mercredi 22 août 2007 par Fraternité Matin

Créé depuis septembre 2006, l'observatoire national des Droits de l'Homme ambitionne de donner un véritable sens à la société civile.
Dr. Kamagaté, pourquoi encore un observatoire des droits de l'homme alors qu'il y a déjà plusieurs structures qui débattent de la même chose?
Ce n'est pas de trop, un observatoire national des droits de l'homme. Je pense que pour la promotion et la défense des droits humains et de la démocratie, il faut donner véritablement, un fonds à la société civile en Côte d'Ivoire et en Afrique. C'est pourquoi nous nous sommes réunis en Assemblée générale constitutive pour mettre en place cet observatoire. Et nous comptons contribuer pleinement à la démocratie, à la promotion et à la défense des droits humains en Côte d'Ivoire et aussi partout en Afrique. Quels sont les objectifs de votre organisation?
L'observatoire national des droits de l'homme a été créé pour donner un véritable sens à la société civile. Elle regroupe des ONG et des associations de la société civile. L'ONADH a pour but de promouvoir la démocratie, le respect des droits de l'Homme et des libertés, la gouvernance et la transparence des élections, l'assistance aux élections, des actions humanitaires. Il s'appuie sur la Déclaration universelle des Droits de l'homme et sur d'autres instruments de promotion de ces droits. Les ressources humaines dont nous disposons sont qualifiées pour promouvoir toutes idées.
Vous avez dit dans une de vos déclarations qu'en Côte d'Ivoire, il y a un déficit démocratique. Qu'entendez-vous par là?
Vous conviendrez avec moi qu'un pays qui se dit modèle dans le monde ne peut pas demeurer sans élection. Avec la crise qui est intervenue en Côte d'Ivoire depuis 2002 jusqu'aujourd'hui, il n'y a pas d'élection en Côte d'Ivoire. Et nous réclamons vivement des élections en Côte d'Ivoire. On ne peut pas être démocrate et refuser de paraître comme tel, d'avoir des devoirs vis-à-vis de la démocratie. Le pays ne peut pas rester sans élection, il faut absolument des élections. Seules les élections pourront donner la légitimité à la Côte d'Ivoire et l'inscrire dans le concert des nations et des modèles de démocratie dans le monde. L'objectif d'un parti politique, c'est la conquête du Pouvoir, et le pouvoir s'acquiert à travers les élections. S'il n'y a pas d'élection, je pense qu'il y a un vide qui existe et cela éloigne le pays des modèles d'Etats démocratiques. C'est pourquoi je dis qu'il y a un déficit de démocratie en Côte d'Ivoire. Selon vous, y a-t-il des signes qui montrent que les élections ne sont pas possibles en Côte d'Ivoire pour que vous la réclamiez tant?
Non, avec déjà l'Accord de Ouaga, je pense que s'il y a de la bonne foi, tout le monde est mobilisé par rapport à ces élections. Nous constatons qu'il y a déjà de grands pas qui ont été faits, et avec ces avancées, nous arriverons nécessairement à ces élections. Dans une autre déclaration, vous dites que l'Accord de Ouaga doit s'accaparer le respect des droits de l'homme comme son but et comme son objet. Quelles sont, selon vous, les insuffisances que vous décelez dans l'Accord de Ouaga pour lancer un tel appel?
Nous savons que l'accord de Ouaga a réuni les deux parties en conflit. Nous pensons que cet accord doit s'accaparer les droits de l'homme comme son but et comme son objet parce que nous pensions que cet accord allait donner pleinement la chance à la société civile de s'exprimer. Nous avons même fait des propositions, pour dire qu'il faut que le gouvernement soit composé de 60% des forces de la société civile et de 40% des partis politiques. Mais cela n'a pas été fait, même s'il y a un ministère des Droits de l'homme qui existe. Je pense qu'il faut donner la chance à la société civile, parce que nous notons avec regret, l'échec des partis politiques à ?uvrer pour la paix en Côte d'Ivoire. L'essentiel de cet accord doit être basé sur le respect et la promotion des droits de l'homme, sur la démocratie et la promotion de la démocratie. C'est dire que vous décelez des insuffisances dans l'Accord de Ouagadougou.
Oui, nous notons des insuffisances. C'est une ?uvre humaine et donc elle a des limites. Donc, il faut la mobilisation de tout le monde autour de cet accord pour le compléter dans ses limites et avantages, afin que nous puissions aboutir rapidement à des élections crédibles en Côte d'Ivoire. Vous annoncez aussi une tournée prochainement dans certaines capitales africaines. A quoi répond cette tournée?
Aujourd'hui, avec la mondialisation, je pense qu'il faut être ouvert à d'autres cultures. La crise ivoirienne par exemple est restée entre les acteurs Ivoiriens. Mais lorsqu'on en parle hors du pays, c'est avec beaucoup de regret que vous vous présentez comme ivoirien. Dans le cadre de cette tournée, nous pensons qu'il faut créer un cadre de concertation et d'échanges avec d'autres organisations de la société civile africaine, afin d'harmoniser les points de vue. Notamment sur des questions de démocratie, de droits de l'homme, sur la gouvernance, la transparence et l'assistance aux élections. Ainsi, la première étape de notre tournée nous conduira au Mali, au Burkina et au Sénégal où nous rencontrerons la RADHO avec une organisation s?ur. Afin de créer un cadre de concertation.


Vous parlez de droits de l'homme, vous êtes un observateur avisé de la vie politique en Côte d'Ivoire. Alors que pensez-vous du Président Laurent Gbagbo, de Guillaume Soro, du
juge Zoro Bi Ballo qui fait parler de lui ces temps-ci et de la présence de l'ONUCI en Côte d'Ivoire?
Vous savez, il est souvent difficile de parler de certaines personnes de loin. Mais lorsqu'on observe leurs actions, on peut se permettre ce prestige. Le Président Laurent Gbagbo, je le dis très nettement, est un grand homme d'Etat. Il est actuellement le meneur de jeu de la scène politique ivoirienne. Et quoi qu'on dise, le Président Laurent Gbagbo ne s'est pas départi du peuple ivoirien. Il est aujourd'hui le rescapé du déluge des politiciens ivoiriens. Il a su gérer cette crise profonde qui a affecté la Côte d'Ivoire. Il a géré cette crise avec art, avec application. Vous êtes d'accord avec moi qu'on peut tout lui reprocher sauf son courage et son intelligence. Je vous fais une confidence, il y a un pasteur qui disait que tous les grands hommes de paix sont des gens ambigus. Donc à certains moments, on peut comprendre ses actions Mais, je pense qu'il doit axer davantage ses actions sur la jeunesse et faire en même temps, attention à tous ceux qui sont des produits de la transhumance politique. C'est un frein à la démocratie en Afrique, parce que cela accroît toujours les frustrations de sa famille d'origine. Il faut donc veiller à cela. Et je souhaite que est le Président Laurent Gbagbo qui un démocrate s'engage pleinement pour que nous puissions aboutir aux élections en Côte d'Ivoire. Concernant l'opposition ivoirienne, je dirais plutôt que c'est une opposition moribonde, qui se plaît dans le conservatisme, c'est-à-dire qu'elle n'a pas la culture de l'opposition. Elle garde toujours le réflexe et le souvenir du parti unique. Elle est à la base de la non tenue des élections en Côte d'Ivoire, peut-être par peur de perdre les élections. Mais la marche de la Côte d'Ivoire ne va pas s'arrêter parce qu'on a perdu une élection ou parce qu'on va perdre une élection.

Que doit-elle faire?

L'opposition doit créer une dynamique interne à la Côte d'Ivoire, par des moyens légaux. Donc, c'est une opposition qui n'a pas su donner à la Côte d'Ivoire, une alternative crédible, si bien qu'aujourd'hui, elle est vouée aux gémonies. Cela traduit l'échec et la démission totale des partis politiques de l'opposition en Côte d'Ivoire. Sincèrement nous réclamons qu'on donne la chance à la société civile, afin que celle-ci puisse contribuer de façon effective à l'amélioration des conditions de vie des populations ivoiriennes. Concernant le Premier ministre Soro Guillaume, je dirai que rien ne justifiait la prise d'armes contre la Côte d'Ivoire. Je le dis honnêtement et je suis sûr que beaucoup d'observateurs, beaucoup d'Ivoiriens le pensent également. Il y a eu à mon sens un recul de la démocratie. Il y a eu la crise, accompagnée de méfiance, des barrières psychologiques entre Ivoiriens. Aujourd'hui nous sommes parvenus à l'Accord de Ouagadougou. Pour l'instant, on peut affirmer qu'il y a une harmonie au niveau de l'exécutif, une parfaite symbiose au niveau du fonctionnement des institutions. Il faut que le Premier ministre poursuive sur cette voie, de sorte qu'il n'y ait pas de faille dans l'application de l'Accord de Ouagadougou. Quant au juge Zoro Bi, j'ai lu l'une de ses interventions dans la presse où il a dit qu'il a une place à occuper. C'est son droit constitutionnel et civique de militer au sein d'un parti politique. Mais en même temps je dis que lorsqu'on sort du cercle des partis politiques, il faut donner la chance à la société civile. Le juge Zoro Bi est un symbole dans la conscience collective de la société civile ivoirienne. Il a bravé un régime en délivrant le certificat de nationalité à Alassane Dramane Ouattara, ce qui était un acte symbolique. Je souhaite qu'il reste sur cette option pour promouvoir les idéaux de démocratie, de citoyenneté en Côte d'Ivoire. Mais de là à faire de la politique, je pense qu'il aurait dû s'en passer, car il y a beaucoup d'embûches sur ce terrain. La politique peut éteindre en lui cet idéal qu'il poursuivait depuis longtemps. Qu'il se méfie de la politique. L'Afrique a échoué sur tous les plans, même en politique. Qu'il accepte donc de rester dans la société civile.

Interview réalisée par
Michel Koffi
et Marc Yevou

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023