vendredi 10 août 2007 par Le Front

Il était bel et bien présent au palais présidentiel du Plateau le mardi 7 août dernier. Aux côtés des officiers supérieurs de l'armée ivoirienne. Dans ses apparats de commandant. Issiaka Ouattara dit Wattao, puisque c'est de lui qu'il s'agit, ci-devant chef d'état-major adjoint des Forces armées des Forces nouvelles (Fafn), a impressionné plus d'un. Mieux, il a forcé l'admiration de tous, au point de susciter des félicitations et des bénédictions de la part du président de la République et de la première dame. Après un acte aussi fort qui a marqué la présence du commandant Wattao aux festivités marquant le 47e anniversaire de l'indépendance de la Côte d'Ivoire, le chef d'état-major adjoint des Fafn s'est prêté à nos questions. Le chef militaire, dans cette interview, a livré ses sentiments avant, pendant et après la cérémonie de mardi dernier au palais présidentiel. De l'accord de Ouaga au ?'bûcher de la paix'' en passant par ses liens avec le chef d'état-major des Forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire (Fds-ci) le général Philippe Mangou, le commandant Wattao a ouvert son c?ur aux Ivoiriens.

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Commandant Wattao, le 07 août dernier, vous étiez au palais de la présidence de la République pour fêter le 47e anniversaire de l'indépendance. Quel effet cela vous a-t-il fait ?

Pour moi, c'est une grande joie. Parce que j'ai eu un passage au palais présidentiel lorsque le général Guéi (paix à son âme) était chef de l'Etat. Dix (10) ans après, retrouver ce palais ne pouvait qu'être une joie pour moi. Je n'arrive pas à expliquer l'émotion qui m'animait. Il fallait plutôt la vivre.

Depuis la crise, vous séjournez souvent à Abidjan. Mais le 7 août dernier, lorsque vous vous levez à 6h du matin avec l'idée que vous retrouverez le palais que vous avez quitté, il y a dix ans. Est-ce qu'il y avait une motivation spéciale ?

Il y avait effectivement une motivation spéciale parce que le 07 août n'est pas un jour comme les autres. Ce 07 août était différent des autres parce qu'à cette date, l'on parlait d'unification de la Côte d'Ivoire, de paix entre les fils et filles de la Côte d'Ivoire. Je suis venu avec deux (2) sections des Forces armées des Forces nouvelles pour défiler au palais. C'était vraiment fort comme émotion et je me demande si l'on revivra encore un 07 août de ce genre en Côte d'Ivoire.

Justement lorsque les autorités ivoiriennes, en l'occurrence le chef de l'Etat et le Premier ministre ont décidé que pour cette prise d'armes, il fallait associer les éléments des Fafn, comment l'avez-vous perçue ? Aviez-vous des appréhensions en venant défiler à Abidjan au palais ?

Personnellement, je n'avais pas d'appréhensions. Lorsque le Premier ministre nous a annoncé qu'on allait envoyer deux sections dans trois (3) villes sous contrôle gouvernemental, à savoir Bondoukou, Gagnoa et Abidjan. J'avoue que tous nous étions heureux de venir défiler dans ces différentes villes. Parce que c'est un acte fort dans la réconciliation et l'unification de la Côte d'Ivoire. Il est vrai, on ne peut pas aller à la réconciliation et à la paix sans poser d'actes majeurs. Mais il faut mener des actes comme le président et le Premier ministre ont fait, prouvant que dans ce pays, on peut vivre ensemble. Et c'est ce qui s'est passé en ce 7 août. Après le 30 juillet à Bouaké (ndlr, flamme de la paix), il faut poser des actes de ce genre qui pourront amener la population à croire en la paix que les Ivoiriens sont en train de sceller aujourd'hui.

Outre les Forces nouvelles, vous, commandant, étiez au vrai sens du terme, sous les feux de l'actualité. La preuve, ce matin (ndlr, mercredi 8 août 2007), presque tous les quotidiens ont titré sur votre présence au palais. Comment se fait-il que vous soyez seul sous les projecteurs ?

(Rires) Je n'arrive pas à l'expliquer. Vous savez, chaque être humain a son aura, son étoile. Peut-être que d'aucuns me considèrent comme un va-t-en guerre qui a décidé de changer sa veste pour la paix. Ma présence a certainement pu être traduite comme un réel retour de la paix en Côte d'Ivoire. Le Premier ministre a voulu que je sois présent au palais, pour prouver à l'opinion nationale et internationale que nous sommes prêts à faire la paix. Il est aussi vrai que tous les projecteurs étaient sur ma personne. Mais, il y avait aussi le général Mangou qui commandait toute l'armée.

Dites-nous, vous arrivez au palais, les généraux Mangou, Kassaraté, Bi Poin sont-là. Avec tous ces officiers supérieurs de l'armée ivoirienne, vous étiez là, vous, commandant Wattao, ex-rebelle. A quoi pensiez-vous à ce moment précis ?

A ce moment précis, je me suis dit que tout était possible dans la vie. Dieu fait toujours ce qu'il veut, au moment qu'il veut. Le 07 août, en compagnie de ces généraux, c'était un plaisir pour moi de représenter les Forces nouvelles.

Il y avait certainement de l'émotion

Vraiment une grande émotion. Parce que c'était pour moi une très grande émotion dans la mesure où, le matin du 07 août, je suis allé retrouver le général Mangou à sa résidence. C'est de là que nous sommes allés au palais, ensemble. Une fois sur place, il est allé prendre les honneurs lorsque nous nous sommes mis en rang pour accueillir le président de la République.

Quelqu'un a dit ce jour-là, que Wattao est vraiment le petit de Mangou. Là où Mangou passe, Wattao est présent

C'est vrai, le général Mangou était pour moi une idole lorsque nous étions au bataillon (bataillon Blindé ndlr). Et puis, nous avons fait la prison ensemble. Et il y a un lien que nous avons scellé en prison. Après cela, bien qu'il y ait eu la guerre, nous avions continué à nous appeler jusqu'à ce qu'il y ait aujourd'hui ce vent de réconciliation. Lui et moi avions décidé de poser des actes forts avant même l'accord de Ouaga. Mais, vous comprenez que c'était un peu difficile pour nous de poser ce genre d'actes parce qu'on aurait vite fait de les interpréter autrement. Déjà, après l'accord de Ouaga, des gens racontent que Gbagbo et Soro ont fait un deal, si Mangou et moi avions devancé l'accord de Ouaga, on aurait dit que soit Mangou a été soudoyé par les Forces nouvelles, soit que Wattao a été corrompu par le camp présidentiel. Maintenant, l'accord politique de Ouaga nous donne la facilité de pouvoir ?uvrer, en menant des actions qui peuvent conduire à la paix. C'est pourquoi, ma proximité avec le général Mangou, s'explique par le fait que nous nous sommes entendus pour aller à la paix et que tous les Ivoiriens doivent nous suivre dans ce sens.

Dans une interview que vous aviez accordée à ?'Le Front'', vous disiez que si vous rencontrez le chef de l'Etat Laurent Gbagbo, vous lui diriez quelque chose que vous avez à c?ur. A savoir que c'est son entourage qui fait perdurer la guerre. Le 07 août dernier, vous avez échangé, ne serait-ce que deux (2) minutes. Qu'est-ce que vous vous êtes dit ?

C'était comme entre le père et le fils. Il m'a salué et félicité. La première dame aussi. Elle m'a félicité, m'a même béni.

Quels sont les mots qu'il a prononcés exactement à votre endroit ?

Je me suis présenté et j'ai dit ?'à vos ordres''. ?'Oui, ça va bien Monsieur le président''. Il m'a ensuite dit ?'continue dans ce sens. Tout le monde te soutiendra et je suis fier de toi''.

A ce moment, qu'est-ce que vous vous êtes dit ?

Voyons ! j'étais ému d'être là, devant lui. Ce n'était pas entre quatre murs, mais au cours d'une grande cérémonie, lui serrer la main, après l'avoir dévisagé. J'ai vu aussi et surtout en lui, un homme qui m'avait sauvé de prison. Je l'ai toujours dit. C'est à son accession au pouvoir que nous sommes sortis de prison. Plusieurs choses m'ont traversé l'esprit.

Vous avez regretté toutes vos attaques verbales et physiques contre lui et son régime ?

Oui, il faut être franc. J'ai regretté mes attaques verbales contre lui. Je les ai sincèrement regrettées mais, c'est chose faite. On n'y peut rien. On tourne la page et on avance.

Et la première dame ? Quels mots gentils vous a-t-elle adressés ?

La première dame m'a béni. Elle m'a fait des bénédictions comme toute bonne mère.

Dans quelle peau vous sentez-vous à présent après la cérémonie du 7 août et surtout après les félicitations publiques du chef de l'Etat et les bénédictions de la Première dame ? Vous vous êtes senti libéré, n'est-ce pas ?

Oui, on peut le dire. Très très, très, libéré même. Cela fait qu'aujourd'hui, j'ai tourné dans la ville sans ma sécurité. C'est dire qu'on va vraiment vers la paix.

Revenons à l'accord de Ouaga. C'est ledit accord qui a engendré ?'la flamme de la paix'' et qui a eu pour conséquence le défilé conjoint des Forces nouvelles et des Fanci. Six (6) mois après la signature de cet accord, vous, en tant que soldat de première heure de l'ex-rébellion, quelle appréciation faites-vous de cet accord ?


L'observation, c'est que l'accord de Ouagadougou avance, à grands pas. Parce que nous avons eu des accords que nous avons signés à Marcoussis, à Accra, mais qui n'ont pas abouti à grand-chose. Bien au contraire, nous avons constaté des accrochages entre les deux camps. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas avec l'accord de Ouaga. Qui, reconnaissons-le, a apaisé la situation en Côte d'Ivoire. Remarquez vous-mêmes, un air frais souffle sur le pays. Cet accord a permis aux Forces nouvelles de venir défiler à Abidjan. C'est le même accord qui a permis ?'le bûcher de la paix'' à Bouaké, où le président Gbagbo s'est déplacé. Grâce aussi à l'accord de Ouaga, la Côte d'Ivoire n'est plus divisée par une zone de confiance. On peut sans risque de se tromper, dire que la Côte d'Ivoire est unifiée. Il y a eu donc beaucoup d'actes qui ont vu le jour par cet accord. Qui permet à l'un et l'autre des deux camps de se faire confiance. On sent renaître cette confiance. Nous devons donc tout faire pour ne pas détruire cette confiance.

Malgré la belle cérémonie de mardi dernier au palais, on peut dire qu'il y avait une difficulté dans l'accord de Ouaga qui était la question des grades des Forces nouvelles. Qu'en est-il aujourd'hui avec tout ce que l'on a vu au palais, Wattao arborant son grade de commandant, rendant les honneurs au chef de l'Etat qui le lui a bien rendu aussi. On peut donc dire qu'il n'y a plus de problèmes de grades ?

A mon avis, il n'y a jamais eu de problèmes de grades. Les problèmes de grades sont posés par des personnes qui ne veulent pas que le pays aille à la paix. Tout le monde m'a vu au palais avec mon grade de commandant. Je pense qu'il y a des problèmes qui sont plus importants que la question des grades. Je préfère qu'on réfléchisse aux sujets, capables d'apporter la sérénité chez les Ivoiriens plutôt qu'à spéculer sur les problèmes de grades. Qui, pour moi, sont secondaires. Une fois que les Ivoiriens auront retrouvé la paix, les problèmes de grades seront aux oubliettes.

Au cours de la cérémonie de mardi dernier, une dame, qui, lorsqu'elle vous a vu, elle a dit, ?'voici un bel homme qui a pris les armes contre son pays''. Quels commentaires ?

(Rires) Cette dame ne sait certainement pas ce que j'ai enduré avant de prendre les armes. Si elle l'avait su, peut-être qu'elle m'aurait compris. Parce que si je veux revenir sur ce que j'ai vécu, nous n'en finirons pas. Mais, sachez que j'ai été humilié corporellement et moralement. Après tout cela, quand on n'a pas un soutien moral, et qu'une occasion s'offre à vous, on se jette dedans. C'est notre cas. J'aimerais répondre à cette dame que je n'ai pas pris les armes pour le plaisir de les prendre. Je les ai prises pour la justice et l'égalité dans ce pays. Dieu soit loué, tout est en train de rentrer dans l'ordre.

Désormais, c'est du passé ?

C'est du passé. C'est fini. Et on avance.

Tout à l'heure, vous disiez que vous avez tissé des liens solides d'amitié avec le général Mangou, en prison. De quelle prison s'agit-il ? A maintes reprises, vous le dites, sans expliquer comment vous vous êtes retrouvés là.

Nous nous sommes retrouvés en prison sous le pouvoir du général Guéi. En effet, le général Guéi nous accusait tous de vouloir faire un coup d'Etat contre lui. Puisqu'il ne voulait pas quitter le pouvoir. Et tous ceux qui lui crachaient des vérités, se retrouvaient en prison. C'était à la maison d'arrêt militaire au camp Galliéni. Il y avait beaucoup d'officiers. Entre autres les colonels Faizan Bi Nicolas, il y avait aussi Mangou, Jean Siaka Remark (paix à son âme). C'est de là qu'est parti.

Malgré ces liens, lorsque la crise a commencé en 2002, le général vous a-t-il appelé pour vous demander ce que vous faisiez de l'autre côté ?

C'est lors d'une réunion que nous nous sommes revus. Il m'a dit ?'mon petit, que fais-tu là ?'' Et moi de lui rétorquer ?'Mon vieux, que fais-tu toi aussi de l'autre côté ?'' C'est vous dire que si nous nous étions croisés au front, nous ne nous tirions jamais là-dessus. C'est certain qu'on aurait décidé de quitter le front avec nos différentes troupes sans s'affronter.
Vous voyez, il y a des liens, surtout quand vous les tissez en prison pendant des moments durs, ceux-là sont de vrais. C'est ce qui se passe aujourd'hui. Nous avons eu mailles à partir avec le parti du président de la République. Mais, à l'allure où vont les choses, il est possible qu'on soit de meilleurs amis. Quand on se bat, on devient facilement de bons amis. Parce que nous nous connaissons désormais. Et on se respectera mieux.

Parlons du bûcher de la paix. On n'a pas vu le commandant Wattao qui était occupé à sécuriser la ville. Comment cela s'est concrètement préparé ?

Le bûcher de la paix s'est très bien préparé. On avait des informations selon lesquelles le président Gbagbo était venu à Bouaké pour ne plus en partir. Certains mêmes nous faisaient croire qu'au sud, on n'est pas prêt à aller à la paix. Mais nous avons donné le meilleur de nous-mêmes avec le Premier ministre qui avait pris la tête de l'organisation. Nous avons sensibilisé les populations sur l'arrivée du président à Bouaké. Dieu merci, tout s'est bien passé. Le président Gbagbo est arrivé et il est reparti de Bouaké. Ce qui prouve la maturité des Forces nouvelles et des Ivoiriens.

Et vous avez accueilli six (6) chefs d'Etat africains sur le sol de Bouaké.

Du jamais vu. Nous les avons accueillis sans problème et ils sont repartis sains et saufs.

Avant la flamme de la paix, des intentions ont été prêtées aux chefs de guerre des Forces nouvelles. Il se susurrait que certains étaient contre l'accord de Ouagadougou. Quel climat prévaut en ce moment ?

Je crois que de nombreuses personnes se nourrissent de rumeurs, au lieu de venir aux sources. Mais je peux vous l'assurer, aucun chef de guerre n'est opposé à l'accord de Ouaga. Même après l'attentat du 29 juin contre le Premier ministre, tous les chefs de guerre sont venus jurer fidélité au Premier ministre. Ils ont promis de l'accompagner dans l'accomplissement du processus de paix. Alors, qu'on me dise de quel chef de guerre il s'agit. Je voudrais inviter les journalistes qui diffusent ce genre d'information, à aller vers ces chefs de guerre, comme vous le faites en ce moment. Ils leur diront s'ils sont pour ou contre l'accord de Ouaga. Tous les chefs de guerre sont prêts à soutenir le Premier ministre. Puisque ce sont eux qui, au cours d'une réunion, ont demandé au Premier ministre d'accepter ce poste. Nous lui avons donné notre accord tout en lui apportant notre soutien.

Mais, l'attentat du 29 juin dernier contre le Premier ministre a failli gripper la machine du processus de paix

Heureusement que l'attentat a échoué. S'il avait réussi, la Côte d'Ivoire serait peut-être dans un chaos total. Ce serait en tout cas le désordre total avec la reprise des hostilités. Mais comme Dieu aime la Côte d'Ivoire, il a tout fait pour que l'attentat échoue. Parce que 2007 est une année importante pour la Côte d'Ivoire. Si cette année, le pays n'a pas la paix, je me demande quand nous l'aurons. Faisons donc en sorte de ne pas tomber dans le jeu de satan.

On tend vers l'après-crise. Des informations circulaient déjà après la cérémonie de mardi que le chef de l'Etat a l'intention d'affecter certains chefs de guerre comme sous-préfets, d'autres dans des ambassades, en qualité d'attachés militaires. Quelle est la porte de sortie qu'entrevoit le commandant Wattao ?

La porte de sortie est entre les mains du Premier ministre. On ne nous a encore rien dit. C'est vous qui m'informez. S'il y a quelque chose qui a été décidé à la présidence, le Premier ministre se chargera de nous informer de ce que chacun d'entre nous deviendra.
Mais ce qui est primordial pour nous, c'est la situation des éléments que nous avons avec nous. Cela va de soi, il faut arriver à les caser pour ne pas que des gens puissent les utiliser à d'autres fins. L'Etat doit y penser. Car, une fois qu'ils seront casés, nous serons rassurés pour la suite.

Dites-nous ce qui vous a motivé à libérer, le premier, la maison que vous occupiez, pour la céder au préfet de Bouaké. On s'y attendait de la part des Forces nouvelles, mais que le commandant Wattao donne l'exemple, qu'est-ce que cela peut-il signifier ?

Je suis le président de ce comité de restitution des biens. Il fallait donc que je donne l'exemple pour être suivi. Pour moi, il était donc nécessaire que je libère la maison du préfet pour montrer que nous sommes vraiment prêts à aller à la paix. Il ne s'agit pas de s'asseoir à la maison pour attendre que la paix parvienne à nous. Il faut poser des actes nobles pour le retour de la paix. C'est pourquoi, sur ordre du Premier ministre, j'ai libéré la résidence du préfet.

Aujourd'hui, à quel niveau êtes-vous, avec la restitution de ces biens ?

Les choses avancent bien. La réhabilitation des lieux d'habitation et des bureaux est en cours pour permettre aux autorités de travailler. Surtout avec les audiences foraines qui doivent bientôt démarrer. Si nous devons reconnaître le président Gbagbo comme chef de l'Etat ivoirien, nous devons aussi reconnaître ses représentants dans les régions.

A ce titre, vous envisagez une parfaite collaboration entre les chefs de guerre et les préfets

Ah oui, le Premier ministre a donné les instructions pour une parfaite harmonisation du travail entre les préfets et nous. On ne veut pas qu'il y ait de problème entre nous. Quand on est ensemble, il faut savoir se parler. Il ne faudrait pas malgré tout que le préfet pense qu'il est sur un terrain conquis. Cela risque de créer des problèmes. Il faut savoir échanger avec ceux qu'on trouve en place. Ceux-là mêmes qui ont géré la situation dans la zone pendant cette longue absence, afin que l'entente soit parfaite. Parce que quoiqu'on dise, nous ne resterons pas éternellement à Bouaké. Nous n'avons pas de rôle de préfet. Mais, c'est un rôle que nous avons joué en leur absence. De retour dans ces zones, nous devons nous asseoir pour trouver un plan de travail, afin d'avancer allègrement vers une réelle sortie de crise.

Vous devez leur transmettre les cahiers des charges alors ?

C'est cela. Il faut qu'on leur donne ce que nous appelons traditionnellement chez nous en Côte d'Ivoire, la clé de la ville.

Je voudrais revenir sur l'attentat du 29 juin dernier. Une commission d'enquête avait été installée à Bouaké. Commission au sein de laquelle vous feriez partie. Où en est-on avec cette enquête ?

Je ne suis pas d'une commission d'enquête. Ils ont demandé qu'il y ait une commission d'enquête internationale. Nous attendons la commission d'enquête internationale qui sera sur le terrain pour tout dire sur ce qui s'est réellement passé le 29 juin dernier.

Il n'empêche que vous avez procédé à des arrestations.

C'est vrai, mais j'attends que mes chefs ne donnent le ton, avant que je ne parle sur ce sujet.

Mais dès les premiers jours de l'attaque, vous avez parlé.

Oui, nous avons parlé dès les premiers jours. Mais par la suite, le Premier ministre a décidé qu'on ne se prononce plus sur le sujet.

Peut-on comprendre vos premières déclarations sur cette affaire comme un effet de choc ? Parce que vous aviez parlé et sérieusement parlé.

J'ai parlé le jour même de l'attentat, parce que, avouons-le, nous étions tous sous le choc. Vous constaterez que ce que j'ai dit, a permis de faire des réaménagements un peu partout. Actuellement, à Abidjan, lorsque des autorités arrivent ici, l'aéroport (Félix Houphouet-Boigny d'Abidjan ndlr) est sécurisé par les hommes du général Mangou. C'est le cas chez nous les Forces nouvelles. Puisque quand le Premier ministre ou des ministres de la République arrivent à Bouaké, ce sont nos éléments qui assurent la sécurisation de l'aéroport. Comme cela, on ne jettera pas la pierre à Pierre ou à Paul si jamais un incident venait à survenir. Les autres gèrent comme ils l'entendent aussi l'aéroport quand leurs responsables arrivent.

Pendant les quatre dernières années, chaque camp au nord comme au sud, fêtait le 07 août comme il l'entendait. Certains à Abidjan, d'autres à Bouaké. Au lendemain de ce 47e anniversaire, particulier, quel message fort tenez-vous à délivrer aux Ivoiriens ?

Je voudrais dire aux Ivoiriens qu'il nous faut revivre ce que nous avons vécu mardi dernier au palais. On a vu tous les fils de la Côte d'Ivoire unis sans distinction de religion, d'ethnie. Nous sommes allés même au-delà des clivages politiques. On a vu des Ivoiriens rire et fêter ensemble. Assis devant leurs petits écrans, je me demande même si les Ivoiriens ont réellement vécu ce que nous avons vécu au palais. C'était vraiment fort. Il n'y a eu aucun mot déplacé. Et c'est comme cela que je voudrais que les choses se passent. C'est-à-dire, vivre en harmonie, main dans la main. Sans distinction d'ethnie ni de religion. Vous pouvez être du Pdci, moi du Fpi ou du Rdr. Ce qui compte, c'est la fraternité entre nous, Ivoiriens. Après les prises de position politiques, nous devons appréhender la situation de la façon la plus humaine qui soit. C'est ce qui a manqué aux Ivoiriens. Nous avons remarqué qu'en nous asseyant pour discuter, les solutions aux problèmes de la Côte d'Ivoire peuvent être trouvées. Si le président Gbagbo avait reçu de bons conseils dans ce sens, nous aurions évité une telle crise à notre pays. Mais il y a des esprits malins qui ont voulu en profiter pour, je ne sais, quel dessein. Heureusement, comme Dieu aime la Côte d'Ivoire, il a ramené les esprits retors sur la voie de la sagesse pour que nous puissions vivre main dans la main. C'est pourquoi, je demande au bon Dieu de toujours mettre la main sur le c?ur des Ivoiriens afin de l'apaiser. Puis, de protéger ces deux personnalités que sont Laurent Gbagbo et Guillaume Soro. Une fois que Dieu aura continuellement la main sur eux, la paix sera en Côte d'Ivoire. Imaginez un tant soit peu que Dieu abandonnât le Premier ministre le 29 juin dernier, ce serait le chaos. Et comme le Suprême des armées le protège, le plan de Satan a été déjoué. Il est donc question pour moi de demander au Tout-Puissant d'accorder longue vie à ces deux (2) messieurs en les assagissant et en ouvrant leur c?ur aux bons messages. Parce qu'on sait à quoi ressemble l'entourage de nos leaders. Je voudrais exhorter tous les Ivoiriens à se joindre à nous. La Côte d'Ivoire n'appartient pas qu'au Premier ministre et au Président. Elle appartient à nous tous. Qu'on soit du Pdci, du Rdr, du Fpi, il est grand temps qu'on s'unisse pour donner cette paix aux Ivoiriens. Paix dont ils ont vraiment besoin.

Dernière question, au nom de la paix et de la réconciliation nationale, est-ce que le commandant Watttao va appeler IB ?


(Rires) Au nom de la paix ? Ça, il me sera difficile de le faire ; du moins pour le moment. Parce que, composer avec un traître, c'est difficile. Parce qu'il nous a trahis. Ce n'est pas la même chose avec ce que nous sommes actuellement en train de faire avec le camp présidentiel, avec qui nous avons fait la guerre. Avec lui, nous avons presque trouvé un terrain d'entente parque nous nous sommes assis et nous avons discuté. Mais lorsqu'on reçoit un poignard dans le dos, venant de celui qu'on a toujours considéré comme un frère, je dis non, c'est difficile. Parce que même en faisant la paix avec lui, l'on s'expose à une autre trahison. Nous n'avons pas la même vision. Et je n'ai de cesse de dire que si chacun savait la place qui était la sienne dans ce pays il n'y aurait pas de grabuge. Vous, vous êtes journalistes. Ce que vous savez faire, c'est écrire et parler. Tout ce que je sais faire, c'est le maniement des armes, assurer la sécurité. Mais, on ne me dira pas, Wattao va être médecin. On me demandera ainsi d'aligner des cadavres au Chu.
Voilà un sergent-chef sans bagage politique, qui veut être président de la Côte d'Ivoire. Ça c'est la dictature et le crime qui seront organisés en Côte d'Ivoire. Parce que nous l'avons vu avec le général Guéi. Cela, nous n'en voulons plus dans notre pays. C'est justement sur ce point que nous ne nous entendons pas. Il niait le fait de courir derrière le pouvoir. Il a créé un parti politique. Mais pour quoi faire. Si ce n'est pas pour se porter candidat. ?'Connais-toi, toi-même'', dit le philosophe. Moi, Wattao, je ne peux prétendre être ministre. Parce que, nommé ministre, le directeur de cabinet viendra un jour te faire signer ton arrêt de mort sans que tu ne le saches. Ce n'est pas parce que les Ivoiriens me vouent sympathie que je vais prétendre être ministre ou secrétaire général des Forces nouvelles. C'est aberrant. Je n'ai pas les bagages (intellectuels et politiques s'entend) que le Premier ministre possède. Il s'agit plutôt pour moi, d'assurer sa sécurité pour qu'il travaille sereinement en vue de faire avancer le pays. La menuiserie aux menuisiers, la maçonnerie aux maçons, la plomberie aux plombiers. C'est ce qu'il y a de mieux pour la Côte d'Ivoire. Le sergent-chef IB peut revenir pour se consacrer aux questions d'ordre sécuritaire. Quant aux ambitions politiques, il doit s'en débarrasser. Il est encore trop jeune pour cela.

Merci commandant.

C'est moi qui vous remercie.



Interview réalisée par Honoré Sépé et Ouattara Abdoul Karim

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