vendredi 10 août 2007 par Fraternité Matin

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt, mais amusé, la sortie de l'ancien Haut représentant des Nations unies pour les élections (HRE) en Côte d'Ivoire dans les colonnes du quotidien français Libération en date du mardi 7 août dernier. Gérard Stoudmann a eu maille à partir avec Laurent Gbagbo qui, jugeant qu'il se comportait comme un gouverneur? de l'époque coloniale, a demandé et obtenu son départ. Et la suppression de son poste. C'est pourquoi je comprends aisément qu'il essaie de rendre la monnaie de la pièce à celui qu'il considère comme responsable de son chômage. La vengeance est un plat qui se mange froid, dit-on. Tout comme Albert Tévoèdjré, ancien représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en Côte d'Ivoire, à son départ du pays ? et pratiquement - dans les mêmes conditions, l'ancien arbitre du contentieux électoral en a gros sur le c?ur. Et veut le faire savoir. Quitte à user de tous les moyens, y compris des règlements de comptes politiques. Selon lui, c'est parce que Laurent Gbagbo prépare des fraudes qu'il s'est battu pour faire disparaître le poste de HRE. C'est pour avoir les coudées franches dans l'organisation des élections, sans interférence extérieure?, indique-t-il. Car, renchérit-il, il tient absolument à remporter le prochain scrutin. C'est une question de survie politique pour lui?. Gérard Stoudmann est convaincu que Laurent Gbagbo n'ira aux élections que s'il est sûr de les gagner. C'est une condition sine qua non pour lui?, conclut-il. Il est vrai que personne ne va en victime expiatoire à une compétition. Donc, Laurent Gbagbo se donne les moyens de sortir vainqueur de la prochaine présidentielle. Il reconnaît honnêtement avoir été élu dans des conditions calamiteuses?: 13 des 18 candidats à la présidentielle ont été éliminés, au nombre desquels Henri Konan Bédié et Alassane D. Ouattara; et son investiture a été assombrie par l'épisode du charnier de Yopougon, consécutif aux manifestations déclenchées par le RDR pour contester son élection. Il veut donc gagner, à la régulière, pour rabattre le caquet à ses détracteurs. Et prendre sa revanche sur le destin. Mais de là à l'accuser de tous les péchés d'Israël, il y a un pas que des fonctionnaires internationaux devraient se garder de franchir aussi légèrement. Afin de ne pas jeter de l'huile sur un feu, pour l'instant, mal éteint. Laurent Gbagbo est, certes, Chef de l'Etat. Mais tirant les leçons de la technologie électorale?, les Ivoiriens ont élaboré et érigé, sous la transition militaire, une forteresse pour exclure, autant que faire se peut, toute possibilité de fraude. Notre pays s'est doté, en effet, d'une Commission électorale indépendante (CEI) chargée d'organiser toutes les étapes des élections, en lieu et place du ministère de l'Intérieur accusé d'être le bras séculier du pouvoir. C'est le maître d'ouvrage et le maître d'?uvre des opérations électorales. Cette structure a concédé l'ouvrage de réalisation des listes électorales à l'Institut national de la statistique (INS) que ses détracteurs présentent comme l'antichambre du FPI.
Pourtant, l'INS ? toujours pour plus de transparence - est placée sous le contrôle et la supervision de la CEI qui, caporalisée par l'opposition, est seule habilitée à fixer les modalités d'établissement desdites listes. Et puis, pour prévenir toute manipulation des résultats, la loi électorale impose des procès-verbaux que tous les scrutateurs commis signent pour valider l'opération dans chaque bureau de vote.
Aucune ?uvre humaine n'est parfaite, c'est vrai; mais, comme on peut le constater, des balises, qui ont fait leurs preuves en 2000, ont été dressées pour assurer la transparence des scrutins. Pour renforcer l'équité ainsi recherchée, Laurent Gbagbo a fait des concessions. D'abord, il avait accepté l'installation du HRE qui n'était que l'arbitre des élections (et non l'organisateur des consultations); ensuite, il ne s'est pas opposé à la remise en cause, par Antonio Monteiro, prédécesseur de Stoudmann, de la décision de la Cour suprême invalidant l'élection de Robert Mambé Beugré, président de la CEI (et membre des instances du PDCI-RDA); et enfin, il a cautionné l'installation, avant-hier, du groupe de travail sur les audiences foraines dont le président est Soro Kigbafori Guillaume. Et puis, ne l'oublions pas, usant de la dictature légale que lui confère l'article 48 de la Constitution, il a, d'autorité, accepté les candidatures de tous les signataires de l'accord de Linas-Marcoussis. On le sait, qui veut tuer son chien l'accuse de la rage. C'est pourquoi aucun adversaire ne veut reconnaître au Chef de l'Etat ses mérites. C'est de bonne guerre. Car, depuis notre accession à la souveraineté nationale et internationale, c'est la première fois qu'une présidentielle sera véritablement ouverte. Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara ne viennent pas, non plus, en victimes résignées. Ils affûtent leurs armes, mobilisent leurs troupes pour prendre le meilleur sur leurs adversaires. Pour eux, plus que pour Gbagbo, c'est une question de survie politique?. Pour eux, cette présidentielle-ci est une sorte de scrutin de la mort. Le président du PDCI-RDA joue à la roulette russe. Ça passe ou ça casse. Il se bat pour redorer son blason terni. Lui qui a toujours triomphé sans gloire: il a succédé, le 7 décembre 1993, à Houphouet-Boigny, pas par les urnes, mais par héritage institutionnel. Et il a profité du boycottage du scrutin par Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, les deux poids lourds de l'opposition à l'époque, pour remporter, haut la main, la présidentielle d'octobre 1995, avec un score soviétique (95% des suffrages exprimés), devant des candidats alibis. Signe de cette illégitimité, les Ivoiriens et toute sa kyrielle de clubs de soutien sont restés sourds à son appel à la résistance quand les jeunes gens? l'ont renversé en cette veille de Noël 1999. Sans coup férir. Et puis, le prochain scrutin représente sa dernière cartouche. S'il échoue, il ne pourra plus jamais se représenter; limite d'âge (75 ans) oblige! Le président du RDR est, lui aussi, logé à la même enseigne. Le Brave tchè? n'a jamais participé à aucune compétition électorale. En 1995, en grand légaliste, il a prétexté des dispositions du code électoral pour se désister. En 2000, il a été freiné dans son élan par la Cour suprême qui a invalidé sa candidature pour nationalité douteuse?. Pour lui, la prochaine présidentielle est une question de vie ou de mort politique. L'article 35 de la Constitution n'a été amendé, ni aboli. Un échec signifierait donc la fin de ses rêves de présider, un jour, aux destinées de la Côte d'Ivoire, étant donné qu'il n'est candidat qu'à titre exceptionnel. On l'a compris. Bédié et Ouattara n'ont d'autre choix que de jouer leur va-tout. La peur au ventre. D'où la psychose du hold-up électoral qu'ils entretiennent et qui trahit leur manque criant de sérénité. L'un affirme qu'il fait le poids devant Laurent Gbagbo?. Qui ne lui fait pas peur?. Mais dès que ce dernier décide d'aller au scrutin au plus tard en décembre 2007, lui qui accuse le Chef de l'Etat de traîner les pieds pour organiser les élections, il lui conseille, gentiment, de se hâter lentement et (de) ne pas se piquer d'une folle vitesse?. L'autre, tout comme le premier, est également sûr de son succès. Mais, lui, ne bat campagne qu'à coups de menaces. Epais écran de fumée comme pour essayer de cacher le soleil avec la main: la peur-panique et la grande incertitude sur l'issue de la prochaine présidentielle.

Par
Ferro M. Bally

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