vendredi 10 août 2007 par Nord-Sud

On l'a vu rarement hausser le ton, critiquer avec des mots verts. Cette fois-ci, il s'y met. Le Professeur Francis Vangah Wodié, célèbre constitutionnaliste, décortique la politique ivoirienne sans fard. Flamme de la paix, attentat contre le Premier ministre, débauchage de militants, élections de 2008, le président du Parti ivoirien des travailleurs (Pit) crache ses vérités. Interview.


?Récemment s'est tenue à Bouaké la flamme de la paix qui a enregistré la participation des ex-belligérants. Le président du Pit, semble- t-il, n'y était pas. Qu'est-ce qu'a pu expliquer cette absence ?

J'y étais. J'étais à Bouaké avec une forte délégation du Pit. Il était important que nous soyons présents parce que nous avons toujours été de fermes partisans de la paix. Tout ce qui concourt à la paix fût-il symbolique, rencontre toujours l'adhésion du Pit. Nous étions dans la tribune marginale des partis politiques. Nous étions quatre formations. Il y avait moi-même, Djédjé Mady du Pdci, Henriette Dagri Diabaté du Rdr et Anaky Kobena du Mfa, isolés dans un coin sans que la télévision ait daigné nous présenter. De sorte que les journalistes ne savaient pas que nous étions présents. Nous avons décidé au niveau de la direction d'être présent, invité ou pas.





?Avez-vous été invité officiellement à la célébration de la paix ?

La veille, nous avons reçu une lettre d'invitation du Premier ministre qui nous conviait à cette rencontre en tant que signataire de l'accord de Marcoussis. Nous nous attendions à une situation un peu particulière mais nous avons été isolés. L'important, c'est que la cérémonie ait lieu. Au plan des symboles, c'est un signe assez fort. On s'en réjouit.





?Au plan des symboles aussi, les grosses têtes de l'opposition Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié n'étaient pas à cette rencontre. Comment avez-vous ressenti cette absence, vous qui avez toujours prôné la concertation ?

Nous avons toujours été opposé à la politique de la chasse vide. Il faut toujours être présent pour faire valoir son point de vue. C'est la raison pour laquelle, nous regrettons de n'avoir pas été convié aux négociations des accords de Ouagadougou. C'est la raison pour laquelle, nous continuons à préconiser la concertation nationale, le dialogue national. L'absence des grands leaders locaux Bédié et Alassane montre qu'il y a problème au moins pour eux. Cela veut dire qu'ils expriment quelque chose, une position. Il faut savoir écouter, comprendre et gérer. De sorte que le dialogue s'avère aujourd'hui indispensable pour que chacun vienne s'exprimer, exposer son point de vue, ses rancoeurs, se libérer et libérer le pays. Pour éviter que nous allions à ces élections avec des rancoeurs accumulées, des frustrations qui vont ternir les élections, en compromettre les résultats.





?Malgré les déclarations de soutien à l'accord politique de Ouagadougou, pensez-vous que ces leaders ne sont-ils pas en phase avec la construction de la paix en cours?

D'abord ce sont deux personnalités qui sont membres du Cadre permanent de concertation. C'est le signe qu'ils adhèrent à l'accord politique de Ouagadougou. Mais pour la cérémonie de la flamme de la paix, qu'ils aient été absents n'est pas sans signification. Qu'est-ce que cela signifie ? Ce sont eux qu'il faut interroger. Il faut qu'ils disent pourquoi il ne sont pas venus et qu'est-ce qu'ils attendaient. Qu'est-ce qu'ils attendent ? Quelle que soit la situation, cela traduit un mécontentement, une insatisfaction. De quel ordre ? On ne sait pas. Il faut se parler, non pas à deux ou à trois mais ensemble, de là encore se vérifie l'impératif de dialogue national. La paix est un phénomène global qui concerne tous les Ivoiriens, et même au-delà. Vous avez vu la présence de tous les chefs d'Etat africains venus nous soutenir, célébrer la paix symboliquement avec nous. Une fois que le symbole a été marqué, il ne faut pas s'hypnotiser ou se laisser endormir, comme beaucoup de personnes le crient, déjà, la Côte d'Ivoire est réunifiée ! La paix est quelque chose de concret. Elle se vit quotidiennement. Et au-delà du symbole, il faut penser à s'attaquer aux vrais problèmes qui demeurent. Des problèmes qui sont autant d'obstacles sur le chemin de la normalisation de la situation, autant d'obstacles à une bonne organisation des élections.





?Pensez-vous que les déclarations du chef de l'Etat (la guerre est finie) et du Premier ministre (Bouaké, capitale de la paix) sont juste des symboles ?

Ce sont des symboles justes aussi longtemps qu'on reste dans les symboles. Maintenant, il faut que cela se traduise dans les comportements, par les pratiques et non par le discours du moment ; cela par le discours de chaque jour. Il ne faut pas faire de procès d'intention. Il faut rester ouvert pour voir venir les actes, pour voir se réaliser les actes qui vont dans le sens de la paix. Nous, au Pit, nous sommes prêts à apporter notre contribution à la paix. C'est pour cette raison que nous sommes allés à Bouaké, comme la manifestation de notre bonne volonté ; de la bonne volonté, nous devons tous passer à la volonté politique.





?Parlant d'actes, vous avez proposé que les élections se tiennent en octobre 2008. L'opposition, le Rhdp, soutient que conformément à l'accord de Ouagadougou, elles doivent avoir lieu en mars 2008. Le chef de l'Etat lui soutient que les élections sont possibles en décembre 2007. Le Premier ministre lui refuse le fétichisme des dates. Quelle est votre analyse de la situation ?

Nous sommes soucieux de la paix qui repose un peu sur la bonne organisation des élections. Ce qui suppose réglés tous les problèmes pendants qui conditionnent la bonne préparation des élections. Il y a eu un temps d'attente Tout le monde attendait la flamme de paix qui a jailli. Aujourd'hui, on a vu la flamme, il faut qu'elle puisse éclairer le chemin. Le chemin ne sera éclairé que si on déblaie tous les obstacles, toutes les embûches qui bloquent le chemin ou qui y sont dressés par les ennemis de la paix.





?Lesquelles ?

Il y a le problème du désarmement et du démantèlement des milices. Il ne doit pas rester symbolique, il doit être réel. Que les milices et les armées acceptent l'idée sincèrement et s'y soumettent réellement, et qu'elles ne donnent pas une arme pour en cacher deux. Il y a le redéploiement de l'administration. Il y a surtout les audiences foraines, le recensement général et le recensement électoral. Ce sont les axes indispensables à une bonne organisation des élections. Les élections conditionnent la normalisation de la situation. Notre formule est celle-ci : les élections ont constitué la porte d'entrée dans la crise, parce que mal organisées, mal orientées, parce que truquées, parce que manipulées. Mais les élections peuvent être la porte de sortie de la crise, à condition qu'elles ne se préparent pas de façon calamiteuse , qu'elles ne s'organisent pas dans les conditions de celles de 2000. Il faut des élections justes et transparentes où on ne cherche pas à tricher, où on permet au peuple ivoirien de s'exprimer librement et en toute sécurité. Sinon, nous risquons d'aller au-devant de difficultés plus graves. D'où la nécessité de se parler. Parce que chacun a sa solution, sa manière de penser. Si on reste enfermé chez soi, sur soi, on ne trouvera pas de solution générale acceptable pour l'ensemble.





?Le climat politique est-il favorable à des élections irréprochables ?

Avant d'aller à ces élections, remarquez ce que l'on constate : l'attaque de l'avion du Premier ministre ; le banditisme de grand chemin se transforme en banditisme politique contre certains organes de presse. Cela démontre le climat d'insécurité et d'hostilité du moment. Il faut exorciser le mal avant d'aller aux élections. Si ces problèmes ne sont pas réglés, c'est la mascarade, une forme de mystification. Pour régler tous ces problèmes, il ne suffira pas de deux mois, de trois mois. Nous n'avons pas encore attaqué ces problèmes. Nous pensons qu'il faut se donner du temps sans utiliser la formule du Premier ministre (pas de fétichisme de temps, mais le temps compte) pour pouvoir régler ces problèmes avant d'aller aux élections.

Nous avons proposé le mois d'octobre 2008 au plus tard. Si par bonheur, nous parvenons à régler ces problèmes en cinq ou dix mois, nous irons aux élections quand les conditions seront réunies, avec la volonté de réunir ces conditions au plus tôt.





?N'existe-t-il pas de menaces réelles sur le processus de paix surtout avec l'attentat contre le Premier ministre, attentat qui a retardé le déroulement du processus électoral ?

C'est un crime contre la paix. Nous pensons qu'il faut absolument des enquêtes pour faire la lumière sur cet acte de manière à nous situer sur les circonstances, sur les mobiles, sur les objectifs, les commanditaires, sur les complicités à la fois au plan interne et international. Pour que nul ne bénéficie de l'impunité. Pour qu'on ne détourne pas l'enquête et pour qu'on ne la boucle pas pour protéger tel groupe ou tel individu. Il faut que la vérité se manifeste. C'est notre intérêt à nous tous, à commencer par le Premier ministre lui-même qui a un intérêt personnel, mais il y a surtout un intérêt national, celui de la paix pour tous. Il faut que la vérité soit sue et non tue, que les conclusions soient publiées cette fois-ci.





?Les enquêtes nationale et internationale sur l'attentat de Guillaume Soro ne risquent ?elles pas de s'entre-choquer négativement ?

Les deux commissions d'enquête ont pour ambition de révéler la vérité et de la faire connaître. Bien sûr, il est normal qu'il y ait une enquête nationale sur cet évènement de cette nature. Mais dans ce climat de méfiance, j'appuie la mise en place de la commission d'enquête internationale. Il est bon qu'il y ait deux regards. La vérité, elle, est toujours une. Logiquement si les deux commissions vont dans le sens de la vérité, c'est le même rapport qui sera produit. Parce qu'il n' y a pas deux vérités ; donc tout risque de contradiction se trouve exclu. Si par extraordinaire, ces deux commissions devaient aboutir à des conclusions différentes et à des contradictions, cela indiquerait qu'il y a problème. Cela va créer l'obligation d'approfondir ou de clarifier les points de désaccords pour pouvoir restituer la vérité que l'une des commissions ou même les deux auront voulu voiler ou dévoyer.





?Faut-il s'attendre dans ce cas à une nouvelle crise ?

Pas une nouvelle crise. Mais ce sera l'occasion de faire éclater la vérité, de révéler ceux qui font obstacle à la manifestation de la vérité.





?Vous parliez plus haut de criminalité politique, la résidence de Me Ahoussou Jeannot, un proche de Bédié a été attaquée, les attaques contre des personnalités vous inquiètent-elles autant ? Vous pensez qu'elles sont liées à un contexte général dirigé contre l'opposition ?

Ce ne sont pas des actes innocents. Ce sont des actes orientés. Qui envoie ces voyous ? On veut nous intimider. Ce sont des actes qui vont avoir des conséquences sur le rythme de progression vers la normalisation. Et ceux qui le font ne sont pas des inconscients. Ils le font pour intimider, mais également pour ralentir le processus. Il ne faut pas dramatiser bien sûr. Ce sont des signes qu'il faut prendre en considération pour savoir comment orienter les choses pour que nous parvenions au but, en toute sécurité et confiance.





?Pensez-vous que cette criminalité pourrait s'étendre vu les derniers développements de l'actualité politique orientée, marquée par la transhumance politique ?

Ce sont deux problèmes à détacher. La criminalité est à condamner, mais il faut également prendre des dispositions pour la prévenir. Il faut souhaiter qu'elle ne s'étende pas. Cela signifie qu'on prend des mesures pour faire obstacle à de tels actes puis découvrir les coupables et les punir sévèrement. La paix repose sur la tranquillité, l'apaisement des esprits, des c?urs dans tout le pays, entre les familles, au sein des partis politiques et entre ces partis. Donc ce n'est pas par ce jeu de subversion à l'intérieur des partis politiques, le démantèlement des formations politiques qu'on pourra résoudre les problèmes, bien au contraire. Il faut instaurer un dialogue franc et ouvert pour régler les problèmes. Qu'un parti soit grand au détriment de tous les autres, quel avantage peut-il tirer ? Comment un frère ou un ami peut-il provoquer le malheur de son frère et ami et s'en réjouir ?





?On peut vous reprocher que l'adhésion ou la démission d'un parti est un acte moral?

L'adhésion à un parti est un acte individuel et libre. Chacun y va et peut en sortir comme il le veut. Mais le fait d'en sortir peut être un acte non voulu, un acte forcé en quelque sorte.





?Faites vous allusion à l'affaire Zémogo ?

Je ne veux citer personne. Un parti politique l'a affirmé : On veut débaucher les dirigeants d'autres partis . C'est une politique programmée en quelque sorte pour débaucher les dirigeants d'autres partis et les aider à créer des partis satellites. Dans ces conditions, cela devient immoral. C'est une manière de corruption et d'achat de conscience. Il faut qu'on arrête tout cela. Il faut qu'on laisse les ivoiriens là où ils sont et qu'on crée les conditions politiques, sociales et économiques, permettant à chaque Ivoirien de vivre décemment. Il faut réduire la pauvreté pour que les ivoiriens se sentent à l'aise. S'ils sont à l'aise, nul ne pourra les acheter. La pauvreté fait des Ivoiriens des proies faciles qu'on pourra toujours acheter. Un penseur a dit que, dans un pays, si certains sont très riches et d'autres très pauvres, la tendance chez les riches est d'acheter les pauvres et ceux-ci vont se laisser acheter. Ce jeu malsain est contraire aux exigences de la démocratie et de la morale politique ; seuls les inconscients ou irresponsables y ont intérêt. Je suis parfois irrité par de tels comportements. Je suis irrité par le fait que les dirigeants politiques ne peuvent pas comprendre que de tels actes sont contraires aux exigences de la paix et de la sérénité, qui doivent régner dans ce pays entre les Ivoiriens, à travers leur appartenance politique, sociale, religieuse etc. Il faut laisser les hommes agir librement. Il faut également créer les conditions de la liberté des hommes, du libre choix des hommes. L'essentiel, c'est de chercher la cohésion, la sérénité des ivoiriens pour que dans un climat apaisé, nous puissions aller, rassurés, vers la paix et des élections acceptables parce que incontestables.





?Vous êtes un initié de ce débat puisque vous avez vécu la même situation avec votre élève Kabran Appia aujourd'hui très proche du camp présidentiel ?

Nous l'avons vécu et le phénomène se présente encore aujourd'hui dans un contexte particulier qui, à mon avis, aggrave ce crime politique. Il faut que le jeu politique se fasse librement et honnêtement. On me dira que c'est de bonne guerre. Mais de bonne guerre pour qui ? Contre qui ? On n'a pas de besoin de guerre aujourd'hui, mais de paix. Il ne faut rien faire qui puisse susciter des rancoeurs, entraîner la guerre, la violence. Parce que si on débauche des militants ici, ce parti voudra débaucher des militants là. C'est un phénomène qui risque de s'opposer aux intérêts de la paix et à la concorde nationale. Il faut sortir de la politique captive, des clans; nous avons besoin de citoyens et non d'esclaves politiques





?Parlant de sérénité, l'opposition, elle, n'est pas sereine parce que l'Onu a supprimé récemment le poste de haut représentant chargé des élections. Qu'est-ce que vous en pensez par rapport à la crédibilité des élections ?

Nous n'avons pas eu la même attitude que certains. Nous pensons que les élections sont une affaire nationale. Ce sont les Ivoiriens qui doivent prendre en charge la préparation et l'organisation des élections ivoiriennes. Il faut que les Ivoiriens agissant de cette manière, sachent que leur devoir est de créer les conditions d'élections régulières, transparentes, crédibles, justes et acceptables. Si certaines formations politiques sont amenées à se tourner vers l'extérieur pour obtenir ce que nous aurions dû obtenir de l'intérieur, c'est que la confiance nécessaire n'existe pas. Certains ont même dit qu'il faut confier aux Nations Unies l'organisation des élections. C'est une aberration politique. On a dit qu'il faut la présence des Nations Unies pour certifier les élections. Mais l'important se trouve à l'intérieur du pays. Les Ivoiriens doivent se prendre en charge sans compter sur l'extérieur pour régler leurs problèmes. Ils doivent les régler par eux-mêmes, par leur volonté et leur intelligence, par leur sens du devoir et de l'intérêt national ; il faut que les élections se passent sans tricherie. Il faut pour cela que le jeu soit ouvert, que des actes soient posés. Que tout se passe sur la table et rien sous la table ; que toutes les velléités de manipulation qu'on voit ou sert ici et là disparaissent totalement, avec des organes indépendants et impartiaux.





?Comment y arriver s'il n'y a pas d'arbitre dans le jeu ? Si ceux qui sont censés être les arbitres sont en même temps dans le jeu. On a vu les élections de 2000. La Cour suprême chargée de connaître les contentieux a dit le droit pour un camp, pour un homme.

Bien sûr c'est le manque de confiance. C'est la suspicion quasi-généralisée qui n'est pas sans raison. Les gens ont des raisons d'être inquiets, soupçonneux, de se méfier les uns des autres. Que faut-il donc faire ? Il faut chercher à ramener la confiance. D'abord chacun doit faire l'effort pour avoir confiance en lui-même et faire des efforts pour avoir confiance en l'autre. Cela suppose qu'on se parle, qu'on communique pour dissiper le manque de confiance. Si nous gardons le silence, nous ne ferons qu'aggraver les choses. Il faut donc chercher les moyens et les conditions de la confiance. Certes il faut un arbitre mais doit-on aller le chercher chaque fois à l'extérieur ? Dans le Championnat national de football, va-t-on chercher un arbitre à l'extérieur ? Ce sont les arbitres nationaux qui dirigent nos matches. Il faut des organes composés d'Ivoiriens qui jouent ce rôle. Nous nous sommes donné la Commission électorale indépendante (Cei), le Conseil constitutionnel. Ils doivent être des organes indépendants, crédibles. Ils ne peuvent être indépendants qu'à deux conditions : que les membres qui composent ces organes aient un esprit d'indépendance, qui assurent leur mission en toute impartialité, en étant fermés à toutes les sollicitations extérieures. Les acteurs politiques ne doivent pas chercher à instrumentaliser ces organes. Or, les grandes formations politiques et le pouvoir veulent mettre ces organes à leur service, en en faisant un instrument au service de leurs ambitions. C'est cet esprit qui aggrave le climat de méfiance, de suspicion et d'insécurité. Il faut que les Ivoiriens, individuellement, collectivement, à travers leurs partis, se débarrassent de cet esprit d'instrumentalisation des hommes comme des organes. Notre devoir est de faire en sorte que les organes et les hommes assurent leur mission dans le respect des règles et des objectifs assignés à eux. Chacun doit faire des efforts dans ce sens. C'est ainsi que nous pourrons réussir. Ce n'est pas en regardant à l'extérieur que nous pourrons réussir. C'est en nous tournant vers nous mêmes, en nous remettant en cause que nous allons sortir ce pays de la crise. Toute chose ayant sa cause en soi, à l'intérieur, c'est à l'intérieur que se trouvent les bonnes solutions, les solutions durables, à condition que, à condition que





?Instrumentalisation des institutions. Je vous prends au mot, le Hre a été très déterminant dans la constitution de la Cei et dans l'attribution de ses pouvoirs. On a vu le chef de l'Etat qui avait tenté d'en prendre le contrôle. Mais avec l'arbitrage de Gérard Stoudmann, la Cei a aujourd'hui les allures d'une structure indépendante. Ne faut-il pas remettre la communauté internationale dans le jeu, notamment au niveau de l'arbitrage?

Il faut la remettre dans le jeu si vous voulez. Mais elle n'est pas un ensemble désincarné. Il y a là aussi des intérêts, des contradictions. Alors pourquoi est-ce qu'on peut faire confiance à l'extérieur, sans pouvoir faire confiance à l'intérieur. Resterons-nous toujours de grands enfants, irresponsables, qui vont toujours se reposer sur l'extérieur ? Non ! Alors chassons en nous le mal qui nous ronge et ronge notre pays en lui donnant des citoyens et surtout des dirigeants crédibles, de bonne foi ayant pour seul objectif l'intérêt général; on est encore loin du compte.





?Vous l'avez dit : la méfiance et la suspicion ?

Pourquoi devrais-je vous faire confiance sans pouvoir me faire confiance à moi-même. On ne pourra jamais fonctionner dans ces conditions-là. Alors, il faut que la communauté internationale, à la limite, organise les élections. C'est cela la logique. Si on va jusqu'au bout, les Ivoiriens ne sont donc pas crédibles. Appelons l'extérieur pour organiser les élections pour qu'elles soient crédibles. Voilà donc le bout de cette logique. Je ne pense que cela soit acceptable pour un Etat qui se veut souverain et pour un peuple soucieux de sa dignité. C'est nous-mêmes qui sommes responsables de notre sort. Dès lors, qu'une institution ne joue pas le jeu, il faut la mettre en garde. Nous devons réagir. Le Conseil constitutionnel tel qu'il est constitué, est-il capable d'être un organe indépendant ? Nous disons non au Pit. Il faut donc le reconstituer, le recomposer de manière que ceux qui sont là, ne soient pas des obligés d'un tel groupe ou d'un tel individu, fût-il le plus haut dans l'Etat. Comment trouver des solutions à cette crise? Dans une situation il y a deux aspects. Il y a l'aspect personnel de conscience et l'aspect institutionnel. Nous devons discuter dans une concertation nationale avant d'aller aux élections. Si nous dégageons des solutions consensuelles, nous irons rassurés aux élections. Et la nécessité de faire appel à l'extérieur cessera d'elle-même. Parce que nous aurons trouvé en nous la confiance nécessaire pour aborder ces problèmes en toute tranquillité et en toute confiance, en toute sérénité et en toute sécurité (psychologique et politique).





?Avez-vous le même avis également sur la Cour suprême qui sera chargée des contentieux lors des élections générales?

Non. En l'état la Cour suprême ne peut connaître que des élections départementales, régionales et municipales. Les élections présidentielles et législatives relèvent du Conseil constitutionnel. Qu'il s'agisse du Conseil constitutionnel, de la Cei, il doit s'agir de deux organes indépendants, jouant le rôle d'arbitre. C'est-à-dire agissant en toute neutralité, indépendance et impartialité. Voilà les conditions pour que ces organes soient crédibles et que les élections soient acceptables. Ce n'est pas de vouloir mettre à son service quelques organes pour gagner, déjà, les élections. Ceux qui ne veulent pas donner aux organes jouant le rôle d'arbitre leur indépendance et leur impartialité, sont ceux qui craignent quelque chose. Ils n'ont pas confiance en eux-mêmes et ils voudraient se servir d'un organe d'Etat à des fins partisanes. Il faut qu'on se débarrasse d'un tel esprit qui est nuisible et contraire à la paix. Dans ce climat, chaque propos, chaque acte, chaque geste a son importance. Chacun doit se dire qu'il ne doit rien faire qui soit contraire à la paix. Je ne dois poser aucun pas qui soit en dehors du chemin qui mène à la paix. A chaque fois que je dois parler, il faut que je réfléchisse à deux fois, qu'il ne faille pas parler au hasard ou agir contre la paix.





?Croyez-vous au partenariat entre le président de la République Laurent Gbagbo et le Premier ministre pour sortir de la crise ? D'un côté, il y a le garant de la Constitution et de l'autre l'exécution testamentaire de l'accord de Ouagadougou ?

D'abord, il faut faire confiance. Et puis aujourd'hui, c'est le seul cadre qui s'offre à nous. Nous allons juger les deux acteurs principaux à leurs actes, pas seulement à leurs propos. Les deux doivent être les garants de la Constitution qui est notre acte fondamental et les garants de l'application de l'accord de Ouaga auquel ils sont tous les deux directement parties. C'est une question politique, une exigence de la paix, une question d'honneur. Je pense qu'ils vont aller dans ce sens, c'est leur intérêt personnel. C'est aussi l'intérêt du pays. Mais comme je l'ai chaque fois indiqué, ce n'est pas dans la Constitution que nous allons trouver les réponses aux problèmes graves qui se posent au pays. La preuve, si on pouvait trouver les réponses, pourquoi serait-on allé à Marcoussis ? Pretoria et aujourd'hui à Ouaga ? Le fait d'aller à l'extérieur est la preuve que la solution n'est pas dans la Constitution. Donc il ne faut pas s'y enfermer. L'important, c'est de rechercher les voies pour aboutir à la paix, à la normalisation. Une Constitution s'applique normalement. Ce qui n'est pas le cas, aujourd'hui. Ainsi nous disons que dans le cadre de la concertation nationale que nous proposons, il faut que nous dégagions les principes fondamentaux de la nouvelle Constitution de la Côte d'Ivoire. Et avant d'aller aux élections, il faut soumettre au peuple une nouvelle constitution sur la base de laquelle les élections pourront avoir lieu en toute confiance. Cela signifie que nous aurons mis de côté cette Constitution pour adopter une nouvelle loi fondamentale qui nous fera entrer dans la 3e République, en quittant la 2e qui est la source de tous nos maux.





?Avez-vous fait la proposition aux deux têtes de l'exécutif ivoirien ?

Non, je n'en ai pas eu l'occasion. Mais nous l'avons déjà proclamé plusieurs fois. Nous avons rappelé tout récemment, au cours de notre séminaire, le cheminement logique selon nous. Nous avons dit qu'il faut aller au mois d'octobre 2008 pour organiser les élections. Il faut donc jumeler les élections présidentielles, législatives, c'est-à-dire les organiser en même temps pour des raisons politiques et de temps, pour des raisons d'argent et de sérénité, de justice et d'équilibre électoral, en dédramatisant l'élection présidentielle et en réduisant l'effet d'entraînement et de déformation sur les autres scrutins. Il faut clarifier la situation pour savoir si la décision qui a été prise en 2005 concernant les candidats présentés par les partis signataires de l'accord de Marcoussis est encore valable. Si elle l'est, elle fait un sort particulier aux candidats issus de ces partis ; et les autres candidats ? Que deviennent-ils ? Que font-ils ? Deux poids deux mesures ? Il faut que les décisions soient égales pour tous. Voilà ce que nous préconisons au Pit, pas pour nous servir mais pour servir la paix,le peuple de Côte d'Ivoire en toute justice et en toute honnêteté autant que possible.





?Pour vous, la matrice institutionnelle actuelle n'est-elle pas favorable pour aller à la paix ?

Moi, je la laisse un peu de côté. Ceux mêmes qui clament le respect de la Constitution l'ont laissée de côté signant les accords de Ouaga présentés comme la voie et la seule condition pour aller à la paix. Tout le monde le clame. Alors, jouons le jeu et laissons un peu tranquille la Constitution. Si cette voie peut nous conduire à la paix, ce sera le meilleur service qu'on puisse rendre et à la Côte d'Ivoire et à la Constitution.





?On remarque dans l'accord de Ouagadougou qu'il n'y a pas de moyen de coercition sur les deux parties prenantes. Il est son propre référent.

Au niveau de l'Etat, de quel moyen de coercition peut-on disposer ? Comment peut-on contraindre le chef de l'Etat, sauf à l'obliger à démissionner ou à le destituer, mais comment ? La solution est dans notre conscience et dans notre moral.





?Je fais référence à la communauté internationale qui pourrait jouer de pression pour pousser les acteurs à aller à la paix.

Oui, la communauté internationale peut exercer des pressions. Peut-être, doit-elle exercer des pressions? Mais nous ne devons pas nous prêter à ce jeu de bons élèves ou de mauvais élèves. Est-ce que dans les Etats développés, la communauté internationale exerce des pressions sur qui que ce soit ? Pourquoi des observateurs étrangers ne vont-ils pas dans ces pays lors des élections ? Ces pays se prennent en charge. Donc la communauté internationale peut jouer un rôle de soutien. Si on prend l'image d'un véhicule, elle peut-être l'accélérateur ou le frein. Mais le moteur, c'est bien nous. Il faut que nous agissions en toute indépendance, en toute liberté, en toute conscience et responsabilité sans que qui que ce soit puisse nous imposer quelque décision. Parce que nous aurons agi en responsables conscients de nos devoirs et soucieux du seul intérêt du pays et de la paix. Si nous agissons ainsi, nul besoin de coercition ni d'intervention extérieure. C'est le prix à payer pour notre souveraineté, pour la dignité du peuple de Côte d'Ivoire et de la paix.





?Comment aujourd'hui se porte le Pit ?

Le Pit se porte bien dans le climat actuel. Nous constatons que le discours du Pit commence a être compris comme ayant prédit, un peu ce que nous rencontrons aujourd'hui. Sur le terrain, nous en récoltons le fruit. Il n'y a pas d'autosatisfaction. Il faut continuer à travailler. C'est la raison pour laquelle nous avons organisé un séminaire tout récemment. Nous devons nous aussi commencer à entrer en campagne ou en pré-campagne. Parce qu'au Pit, nous avons toujours pensé un peu différemment en disant qu'il y a un temps pour chaque chose. Aujourd'hui le temps est celui de la paix, créer les conditions de la paix et ouvrir le chemin vers les élections. En oubliant un peu les préoccupations particulières des élections pour régler les problèmes qui les conditionnent. C'est ce que nous pensons. C'est pour cela que nous n'avons jamais voulu clamer notre lancée dans la campagne pour désigner des directeurs de campagne ici et là. Nous sommes dans un climat et nous ne pouvons pas ne pas prendre en compte cet aspect.





?Le Pit a-t-il pris des résolutions lors de son dernier séminaire pour implanter le parti ? On vous reproche votre forte concentration à Abidjan au détriment de l'intérieur du pays.

Nous sommes présent à l'intérieur aussi, mais on fait moins de bruit que les autres. Nous avons pris la résolution de développer l'implantation du parti sur toute l'étendue du territoire national. En tenant compte du climat général, il faut que le Pit aussi parte en campagne ou en précampagne. De sorte que nous avons le 11 août une grande manifestation à Koun-Fao pour lancer la précampagne. Parce que nous ne pouvons pas rester en dehors du mouvement général. Mais le faisant, nous restons toujours soucieux des conditions dans lesquelles les élections doivent avoir lieu. Voilà un peu notre cheminement et nous continuons à faire notre petit bonhomme de chemin. Nous continuons à parler aux Ivoiriens et nous voulons rester en contact permanent avec le peuple pour qu'en communiquant, nous prévenions tous les mauvais coups que les ennemis de la paix et les enragés du pouvoir veulent attenter à la Côte d'Ivoire.





?Y a-t-il des démarches en direction du Pr. Amoa Urbain ? La presse le révélait il y a quelques jours. Peut-on s'attendre au retour du fils à la maison ?

La porte est toujours ouverte de toute façon. Mais ce sont des problèmes d'ordre interne au Pit. Dans les prochains jours, vous pourriez être informés de ce point comme des autres. Pour le reste, le Pit s'apprête et le Pit sera prêt pour la Côte d'Ivoire.









Interview réalisée par Assoumane Bamba

Coll : Nomel Essis (Stagiaire)

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023