mardi 21 août 2007 par Nord-Sud

L'armée de développement a disparu des casernes. La grande muette est sortie de son lit et s'est effondrée comme un château de cartes. Elle a fait place à une armée de métier sans grande envergure. Retour sur le modèle Houphouët.

Les armées africaines, naguère béquilles qui permettaient aux pouvoirs politiques de s'enraciner, ont besoin aujourd'hui de réformes. En Côte d'Ivoire le temps est venu de se bâtir, comme ce fut le cas hier, une armée de développement. En cela, les derniers soubresauts dans les casernes ivoiriennes, au-delà de leur dimension politicienne, peuvent être perçus comme un cri de c?ur de la grande muette qui veut, désormais, être associée à la gestion du pays. De son temps, le premier président du pays Félix Houphouet-Boigny avait longtemps ignoré cet état de fait avant de revenir à une gestion plus sociale et moderne de l'armée.

Les différents états d'âme du pouvoir kaki observés durant la décennie 1970, tenaient à une revendication : une plus grande implication dans la conduite du pays au nom d'une certaine compétence de gestion. Les officiers supérieurs formés dans les écoles les plus prestigieuses d'Europe constituaient l'un des viviers de cadres les mieux formés de la société ivoirienne. En 1973, 1975 et 1977, des commandants ou des colonels (médecins, ingénieurs, économistes, avocats) ont revendiqué, au nom de l'armée, un droit d'initiative et de regard dans la gestion publique. Malgré les coups de force de Bony en 1973, la rébellion de Sio et Kouamé en 1975 et Martin Yaenlin en 1977, le mouvement d'humeur des militaires a été porté par des officiers sortis majors de leur promotion. Ces évènements ainsi que les bruits de bottes de la fin des années 80, n'ont jamais constitué de menaces pour la survie des institutions républicaines. Les militaires n'ont réellement jamais tenté de renverser le Vieux. L'ancien chef d'Etat avait réussi une alchimie entre la société civile et la société militaire. Houphouët-Boigny avait doté l'armée de soldes et conditions matérielles acceptables. Il tenait l'armée loin du pouvoir politique, impulsait une dynamique d'actions même si la conjecture économique est venue lui rappeler les limites de sa politique.

L'existence du génie militaire répondait à ce besoin d'inscrire l'armée dans une dimension sociale et économique. L'armée et ses officiers ont vocation à participer à l'administration de la Nation et à assumer des postes civils de responsabilité, affirmait-il. L'armée était dans les champs, sur les routes, dans les bureaux. Elle a fait sa part dans la construction du miracle ivoirien.

En effet, par calcul politique, le personnel militaire a été redéployé dans l'administration. A partir du milieu des années 70, près de la moitié du corps préfectoral (le colonel Emile Constant Bombet est un bel exemple) et un tiers des responsables des douanes ont été recrutés parmi des militaires de haut rang. Plusieurs officiers supérieurs ont été bombardés hauts fonctionnaires et même cadres dirigeants, dans des sociétés d'État, comme Air Ivoire ou Palmindustrie.

Avec l'arrivée d'Alassane Ouattara à la primature au début des années 90, ce mouvement vers la gestion publique connaîtra un coup d'arrêt. Les technocrates et les spécialistes des finances publiques privilégiés dans la gouvernance d'ADO obligent les militaires à rejoindre les casernes. L'administration préfectorale retourne aux civils.

Certains des officiers de rang intermédiaire retrouvent les lambris dorés du corps diplomatique (le général Doué Mathias, le capitaine de corvette Djikalou Saint-Cyr), notamment comme attachés militaires dans des ambassades secondaires. Mais la troupe a été oubliée au profit des carrières d'officiers, gardiens malgré eux des différents régimes qui se sont succédé à la mort d'Houphouët-Boigny le 7 décembre 1993.

Aujourd'hui, tout cet échafaudage s'est effondré avec la dégradation des conditions de vie et de travail des militaires. L'entrée en politique de la hiérarchie et d'une partie de la troupe minée par le tribalisme et le clanisme, avec l'ère du multipartisme et les multiples tensions (politiques), ont eu raison de la fragile cohésion de l'armée. Le Centre de commandement intégré et le service civique issus de l'accord de Ouagadougou s'offrent comme une chance pour restructurer une armée véritablement républicaine, actrice du développement économique et social.









Assoumane Bamba

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