mercredi 29 août 2007 par Nord-Sud

Ce sont des énigmes fabriquées de toutes pièces. De l'affaire Guy- André Kieffer aux escadrons de la mort, la refondation garde la main sur des affaires sales qui risquent de lui exploser à la figure.


Affaires Kieffer, escadrons de la mort, bombardements de BouakéLes tiroirs de la justice française sont pleins de scabreux dossiers, des effets collatéraux du conflit politico-militaire qui se joue depuis près de cinq ans à Abidjan, Bouaké et Paris.

Les derniers rebondissements dans la disparition du journaliste franco-canadien semblent avoir réveillé les eaux troubles de la lagune Ebrié et de la Seine. Le procureur de la République, le juge Tchimou, est sorti samedi de ses gonds pour expliquer que la présidence ivoirienne est étrangère à la disparition de Guy-André Kieffer. L'implication de l'Elysée dans ce dossier (Sarkozy a reçu le jeudi dernier la veuve du journaliste, Osange Kieffer) et les révélations du témoin de l'exécution présumée du confrère ont relancé le débat de la disparition du journaliste le 16 avril 2004. La participation supposée de personnalités proches du chef de l'Etat à l'exécution du journaliste, avancée par le témoin, réveille le diable. Il est désormais dans les détails livrés par le témoin, mais le camp présidentiel refuse que l'étau se resserre autour de ses hommes. Berté Seydou dans un entretien à France 3 a affirmé : () Ils l'ont recherché à la présidence pour aller à la ferme de volailles () Quand Tony Oulaï a donné le signal, par un coup de pistolet, les deux éléments ont mitraillé Guy-André Kieffer. Ils l'ont enterré, il fallait garder le corps sur place sous la surveillance des militaires?. Le procureur Tchimou Raymond sans apporter de nouveaux éléments pour enrichir l'enquête, a plutôt cherché à discréditer ledit témoin aux yeux de la justice et de l'opinion. Les tergiversations du temple de Thémis ivoirien, les obstructions à l'éclatement de la vérité et ces révélations, sans préjuger de leur véracité, montrent que l'affaire Kieffer n'est pas une priorité pour la justice ivoirienne. Ces nouveaux éléments éclaboussent non seulement l'entourage du chef de l'Etat mais aussi la justice qui, à travers la sortie inopportune du procureur Tchimou, se fait l'avocat défenseur de ceux qui auraient participé à ce crime. A quel niveau se trouve l'instruction de ce dossier ? Existe-t-il d'éléments nouveaux qui contredisent la version de Berté Seydou ? Pourquoi, la justice fait-elle obstruction à ce que Paris entende des témoins clés de l'enquête comme Michel Légré ? Qui, au c?ur du palais présidentiel, a intérêt à ce que la vérité n'éclate pas ?

Ces interrogations entretiennent le mystère de cette disparition. Elles rappellent celles contenues dans l'affaire des escadrons de la mort. L'ancien chef d'Etat Robert Guéï , le comédien Camara H, le médecin Benoît Dacoury-Tabley, l'opposant Téhé Emile et bien d'autres ont été tués par des escadrons de la mort qui, la nuit tombée, en plein couvre-feu écumaient Abidjan, se débarrassaient de personnes trop gênantes. Le quotidien français Le Monde évoquait l'existence d'escadrons de la mort, et citait les noms d'hommes comme réputés proche du pouvoir présidentiel. Curieusement, la justice ivoirienne ne s'est jamais saisie de cette affaire. Depuis, le pouvoir Fpi nie l'existence de ces escadrons, dénonçant une cabale destinée à déstabiliser le régime de Laurent Gbagbo. Avec la pression de la communauté internationale, ils se sont volatilisés dans la nature. Le dossier est donc closed pour Abidjan comme semble l'être l'affaire Kieffer.

Et pourtant, Philippe Bolopion, correspondant de "Radio France Internationale" Rfi aux Organisation des Nations unies, faisait part d'un rapport secret rédigé par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme : celui-ci impliquerait les plus hautes personnalités de l'État ivoirien dans la direction des escadrons de la mort. Les noms de Simone Gbagbo, l'épouse du président, et Kadet Bertin, ex-ministre de la Défense et neveu du président, selon le confrère, y seraient cités.

Ce rapport indique clairement que les escadrons de la mort qui opèrent en Côte d'Ivoire sont proches du pouvoir en place à Abidjan : les escadrons de la mort en Côte d'Ivoire seraient constitués d'éléments proches du gouvernement, de la garde présidentielle et d'une milice tribale de l'ethnie bété, proche du président Laurent Gbagbo?, est-il écrit.

Le Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'Homme, Sergio Vieira de Mello, a par la suite affirmé après un entretien avec l'ancien président français Jacques Chirac à Paris que, les responsables d'exactions en Côte d'Ivoire pourraient être traduits devant la Cour pénale internationale (CPI). La justice nationale et la CPI sont suspendues aux yoyos de la crise ivoirienne. Tout le monde semble ménager les susceptibilités de Laurent Gbagbo, qui n'apprécie pas qu'on fouine dans les recoins de sa maison. Qui a tué Guéi, Camara H, Téhé Emile ? Qui avait la nuit le pouvoir de circuler à Abidjan, en plein couvre-feu ?

Mystère et boule de gomme.

L'affaire des tueurs de Bouaké demeure également une énigme comme les deux précédentes.

Le 6 novembre 2004, deux avions Sukhoi pilotés par des mercenaires biélorusses attaquaient un camp de l' opération Licorne, provoquant la mort de 9 soldats français. Dix-huit mois plus tard, l'enquête judiciaire révèle que la France a peut-être laissé filer les auteurs du raid. Pour quelle raison ? On l'ignore pour le moment.

Une certitude cependant. La chasse aux auteurs présumés (deux pilotes biélorusses au service des Forces armées ivoiriennes (Fanci) a été un échec. Me Jean Balan, l'avocat de 24 parties civiles, veuves des tués de Bouaké ou soldats blessés, a dénoncé il y a plusieurs mois, la négligence des autorités françaises qui étaient pourtant en mesure de leur demander des comptes. Or les pilotes ont regagné leur pays, sans être inquiétés.





Assoumane Bamba

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