mercredi 22 août 2007 par Nord-Sud

Grogne au sein de l'armée, lenteur dans la mise en oeuvre de la plate-forme du Rhdp, guerre de positionnement dans l'OuestMabri Toikeusse, président de l'Udpci livre, dans l'entretien qu'il nous a accordé, le fond de sa pensée.


Question de grades, primes de guerre...comment peut-on, selon vous, désarmer cette sorte de chape de plomb que fait planer en ce moment l'armée sur le processus de sortie de crise ?

Nos forces combattantes, de part et d'autre de la zone de séparation nous ont habitués depuis plus de deux ans à leur capacité à surmonter les différences et à se rassembler pour la cause nationale. C'est pour cela que, tous, le chef de l'Etat y compris, nous disons que les militaires ont indiqué la voie de la paix, il appartient aux politiques de conforter le progrès sur ce chemin de la paix. Cela est un constat heureux pour la Côte d'Ivoire. Ceci dit, il y a eu quelques difficultés-je n'en connais pas les détails- sur les questions de grades. Du point de vue de l'armée, il y a des pas qui sont franchis. Nous devons aller très vite à la réunification de notre armée qui devrait être un indicateur significatif en ce qui concerne la réunification et la réconciliation nationale. Malheureusement, depuis quelques temps nous entendons ça et là des problèmes au niveau des Fanci. Le chef de l'Etat lui-même a rencontré les forces de défense et de sécurité pour échanger sur les préoccupations des soldats. Ce que je peux demander c'est que le sursaut dont les militaires on fait preuve puisse toujours prévaloir et puisse nous aider à aller vers la paix. En tenant bien entendu compte des préoccupations exprimées qu'il faudra gérer dans la mesure des possibilités, en ayant en l'esprit l'intérêt général qui est le retour définitif de la paix en Côte d'Ivoire, la réconciliation, l'expression forte de la fraternité ivoirienne et de l'ouverture de notre pays sur l'extérieur. Nous avons besoin de rassurer notre communauté nationale. Ce n'est pas cette situation au niveau de l'armée qui peut contribuer à cela. Je voudrais que tous ceux qui peuvent agir pour que la situation se normalise puissent le faire. Je le souhaite vivement de la part des uns et des autres sans orgueil.





Ventre affamé n'a point d'oreille, enseigne un dicton. Pensez-vous que les soldats sont dans les dispositions pour vous entendre ?

Il y a des questions qui ont été gérées en dehors du gouvernement. Je ne connais pas le contenu des engagements des uns et des autres. Je souhaite que les engagements soient toujours respectés et que la parole donnée soit tenue. C'est important pour l'image de notre pays, pour tous ceux qui ont une part de responsabilité. C'est important aussi pour rétablir la confiance entre les différents compartiments au niveau de la gestion des affaires publiques mais aussi entre la communauté nationale et les dirigeants. Je ne sais pas ce qui était promis mais je souhaite que, s'il y a des promesses, qu'elles soient tenues. Je souhaite aussi de la part des uns et des autres une élévation d'esprit et la disponibilité a toujours fait un peu plus de sacrifice pour que nous allions à la paix.





Vu l'urgence de la question, le débat sera-t-il porté sur la table du gouvernement après les vacances ?

Certainement ! C'est une question sensible. Certainement que le chef de l'Etat, le chef du gouvernement ou les ministres en charge de ces questions informeront le gouvernement. Ce sont des questions qui des fois se gèrent en dehors du gouvernement. Le chef de l'Etat, est le chef suprême des armées. Il y a souvent des questions de souveraineté qui n'ont pas forcément besoin de venir devant un gouvernement. Mais je serai heureux en tout cas de contribuer au règlement d'une telle situation si l'occasion m'était donnée.





C'est une réelle menace sur la sortie de crise en cours

Je souhaite qu'il n'y ait pas d'incidence directe de la situation au niveau de nos casernes sur l'évolution du processus de paix. Cela doit être la prière de chaque Ivoirien. Notre souci aujourd'hui. Que la déclaration de fin de guerre faite de manière solennelle par le chef de l'Etat se concrétise que le terrain par le retrait des forces des différentes positions. Il est bon que la situation puisse se régler rapidement. Si c'est le cas, il n'y a pas de raison que l'incidence sur le processus de paix et surtout sur les délais envisagés pour les prochaines élections, qui d'ailleurs sont influencées par d'autres facteurs, prévale et que nous prenons du retard pour le rétablissement de la démocratie en Côte d'Ivoire et pour la mise en place des institutions démocratiques sera un retard préjudiciable.





Partagez-vous l'avis de Djédjé Mady, président du directoire du Rhdp qui, parlant de la flamme de paix organisée à Bouaké, soutenait samedi à Arrah que les initiateurs ont mis la charrue avant les boeufs ?

C'est l'avis de Djédjé Mady. En tant que membre du gouvernement, j'étais président d'une commission du comité d'organisation présidé par le Premier ministre. Cette activité s'inscrivait dans le cadre de l'accord de Ouagadougou pour lequel nous avons été largement informés avant et après. Ceci dit aucune oeuvre humaine n'est parfaite. Il peut avoir des erreurs. Nous devons avoir l'intelligence et la volonté de prendre en compte ces erreurs et de les transformer en opportunités pour que le processus de paix avance rapidement.





Aux yeux de bon nombre de vos militants, le Rhdp apparaît comme un gros machin qui a du mal à se mettre en branle. Que leur répondez-vous ?

Je ne sais pas si nos militants le pensent. Ils ont quelques fois raison parce que les chantiers n'avancent pas comme il faut. Il ne faut pas désespérer. Le président Houphouët nous a appris qu'il ne suffit pas d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. Nous avons eu la volonté de mettre en place le Rhdp. Nous savions tous, le 18 mai à Paris que ça n'allait pas être facile. Nous avons surpris bien de gens compte tenu des rapports entre certains leaders du Rhdp. Un grand pas a été posé pour soulager l'attente des nombreux houphouëtistes qui considèrent Houphouët Boigny comme un modèle d'intelligence, de combativité et de réussite. Maintenant nous sommes face à la réalité. Il faut pouvoir la gérer dans l'intérêt de la famille houphouëtiste mais aussi dans l'intérêt général.





Qu'est-ce qui bloque aujourd'hui la rédaction de la plate-forme commune des partis qui composent le Rhdp?

C'est ce que j'ai appelé tantôt chantiers qui n'avançaient pas et qui peuvent donc préoccuper nos militants qui attendent beaucoup du Rhdp. Nous trouverons le temps nécessaire pour aller dans les conditions les meilleures garantissant nos chances aux futures élections. Il ne faut pas désespérer du Rhdp, de ses dirigeants. Les incompréhensions seront surmontées. Il est dit que chaque signataire a le droit d'être candidat à l'élection présidentielle et que nous devons soutenir au deuxième tour celui qui est le meilleur parmi nous. C'est ce qui figure dans la plate-forme et il n'est pas exclu que nous nous engagions à réviser cela. Pour le moment c'est ce que dit la plate-forme. Le reste qui devrait être élaboré visait les autres élections et surtout la gestion du pouvoir que nous allons prendre par la voie des urnes. En fonction des contraintes de date, il nous faudra accélérer ce que nous devons faire pour que nous soyons prêts pour les élections.





Avez-vous le sentiment que vos militants sont sur les mêmes longueurs d'onde que leurs leaders ?

Le contenu de la plate-forme signée à Paris a été expliqué. Maintenant il faut que le document qui dit comment il faut aller aux élections soit soumis aux leaders. Quand il sera validé, nous l'expliquerons aux militants.





Outre le Rhdp, le G7 ne fait pas montre d'une vraie cohésion depuis la signature de l'accord de Ouaga. Qu'est ce qui explique cela ?

Qu'est ce qui vous faire dire cela ? Il n'y a d'inquiétude à se faire. Malgré quelques sorties dans la presse, nous devons être capables de gérer ces petites crises. Nous ferons tout ce qu'il faut pour sauvegarder l'essentiel.





Il est reproché au Premier ministre de rouler pour le camp présidentiel

Il est normal que les gens qui ont un droit d'observation puissent donc exprimer à voix haute ce qu'ils observent. Nous n'avons pas été saisi en tant que leader d'une question vis-à-vis de la gestion de M. Soro Guillaume.





Quelle est la situation après la suspension du député de Zouan-Hounien au sein de votre porti?

C'est de manière consensuelle que le bureau politique a pris la dernière décision concernant un de nos cadres. Il n'y a pas de problème. Nous avons un parti politique qui a des ambitions, des objectifs, des principes et des textes qui régissent son fonctionnement. Ceux qui ne respectent pas cela, s'exposent aux sanctions disciplinaires telles que prévues par les textes. Ce sont des actions courantes de gestion d'un parti politique. L'Udpci a des ambitions pour la Côte d'Ivoire. Si des cadres, particulièrement au niveau de la direction, n'ont pas ces ambitions, ils sont en dehors du parti.





Pourquoi avez-vous brillé par votre absence à Zouan-Hounien lors du meeting de soutien à l'accord de Ouaga, cérémonie parrainée par Laurent Dona Fologo, président du Conseil économique et social ?

J'étais président de la commission transport pour la flamme de la paix qui est un élément clé de l'accord de Ouagadougou. Le soutien de mon parti à cet accord ne fait l'objet d'aucun doute. C'est pour cela que le président et le Premier ministre m'ont mis en mission à Bondoukou à l'occasion de la Fête nationale pour passer le message de paix, de réconciliation, de remobilisation aux populations du Zanzan. Dans mon déplacement à l'Ouest, j'ai indiqué à chacune des étapes pourquoi nous devons nous réconcilier, accompagner le chef de l'Etat et le Premier ministre sur le chemin de la paix. Donc je ne peux être absent sans raison fondamentale d'une cérémonie qui fait la promotion de l'accord de Ouaga. Si j'avais été associé à cette cérémonie, j'aurai demandé qu'on tienne compte de l'organisation de la flamme de la paix pour pouvoir trouver une date raisonnable.





En clair, vous n'avez pas été associé à l'organisation du meeting de Zouan-Hounien

Je n'ai pas été associé. Je suis député de Zouan-Hounien, l'élu politique de la circonscription, membre du gouvernement sorti de l'accord de Ouaga, membre du conseil général de Danané. Je ne comprends pas qu'on puisse organiser une telle cérémonie dans ma ville sans qu'on ne puisse préalablement m'informer. C'est par courrier à quelque quatre ou cinq jours de la cérémonie que j'ai été informé et sollicité pour une contribution financière.





Vous conviendrez avec nous qu'il y a un réel problème de leadership à Zouan-Hounien

Il n'y a aucun problème de leadership à Zouan-Hounien. Je vous explique pourquoi je n'étais pas au meeting. J'étais à Bouaké au côté du Premier ministre. Il fallait transporter les Ivoiriens qui voulaient se rendre à Bouaké, les ramener chez eux dans les conditions qui assurent leur sécurité et le succès de cette importante manifestation. Donc je n'avais pas de raison de trouver du temps pour me distraire à ailleurs.





Au cours de cette même cérémonie le ministre Bleu Lainé a lancé un appel à votre endroit afin, dit-il, de rejoindre l'équipe pour travailler pour le compte du président Laurent Gbagbo. Que répondez-vous à cette main tendue ?

Aider le président Laurent Gbagbo à quoi faire ? Il faut que cette demande s'exprime clairement. Je suis un collaborateur du président de la République au niveau du gouvernement. J'ai essayé avec toute ma force et tout mon engagement de faire face à toutes les responsabilités que lui-même et son Premier ministre ont bien voulu m'accorder. Je l'ai fait hier à la Santé. Les Ivoiriens sont témoins. Je l'ai fait à l'Intégration. Les Ivoiriens et la communauté sous-régionale sont témoins. Je suis en train de le faire aujourd'hui au niveau d'un secteur difficile, un secteur important pour l'économie de notre pays. Donc j'aide le président et le Premier ministre dans le cadre de mon secteur mais aussi dans le cadre de l'accompagnement. Maintenant, si on me demande de me joindre à quelqu'un ou à un groupe donné pour aider le chef de l'Etat, il faut que je comprenne ce que je dois faire en dehors de ce que je suis en train de faire. J'attends que la demande soit bien exprimée pour que je donne ma réponse.





Etes-vous associé à la démarche des chefs traditionnels qui entendent inviter le chef de l'Etat pour une visite officielle dans le département de Zouan-Hounien ?

Est-ce les chefs traditionnels qui se proposent d'inviter le chef de l'Etat ou est-ce quelqu'un qui demandait aux chefs traditionnels ? En tout cas, je serai très heureux d'enregistrer la visite du président Gbagbo dans ma région. En 2004, cela faisait partie de nos préoccupations après sa tournée qui s'est arrêtée à Bloléquin. Nous lui avons demandé qu'il trouve le temps de remonter vers Toulepleu. Je ne suis pas du tout contre une visite du chef d'Etat. J'espère une fois de plus qu'on ne va pas le faire comme hier où on a fait partir un président d'institution et des membres du gouvernement dans la circonscription sans que je ne sois associé à l'initiative. Pour le moment aucun chef traditionnel ne m'a encore dit sa volonté d'entreprendre une démarche sur son initiative propre pour inviter le chef de l'Etat.





Des populations de Zouan-Hounien ont organisé récemment une marche pour exiger le départ du sous-préfet militaire. L'on vous accuse de manipuler vos partisans. Qu'en dites-vous ?

Peut-être que j'ai beaucoup de mains. Je me dis que la Providence m'a aidé. J'aime faire beaucoup et bien. Sur cette question, je tiens à préciser que j'ai été informé autour de 16 h et demi de ce qu'il y avait une marche en cours vers le bureau du préfet. On n'a pas voulu m'informer. Ce sont les chefs de canton, un certain nombre de chefs de village, des responsables de jeunes et de femmes qui ont entrepris cette marche. Ils ont certainement leurs raisons. Je me suis rendu dans la région une semaine après. Je n'ai pas eu le temps de rencontrer la chefferie pour discuter sur cette question mais j'ai pris le soin de rencontrer les militaires. J'ai passé le message de paix aux officiers, sous officiers et aux soldats de rang. J'ai donné des conseils à ces jeunes frères en leur disant qu'ils avaient un rôle à jouer vis-à-vis des populations pour sortir de la crise. Je leur ai conseillé d'agir aujourd'hui en pensant à demain. Lorsqu'ils rencontreront un frère ou une soeur, ils doivent pouvoir lever la tête par ce qu'ils n'ont pas honte de ce qu'ils ont posé comme acte dans un passé récent. J'ai retiré la plainte que j'avais fait déposer à la brigade de gendarmerie vis-à vis des militaires qui ont cassé des chaises dans ma résidence.





Que reproche-t-on aux militaires?

Je ne saurais vous répondre puisque je n'ai pas rencontré les populations.





Entretien réalisé par Jean Roche Kouamé

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