jeudi 9 août 2007 par Nord-Sud

Le président du mouvement de défense des droits humains, N'Gouan Patrick, estime que les origines de la crise vont au-delà des querelles politiques. Il propose un nouveau pacte social pour aller à une paix définitive.

? Pourquoi proposez-vous l'organisation des journées de consensus national? alors que l'accord de Ouagadougou censé ramener la paix est en cours d'application?

Ces journées viennent en complément à l'accord de Ouagadougou dont nous reconnaissons tous les mérites. Certes, cet accord est plus efficace pour aller rapidement aux échéances électorales en passant par l'unification du pays, de l'armée, le recensement électoral avec les audiences foraines et l'identification. Mais le problème de la Côte d'Ivoire ne se limite pas à des questions électorales. Il faut aborder l'ensemble des problèmes. C'est en cela que nous avons trouvé l'accord de Ouagadougou exclusif pour deux raisons. Il est limité aux préoccupations électorales, les autres dimensions de la crise ne sont pas prises en compte. Aussi, l'accord ne concerne que deux personnes, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro. Les autres leaders politiques, eux, sont à la périphérie sans compter la société civile qui est totalement ignorée. Donc de ce point de vue, nous voulons une démarche plus inclusive, plus consensuelle. La flamme de la paix (lundi 30 juillet à Bouaké, ndlr) qui découle de l'accord de Ouagadougou a le mérite d'être un symbole fort. Mais un symbole demeure un symbole. Il a une valeur pédagogique. La crise, elle, n'a pas été un symbole, donc sa solution ne saurait se limiter à des symboles. Elle a eu des impacts importants au plan économique, social, culturel, institutionnelDonc, il faut que la solution prenne en compte toutes ces dimensions. C'est pourquoi nous voulons faire les journées de consensus national non pas contre l'accord de Ouagadougou, mais pour le compléter afin que nous puissions sortir définitivement de la crise.

?Concrètement, comment cela va-t-il se passer ? Nous avons eu le forum de réconciliation nationale en octobre 2001 qui s'est soldé par un échec.

Ce que nous proposons est totalement différent sur le fond et la forme. Sur le fond, c'est de proposer la solution à d'autres dimensions de la crise. Pour nous, depuis 1990, il y a une rupture du contrat social. Et jusqu'à ce jour, il y a un désordre en Côte d'Ivoire. Si nous continuons sur cette voie, nous allons devenir comme le Nigeria, la Somalie des pays qui ont beaucoup de potentialités, mais qui n'arrivent pas à s'en sortir parce qu'il y a du désordre. Donc, il faut renouer le contrat social non pas en recourant aux partis politiques, mais en définissant d'autres modalités de la gouvernance en Côte d'Ivoire. Il n'y a pas de nouveaux repères aujourd'hui. Ce contrat social doit se faire de manière consensuelle, non pas à l'occasion d'un arrangement entre deux personnes. Cela est extrêmement dangereux que ce soit deux personnes qui décident du destin d'une nation. C'est peut-être utile parce qu'il faut mettre fin aux hostilités, mais nous ne pouvons pas continuer à être suspendus aux lèvres de deux ou trois personnes. Après avoir signé un nouveau contrat social, il faut faire en sorte que les résolutions issues de ces journées soient transformées en loi. Ce qui n'a pas été le cas pour le forum de réconciliation nationale en octobre 2001. Aussi, il faut faire en sorte que nous puissions avoir une vue prospective pour la Côte d'Ivoire dans les 20 à 30 ans à venir. Nous ne pouvons nous contenter de réagir toujours au coup par coup.

Cela ne pardonne pas en cette période de mondialisation. Et c'est le problème des pays africains aujourd'hui et en particulier le nôtre. Il n'y a pas d'anticipation, de projection Il faut donc que toutes les éminences grises dans tous les domaines, se retrouvent pour définir de nouvelles perspectives pour la Côte d'Ivoire. Vous ne pouvez pas dire qu'il y a une véritable réconciliation. La question du foncier est entière et n'a pas été réglée par Ouagadougou alors qu'elle est l'une des causes de la crise. Il y a d'autres problèmes de ce genre comme la question de la gouvernance, de la gestion de l'économie nationale. Aujourd'hui, nous sommes à 40% de taux de chômage. Si nous ne résolvons pas maintenant ces questions cruciales, dans les années à venir, ce serait l'insécurité généralisée. Au niveau de la forme, ces journées vont durer deux semaines. Nous avons proposé douze commissions qui vont travailler sur l'ensemble des grandes questions qui concernent le présent et l'avenir de la Côte d'Ivoire. Depuis l'agriculture jusqu'aux questions relatives à l'industrie, au social, à l'éducation, à l'économie, à la politique Un mois avant les journées de consensus, les documents thématiques seront transmis pour réflexion à tout le monde, aux religieux, aux chefs coutumiers, aux opérateurs économiques, aux politiques Nous avons prévu au maximum quatre cents participants dont les trois quarts viennent de la société civile, la vraie. Parce qu'en septembre, nous allons faire les états généraux de la société civile et mettre en place une charte pour définir clairement qui est société civile et qui ne l'est pas.

L'autre quart sera réservé aux structures informelles : les chefs religieux et coutumiers, les Ong qui travaillent dans l'humanitaire et autres. Ce sont eux qui doivent faire remonter les aspirations des populations. Les politiques et l'administration vont représenter l'autre quart des participants. Le tout sera piloté par la société civile et non par l'Etat ou par des partis politiques.

?Mais, il y a eu beaucoup de propositions comme les vôtres mais elles sont toutes restées sans suite véritable

Les trois quarts que nous sommes de la société civile, nous sommes censés traduire réellement les aspirations des sans voix, des aspirations qui vont constituer les priorités de la politique sociale et économique des années à venir, comme les questions de santé, d'éducation, de travail.

Donc, il faut qu'il y ait une nouvelle gestion des maigres ressources des contribuables et de l'Etat Il faut qu'un président qui arrive en Côte d'Ivoire sache qu'il doit rendre compte à la population à partir d'indicateurs. Même si son opposition le critique, nous saurons si oui ou non elle est de mauvaise foi. Nous ne voulons pas d'un président qui passera son temps à faire des meetings, de la propagande qui ne nous amèneront à rien. Il faut faire en sorte que le président qui va être élu soit rassuré et que nous puissions penser aux problèmes les plus concrets : l'emploi, l'éducation, la santé, la lutte contre la pauvreté, le développement industriel, la compétitivité de nos entreprises dans le cadre de la mondialisation. Comme le dit Gamara, quand un rêve est individuel, c'est une utopie, quand il est partagé par tout le monde, il devient une réalité. Notre rêve est partagé par les confessions religieuses, les chefs coutumiers, le secteur privé et par certaines Ong. Il ne reste que la classe politique et l'Etat.

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