mercredi 22 août 2007 par Nord-Sud

A Abidjan, les espaces de jeux se multiplient. La pratique abusive des jeux ainsi que la fréquentation de ces espaces coûtent parfois cher aux adolescents.


A Abobo, il est rare de parcourir 500 mètres sans apercevoir une cabine de jeux vidéo. Les propriétaires n'ont pas besoin de grands moyens. Quelques planches usées, un peu de plastique et la cabine est construite. Avec un peu de peinture ou un marqueur on griffonne ?'Playstation 2'' sur la façade. Le message est quelquefois accompagné d'images telles que la photo d'une célébrité du football, du basket ou du cinéma. Ces micro-salles de jeux sont prises d'assaut par beaucoup d'élèves en cette période de vacances. Ce mercredi, nous sommes dans une cabine de jeux vidéo d'environ 20 mètres carrés. Le local compte deux écrans téléviseurs sur lesquels sont branchés des consoles vidéo. Devant l'un des écrans, sont attroupés des adolescents dont l'âge varie entre 10 et 18 ans. Ils font un pari qui consiste à déposer sur la table une somme d'argent dont le montant est fixé selon la capacité financière des joueurs. Chacun choisit l'une des équipes de football représentée. Ces équipes s'affrontent dans un championnat. Celui dont l'équipe réalise le plus gros score gagne la mise. A côté de cela, les joueurs peuvent faire des paris supplémentaires sur le buteur ou d'autres aspects du jeu. Au bout d'une vingtaine de minutes, une altercation survient au sein du groupe. L'un des parieurs refuse de reconnaître sa défaite. Les autres n'entendent pas les choses de cette oreille. Alors l'altercation tourne à une bagarre qui se poursuit hors de la cabine où l'un des bagarreurs assène un violent coup de tête à son adversaire. Celui-ci tombe inerte. Les autres prennent peur et se sauvent. Pendant l'échauffourée, l'une des télés de la cabine s'est brisée. Après quelques minutes, le jeune homme au sol se lève, la face ensanglantée. Sa mère qui habite non loin de là, arrive et se met à le sermonner : Je t'ai maintes fois dit de ne pas fréquenter ces lieux de voyous. Regarde ce qui t'es arrivé, tu as failli te faire tuer. Au petit marché d'Abobo, situé non loin de la cité universitaire d'Abobo 1, se trouve une industrie de jeux vidéo qui évolue dans l'informel. Dans ce lieu, une vingtaine de gérants amassés sous des hangars dans un petit périmètre, luttent pour attirer le maximum de clients. Vieux père, viens t'asseoir, il y a le tout dernier Winning. Tu joues 10 matches tu as 5 matches gratuits, lancent-ils.





Un garçon a failli perdre la vie pour une partie de jeu





A l'intérieur, l'ambiance est chaude : commentaires de matches de football, bruits abasourdissants des jeux d'actions et de courses d'automobiles Des enfants de moins de 6 ans traînent sur les bancs. S'ils ne tiennent pas les mannettes en main, ils assistent les joueurs, la passion du jeu dans les yeux. Là, nous faisons la connaissance d'un joueur assez particulier du nom de Narcisse, appelé dans le coin tout petit. Il a 14 ans et est élève en classe de 5ème. Depuis la classe de CE2, Narcisse s'adonne aux jeux vidéo. Son père lui avait acheté une console. Mais, ce geste censé l'encourager dans ses études va changer la vie du garçon. Narcisse va devenir un accro de la console vidéo, qu'il en avant au détriment de ses études. Pour cela, le garçon reprend la classe de CMI et l'entrée en 6ème. Mécontent son père a revendu la console. Mais le garçon continue de jouer en cachette. Il fréquente les espaces de jeu. Pire, Narcisse ne va plus régulièrement en classe, retenu par la fougue du jeu. Il lui arrive de passer toute la journée dans ce lieu qui se trouve sur le chemin de son école, le lycée moderne d'Abobo. Je suis le roi du jeu à Abobo, je ne sais pas qui peut me battre, en football, en rallye et en Xtrème, se vante-t-il. Esclave de cette passion qui le ruine à petit feu, le garçon avoue : le jeu est difficile à arrêter. En plus de pratiquer l'école buissonnière, Narcisse n'arrive plus à faire des économies, tout son argent est dépensé dans des parties de jeu. A l'image de Narcisse, nombreux sont les élèves qui délaissent leurs études pour la passion de la console vidéo. Même en classe de terminale, Médy G., ne parvint pas à oublier les jeux video, qu'il a connus depuis le primaire, avec Familly game, et Nintendo, bien avant l'arrivée sur le marché ivoirien de la Playstation et de l'XBox. Son école Offoumo Yapo, à Yopougon est située non loin d'une cabine de jeu. Les jours de cours, il joue le plus souvent à 10 h, entre deux heures de cours, et quelques fois pendant les heures creuses. Très discret sur la question des jeux, Médy G., estime que cette activité lui permet de se destresser. Le gérant qui le connaît, nous indique que le garçon adore les paris. Il estime qu'il est le plus fort du quartier. Chaque fois qu'il y a un nouveau joueur qui arrive dans le quartier, Médy G. cherche un face-à-face devant la console, pour montrer qu'il est le roi du jeu. Souvent, quand il est ruiné il met en gage ses vêtements, révèle-t-il. Sa mère est vendeuse non loin de là, Il arrive qu'elle vienne le chercher devant l'écran, mécontente. Elle lui crie dessus jusqu'à la maison, indique un autre joueur qui le connaît. Medy G. a déjà repris la classe de Tle deux fois, à cause des jeux.





Ils préfèrent le jeu à la classe





Beaucoup de parents d'enfants n'ont pas connu les jeux vidéo dans leur enfance ou leur adolescence. Ils sont donc méfiants. La plupart de ceux que nous avons approchés sur la question trouvent que le jeu n'a rien d'instructif pour leurs enfants. Pour eux, c'est plutôt un passe temps qui envahit l'enfant et l'empêche de se consacrer à la lecture ou d'autres loisirs plus utiles. Certains évoquent la violence que suscite certains types de jeu (Mortal combat, 2 fast 2 furious, Scarface ou 24 h chrono etc.) chez les enfants. Une ménagère que nous avons approchée témoigne : Depuis que mon fils a commencé à fréquenter les espaces de jeux, il a toujours besoin d'argent. J'ai remarqué qu'il me vole de l'argent très souvent. Ce qui n'était pas dans ces habitudes . Pour M. Yapo qui fréquentait les espaces de jeux, la plupart des personnes qu'on y trouve sont des voyous. Est-ce le jeu qui les rend ainsi, où tout simplement ils s'y trouvent un monde pour s'exprimer ? il l'ignore. Il s'y est déjà fait voler son téléphone portable. Il a été plusieurs fois témoin de bagarres entre joueurs. Il faut une loi interdisant certains jeux dans les espaces publics. Si possible les parties de jeux basées sur les paris également, propose-t-il. Aux Etats-unis, des mesures ont été mises en place dès 1994 et dès 1999 en France pour conseiller un âge minimum aux joueurs comme cela se fait pour les films, les séries ou les documentaires télévisés. Cette information est indiquée sur la boîte du jeu. En Côte d'Ivoire où la population n'a pas les moyens pour s'offrir une console de jeu à la maison, la cible pour les autorités doit être les espaces de jeux, où se cultivent tous les vices liés au jeu.





Raphaël Tanoh (Stagiaire)

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