mardi 21 août 2007 par Nord-Sud

Le phénomène du réchauffement climatique constitue une sérieuse menace pour l'agriculture ivoirienne en ce sens qu'il peut entraîner une baisse de la production. Les chercheurs nationaux sont préoccupés et proposent de nouvelles stratégies afin d'éviter une situation catastrophique pour l'économie nationale à une vocation agricole.


Le scénario catastrophe est encore loin. Mais, les craintes sont légitimes. La tendance globale actuelle de la terre est au réchauffement avec une température moyenne qui s'est accrue d'environ 0,5°c. Un accroissement jamais observé sur une échelle de temps aussi courte depuis dix décennies. Or cette montée graduelle de la température est également ressentie en Côte d'Ivoire. Selon Djè Kouakou Bernard, ingénieur météo à la Société d'exploitation et de développement aéroportuaire, aéronautique et météorologique (Sodexam), la situation reste extrêmement préoccupante. L'exemple de la ville d'Abidjan confirme cette hausse du niveau du thermomètre. Il est passé de 0,8°c en 1998 à 0,9°c en 1999, avant d'atteindre 1,1°c en 2000. Cette même tendance a été observée dans plusieurs villes du pays notamment à Gagnoa, Bouaké, Odienné Alors que plus on assiste à l'évolution du réchauffement plus les pluviométries décroissent. Du coup, la Côte d'Ivoire qui possède une agriculture de type pluvial se trouve en danger.





Vers l'assèchement des sols





Selon les experts, la variabilité climatique liée aux fluctuations des régimes pluviométriques contribue à l'appauvrissement du monde rural, à la dégradation de l'environnement et fait peser de graves menaces sur la sécurité alimentaire. Si on n'adapte pas notre agriculture à ce nouveau contexte, notre production agricole va connaître une forte baisse à cause du manque d'eau. Ce sera dramatique pour notre économie qui a une vocation agricole, s'alarme le chercheur. Ainsi, du fait de l'assèchement des sols, les cultures vivrières (le riz) n'atteindront pas, à terme, leur maturité. Une grande partie de ces cultures va perdre sa sensibilité de germination. La fécondation sera également incomplète chez les céréales à cause de la sécheresse. Les cultures pérennes telles que l'hévéa, le café et le cacao (l'une des principales sources de devises de la Côte d'Ivoire) ne vont pas échapper à la vague de maladies que ces changements climatiques comportent. L'ingénieur estime que si notre pays est premier producteur mondial de cacao, c'est parce que cette performance découle des précieux résultats de la recherche agronomique mais aussi et surtout des conditions écologiques qui sont plus ou moins favorables dans la moitié Sud du pays. A cet égard l'ingénieur dénonce certaines actions de l'homme sur le système écologique dont l'industrialisation, la déforestation, les feux de brousse. Ces actions anthropiques impactent fortement le climat. De plus, l'incidence de certains phénomènes climatiques Enso (El Niño ou oscillation australe) ont également un impact sur la pluviométrie. Pendant les épisodes 1972-1973 et 1982-1983, considérés comme les plus catastrophiques, les déficits pluviométriques ont atteint les 40% dans les zones Sud et Centre de la Côte d'Ivoire. A telle enseigne que l'on a assisté à une véritable compression des saisons culturales qui commencent tardivement et finissent précocement. Ce qui affecte dangereusement le rendement. Au cours des épisodes El Niño, la plus forte baisse de la production de cacao a été enregistrée à Bondoukou dont le rendement a chuté de 63%. Toutes les zones de production ont été touchées par cette chute de la récolte, déplore Djè Kouakou Bernard. D'ailleurs, selon une étude du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution de climat (Giec), 75 à 250 millions d'habitants du continent africain seront victimes de stress hydrique lié aux changements climatiques, en 2020.





La stratégie des scientifiques ivoiriens





A cette échéance, des baisses de rendement d'au moins 50% seront également enregistrées dans certains pays d'Afrique. Sachant qu'environ 70% de la population du continent vit essentiellement de l'agriculture qui est à 95% de type pluvial. Pour le Dr Kouamé Brou, chercheur au Centre national de recherche agronomique (Cnra), les besoins en eau des cultures sont de moins en moins insatisfaits en Côte d'Ivoire. De sorte que les paysans ne peuvent plus cultiver sur les plateaux. A l'en croire, tous ces décalages désorientent les producteurs et leur créent d'énormes difficultés. Le Programme des nations unies pour le développement (Pnud) note également sa préoccupation face au phénomène des changements climatiques.

Parce qu'outre la sécheresse et la désertification, ils sont la conséquence des inondations, des tempêtes, la réduction de la couverture neigeuse, la fonte des glaciers avec pour corollaire l'élévation du niveau de la mer, voire la disparition de 15 à 37% d'espèces animales et végétales. Des études ont montré qu'une élévation de 1 mètre du niveau de la mer en Côte d'Ivoire, va entraîner l'inondation de 1.800 kilomètres carrés. Ce qui signifie, au dire des scientifiques, que les ports d'Abidjan et de San-Pédro et l'Aéroport international Houphouët-Boigny peuvent disparaître si un tel cas survenait. Le directeur pays du Pnud en Côte d'Ivoire, André Carvalho, précise que si rien n'est fait, les perturbations de l'environnement de production agricole précariseront davantage les conditions de vie des masses paysannes. Avant d'ajouter qu'il faut analyser en profondeur ces questions en vue de développer des politiques de prévention afin d'éviter des situations catastrophiques. Les Nations unies se sont donc dotées des législations contraignantes, notamment la Convention-cadre sur les changements climatiques et le Protocole de Kyoto, pour réduire les émissions de 5% des gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990. D'autant que ces émissions favorisent le réchauffement climatique. C'est justement, dans ce sens, que les chercheurs nationaux préconisent d'importantes stratégies. Selon eux, il faut redéfinir les calendriers culturaux, créer des variétés à cycle court en utilisant de nouvelles techniques culturales, préserver le patrimoine forestier, faire la promotion des cultures pérennes et encourager la gestion et la maîtrise de l'eau (par la mise en place des retenues d'eau). Le climat, affirment-ils, est une ressource pour laquelle les paysans et tous les acteurs doivent être sensibilisés afin qu'ils puissent adapter leurs comportements.





Cissé Cheick Ely

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