous savez historiquement, ça me rappelle la candidature de feu George Pompidou. Il avait été le Premier ministre de De Gaulle, il a déclaré sa candidature à partir de Rome. Et cela avait choqué la France. Je pense que dans le cas spécifique d'ADO; c'est un meeting qu'il a fait à Paris pour sensibiliser les militants. C'est son droit. C'est aussi le droit par exemple d'Affi N'Guessan, de Zémogo Fofana, de Bédié de faire un meeting à l'extérieur pour galvaniser leurs militants. Je ne sais pas ce qui a été décidé pour le vote à l'extérieur, mais je pense que les militants de l'extérieur votent. Cependant, j'ai une réserve sur les sujets sur lesquels il s'est prononcé. Vous savez, il y a des grands sujets qui ne peuvent se faire que d'une manière interne. Et ces sujets, il les a abordés à l'extérieur. Moi, en tant qu'homme politique, ces sujets là, je les aborderai dans un meeting ici. Je définirai mes propositions à partir d'ici. Je dis que quand on fait de la politique, c'est d'abord aux populations du pays où on fait la politique qu'on s'adresse. Je n'y étais pas, mais j'ai appris qu'il y avait un millier de militants, ce qui n'est pas négligeable. Mais pour ces sujets, aussi importants dans une situation de crise, telle que la Côte d'Ivoire la connaît aujourd'hui, il était important qu'on s'adresse à 18.750.000 personnes selon l'ancien recensement, plutôt que de s'adresser à 1000 personnes à l'extérieur (rires). Je crois même avec la crise, il y a eu beaucoup de naissances en Côte d'Ivoire. Nous devons atteindre un chiffre d'un peu plus de 20.000.000 d'habitants aujourd'hui. Et je pense qu'il était bienséant pour le respect de la République qu'on a, du peuple ivoirien, d'aborder ces sujets ici plutôt que de l'aborder à l'extérieur.

N'avez-vous pas le regret d'avoir quitté le RDR, quand on sait qu'à ce meeting de Paris, ADO a annoncé à ses militants qu'il revient bientôt au pouvoir ?
Ecoutez, il faut que je vous le dise, je ne ressens aucun regret d'avoir quitté le RDR. Cela me gène souvent de parler du RDR. Mais depuis 1998, j'attends toujours ce refrain. Je peux résumer la réponse à cette question à une anecdote. Vous savez quand j'étais à New York, j'ai une amie qui fait partie des analystes politiques au niveau de l'ONU. C'est une de mes vieilles connaissances. A l'époque, j'étais considéré comme membre du RDR. Cette amie m'a demandé de dire à mon patron d'arrêter de dire qu'en mars prochain, il sera au pouvoir. Elle me dit que j'ai déjà entendu ce projet d'Alassane de prendre le pouvoir très prochainement déjà 5 fois. C'est dire que c'est difficile pour lui. Alors pour me chahuter, mon amie m'a dit, c'est votre féticheur ou bien votre marabout qui vous a dit que vous serez au pouvoir bientôt. Alors, pour rigoler, je lui ai dit que c'est notre marabout. Si vous avez votre féticheur alors nous aussi nous avons notre marabout. Alors c'est un refrain qui revient et je pense que cela s'adresse à ses militants à lui pour les galvaniser. Donc quel regret voulez-vous que j'ai ? Peut être que vous auriez pu me dire est-ce que vous n'avez pas un regret de quitter le FPI au moment où le FPI est au pouvoir, au moment où Laurent Gbagbo qui est votre frère parce que entre Laurent et moi, c'est une affaire de famille. Il vient au pouvoir et vous n'avez pas un regret de le quitter, mais si vous avez votre féticheur alors nous aussi nous avons notre marabout. Je ne vois pas quel regret j'aurai de quitter le RDR qui a plutôt tendance à marginaliser et à exclure certaines personnes. J'ai critiqué le Pdci comme une coterie, c'est même un bois sacré. Vous savez combien de fois le RDR est parti au gouvernement ? Comptez le nombre de ministres qui sont partis au gouvernement. Vous verrez que ce sont les mêmes qui vont toujours au gouvernement depuis 4 fois que le RDR va au gouvernement depuis cette transition. Mais ça c'est grave. Lorsque je prends le président du RDR au mot, il dit qu'il a 700.000 militants inscrits, j'aimerais voir les données de bases du RDR pour y croire. J'ai affirmé que les meilleurs cadres se trouvent au RDR mais malheureusement, ce sont toujours les mêmes qu'on choisit depuis dans ce gouvernement de transition. C'est pratiquement les mêmes à plus de 68% si vous faites le ratio, ils sont toujours les mêmes dans le gouvernement de transition. Un gouvernement de transition est certes, un gouvernement passager, mais il donne l'opportunité à un parti de former ses futurs gouvernants aux charges ministérielles. Ils apprennent à faire les réunions. Mais c'est toujours les mêmes. Donc au sein de ce parti, il y a quelque chose qui cloche.

Vous avez parlé de débats qu'on devait mener ici en interne, pour le leader politique que vous êtes, quelle devait être la priorité aujourd'hui pour une sortie de crise en Côte d'Ivoire ?
La priorité aujourd'hui en Côte d'Ivoire, c'est l'application des accords de Ouagadougou à plusieurs volets et chaque volet pour moi est un accord. Pour une fois, parce qu'on s'est trouvé face à face. Nous avons décidé de plusieurs choses qui sont immédiatement à faire, mais qui dessine les contours et les pourtours de la Côte d'Ivoire nouvelle. Donc la priorité, est d'appliquer les accords de Ouaga. Cependant, le gouvernement actuel est tenu de gérer la crise actuelle parce que la population en souffre. Et je l'ai déjà dit dans une interview. J'ai dit que si vous me demandez ma priorité aujourd'hui, ce n'est pas des élections, ma priorité aujourd'hui et je crois que c'est la priorité des ivoiriens, c'est de donner à manger, à boire, et soigner les Ivoiriens. Vous qui êtes journaliste, quand vous faites le constat, combien de familles mangent aujourd'hui ? Combien de familles peuvent se soigner tranquillement aujourd'hui.

Vos amis pensent que la priorité, ce sont les élections ? Et c'est dans cette logique que nous évoluons.
Vous savez en politique, il faut savoir lire l'histoire. Je vous ai dit tout à l'heure que personne n'a inventé l'eau chaude. L'eau chaude existait, même le Seigneur qui a créé l'humanité, il a créé l'eau chaude. Quand vous avez des politiciens qui ne savent pas lire l'histoire, ils ne peuvent pas devenir des hommes politiques. Je vous donne l'exemple de la République centrafricaine, dans ce pays d'Afrique centrale traversé par une crise, il y a eu les élections qui ont conduit le général Bozizé au pouvoir. Mais dans ce pays où nous en sommes aujourd'hui ? Est-ce que la République Centrafricaine a retrouvé ses marques ? Le cas du Tchad avec Idriss Débi. C'est la même chose ; est ce que là-bas aussi malgré la tenue des élections, le pays a-t-il retrouvé ses marques ? Alors arrêtez de parler d'élections comme si c'était la solution miracle aux problèmes des Ivoiriens. La solution miracle au problème des Ivoiriens, c'est la sincérité et la loyauté, et le bannissement intégral des intérêts personnels et égoïstes.

Vous entendez qu'on reporte les élections ?
Non ! Je pense qu'il faut donner le temps au temps pour faire des élections correctes.

Vous disiez pourtant pour une sortie de crise qu'il faut qu'on applique l'accord de Ouaga. Or, cet accord indique qu'on aille aux élections dans un délai bien précis.
Pour créer votre journal, vous avez fait une étude de faisabilité. Vous avez fixé dans cette étude de faisabilité des séances de projections C'est la base, maintenant la réalité du terrain, la situation économique de la Côte d'Ivoire vous ont emmené certainement à revirer, puisque vous dites que vous changez vos logos. Vous allez faire paraître un nouveau journal avec de nouvelles rubriques, pourquoi ? Des prévisions et ses prévisions peuvent être en déphasage avec ce que vous avez prévu. Or, vous êtes soumis à une obligation de résultat. Donc pour obtenir les résultats escomptés, vous êtes obligé de revoir votre copie. Je reviens pour dire que l'accord de Ouaga, c'est la base mais la base peut être revue en fonction des réalités du terrain. Si aujourd'hui, une grande calamité frappe la Côte d'Ivoire, vous serez obligé de tout revoir. Est-ce que vous avez prévu ça. Je ne le souhaite pas mais si nous avons un tremblement de terre aujourd'hui, qu'il y a des centaines de milliers de morts, est-ce que vous allez penser aux élections, ce n'est pas possible. Mais, les accords de Ouaga doivent être le phare. Le credo dans lequel tout le monde doit s'inscrire. C'est pour cela que je parle de fétichisme. Ce n'est pas pour faire plaisir à Soro.

Il se raconte que vous avez rallié le camp présidentiel et vous vous battez pour le maintien du chef de l'Etat au pouvoir. Qu'en dites vous ?
Parce que je ne vois pas quelle opposition aujourd'hui en Côte d'Ivoire. Pour rejoindre Gbagbo au FPI. J'avais toute la latitude; c'est mon parti de base. J'ai laissé des amis là-bas, j'ai laissé les Amani N'Guessan, Lida Kouassi Tous mes amis sont tous au FPI. Si je veux rallier le camp présidentiel, j'y vais directement. Je ne vois pas qui pourrait m'empêcher. Vous savez Gbagbo n'est pas mon ennemi, quand j'étais au RDR c'était seulement un adversaire politique. Je suis en train de prendre contact avec l'un de mes meilleurs amis pour aller lui présenter les condoléances. Il s'agit de Gnamien N'Goran qui a perdu sa mère quand j'étais absent dans le pays. Et le dernier est au PDCI. J'irai à Daoukro comme le veut la tradition pour lui présenter mes condoléances. Donc j'ai des amis partout. Entre Gbagbo et moi, c'est une affaire de famille avant d'être une affaire politique. C'est là qu'on devait m'admirer, parce qu'à un moment donné, je lui ai dit non je ne suis pas d'accord et je l'ai combattu. Mais maintenant que tout le monde est d'accord pour les accords de Ouaga, je ne vois pas ce qui peut m'empêcher de suivre Gbagbo. Si le chef de l'Etat pose des actions réelles, concrètes pour la Côte d'Ivoire future, il me trouvera à ses côtés. Si Ado fait la même chose, il nous trouvera à ses côtés. Mais, voilà un parti comme le RDR à qui on dit je suis différemment d'accord. Et, d'après Tohozona Bamba qui vous, dit-on, va vous emmener dans un asile de fou, et Lemansson, dit-on, va vous électrocuter ? Cela devait vous faire peur. Dans un parti politique où on devait se retrouver avec des gens pour des débats d'idées, si ces derniers veulent vous électrocuter alors où allons-nous ? Qu'est-ce qu'on appelle le camp présidentiel. Vous savez dans les accords de Ouaga, la commission de supervision de l'application des accords qui a été créé, tous les principaux leaders politiques ivoiriens se retrouvent la dedans. Vous croyez qu'ils n'ont pas de salaires ? C'est bien le chef de l'Etat qui paie les salaires. Eux, n'ont-ils pas rallié le camp présidentiel, alors dites-nous qui a signé le décret de nomination de leurs ministres ? Je trouve que Gbagbo est gentil. Si moi Aly Kéita je suis président, que je nomme un ministre qui fait partie de mon gouvernement et si ce dernier me tient des propos comme Gbagbo est fatigué, il faut le chasser, je ne serai pas tolérant ! Parce je prendrai le même décret que j'ai pris pour te nommer, pour te radier. Nous sommes au courant des opposants qui émargent à la présidence.

Cela fait-il partie de vos frustrations, puisque les autres émargent, dites-vous, et que vous n'émargez pas ?
Je pouvais ne pas venir dans un parti et resté là-bas et dire à Gbagbo, je veux que tu m'envoies par mois 10 millions. Il va me l'envoyer, puisqu'il a un budget de souveraineté. Tous ceux qui parlent, tous ceux qui gueulent dans l'opposition en Côte d'Ivoire aujourd'hui, ils émargent à la présidence. Vous voulez que je vous donne la liste ? Attendez la campagne électorale parce que je les regarde et je souris. Ils nous prennent pour des analphabètes mais ils se trompent.

Que prévoit donc l'ANCI pour le bien-être des Ivoiriens si c'est cela la priorité de votre parti ?
L'ANCI se refuse d'être un credo pour une transition d'ethnie. L'ANCI, se veut d'être une coalition d'Ivoiriens qui ont quelque chose à dire, qui ont quelque chose à faire. Qui ne pense qu'à la Côte d'Ivoire des générations à venir que vous êtes. Je vais vous donner des exemples. Vous savez, l'ANCI a déjà réfléchi sur la suppression des sociétés d'Etat et que nous sommes à mesure de prouver document à l'appui que des sociétés d'Etat ont été supprimées et c'était une erreur politique de la part d'Houphouët-Boigny.

Quelle est la position de l'ANCI en ce qui concerne la fixation de la date des élections?
C'est le gouvernement qui fixe les dates des élections selon la Constitution. Ce n'est pas la CEI. A ma connaissance, je ne vois pas un pays où la structure organisationnelle fixe les élections. Je trouve cela grave quand j'entends un leader politique le dire sans avoir lu sa Constitution ou son code électoral. Si le gouvernement veut se dépouiller de ses prorogatives de fixation des dates des élections, qu'on nous le dise.

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