jeudi 9 août 2007 par Nord-Sud

La voirie ivoirienne se porte mal. En saison pluvieuse, les désagréments deviennent insupportables pour les usagers. Le Directeur général de l'Agence de gestion des routes (Ageroute) fait le point des chantiers.


? Pourquoi les travaux de prolongement de l'autoroute ont ils été divisés en trois lots?

Les travaux ont été divisés en trois tronçons homogènes de 30 kilomètres chacun (en plus ou en moins) en raison du coût de l'investissement. Il était difficile de trouver un seul financier pour l'ensemble du tronçon. C'est pour cela que nous l'avons divisé en trois.




? En période de pluie, on constate une dégradation avancée de la voirie, notamment à Abidjan. Depuis quelques années, on parle de problèmes d'assainissement. De quelle façon allez-vous les résoudre?

L'assainissement est le vaste problème qui reste à régler. Tous les équipements collectifs doivent suivre l'urbanisation. Ce qui n'est pas le cas d'Abidjan aujourd'hui. Plus on s'urbanise, plus ce problème s'aggrave. Plus on s'urbanise, moins il y a de ressources. Quand ces ouvrages ne fonctionnent pas, ils sont tout simplement bouchés par des ordures. Quelques fois, les canaux n'existent pas. A Abidjan, on parle de terrain viabilisé, semi viabilisé et non viabilisé. Cela veut dire que les ouvrages d'assainissement n'existent pas. Les eaux de ruissellement se retrouvent sur la voie, l'inondent et la détruisent. Or, le premier ennemi de la route, qu'elle soit en terre ou bitumée, c'est l'eau. Les usagers ont leur part de responsabilité dans la destruction des routes. Ils doivent éviter de laisser des dépôts de sable sur les voies et respecter la réglementation en vigueur pour éviter les surcharges. Certaines entreprises viennent creuser la route sans la réparer à l'identique. Tous ces facteurs sont désastreux pour notre voirie.




? Malgré un investissement de 3 milliards Fcfa à la Corniche, beaucoup reste encore à faire à cet endroit ainsi qu'à l'Indénié. Ces lieux prennent de l'eau à la moindre pluie

Absolument. L'Indénié, c'est le même problème qu'on avait à la Corniche. Ce ne sont pas les mêmes eaux. Les gens ont l'impression que le travail à la Corniche n'a pas été bien fait car les eaux qui viennent de Cocody et des Deux Plateaux, passent par là pour être évacuées vers la lagune. Il y avait donc là un dalot bouché et un problème de canalisation qui faisaient que l'eau partait dans tous les sens. Il fallait donc recueillir l'eau et la canaliser. La solution qu'on a trouvée à la Corniche, c'est de faire un barrage en bordure du boulevard Latrille. Donc, les eaux viennent d'abord vers ce barrage (une retenue d'eau). Ensuite par un système de canalisation, on les oriente vers la lagune. C'est cela qui a coûté cher. Or ce sont seulement 500 mètres de chaussée qu'on a réparés. Mais si on ne faisait pas ce travail en amont et qu'on mettait du béton armé, l'eau allait tout balayer. A l'Indénié, les eaux viennent d'Adjamé et du Plateau. Puisque les ouvrages d'assainissement ne fonctionnent pas comme on veut, il faut trouver un site pour le barrage. Mais, avec l'urbanisation peu contrôlée à Abidjan, des zones qui étaient réservées pour ce type d'ouvrage, ont été morcelées et loties. Si bien que si nous avons besoin de faire ces ouvrages, on va de plus en plus loin. Cela renchérit le coût du projet. C'est le même travail que l'on doit faire à l'Indénié. Les études ont été réalisées dans les deux cas par le Bnetd (Bureau national d'études et de développement). Nous attendons les financements. En plus, il y a un autre problème. Comme tout le monde jette les ordures dans la nature, les eaux les entraînent vers la lagune. Donc, il s'est créé une vase au bord de la lagune. Du coup, la route est plus basse que le niveau de la lagune. Il faudra draguer la lagune, enlever toutes ces ordures pour que les eaux coulent en direction de la pente naturelle.




? Les routes du Zoo, de Yopougon Sable et d'Abobo-Samaké et bien d'autres sont dans un état piteux depuis bientôt trois ans. Que faites-vous?

A Yopougon, c'est également un problème d'assainissement. Nous travaillons en collaboration avec le ministère de la Construction et la mairie de Yopougon. Le chantier a commencé. Vous ne voyez pas les ouvriers parce qu'on veut résoudre d'abord la question de l'assainissement. Vous pouvez voir les ouvriers sur la route de Dabou. Peut-être d'ici la semaine prochaine, nous allons couper cette voie parce que ces travaux sont avancés.

Pour la route du Zoo, la chaussée est fatiguée et cela ne sert à rien de boucher les trous. C'est ce que nous appelons les points à temps. C'est le travail le plus ingrat pour un ingénieur des travaux publics. Parce qu'à tout moment des trous vont apparaître. Il faudra aujourd'hui décaper complètement cette voie, refaire le terrassement et remettre une couche de goudron. Nous espérons avoir les ressources d'ici deux à trois mois pour commencer ces travaux dont le coût est compris entre 500 et 600 millions Fcfa.




? Le pont du Vallon-7ème tranche est aussi en reconstruction. Quel est le point sur l'état d'avancement des travaux?

Il n'avance pas beaucoup. Nous avons eu d'abord un problème de déplacement de réseaux. Parce quand nous faisons un projet comme celui-ci, tous les réseaux : eau, électricité et téléphone qui sont dans l'emprise du projet sont à déplacer. Et là, il y avait un gros tuyau de la Sodeci qui alimente toute la zone et qu'il fallait absolument déplacer avant qu'on ne puisse commencer les travaux. Cela a été fait. Et on paie cela à la Sodeci. C'est ce qui a retardé le projet. Le travail doit reprendre. C'est une entreprise chinoise qui a été choisie pour ces travaux. Le coût est estimé à 600 millions Fcfa.




? Deux chantiers importants piétinent: les voies Angré-Plateau Dokui et Abobo-Anyama. Pourquoi?

La voie de Dokui n'est pas de notre ressort. Depuis la mise en place de la décentralisation, il y a eu de nouveaux maîtres d'ouvrage: les conseils généraux, les départements, les communes et le district. Ils ont normalement en charge le réseau qui est sur leur périmètre. Si bien que, dans une ville comme Abidjan, l'Ageroute ne devrait s'occuper que des routes d'intérêt national. Ce sont les routes de traversée ou de contournement. Les mairies doivent s'occuper des routes situées à l'intérieur de leur commune. Mais, personne n'a les moyens aujourd'hui, ni l'Ageroute ni les conseils généraux ni les communes. Donc, on essaie de travailler ensemble et chacun apporte un financement. Nous avons essayé quelques projets où le district et la mairie ont contribué pour réhabiliter le boulevard de France à Cocody. Mais, c'est l'Ageroute qui a apporté le plus gros financement. Par contre, la route d'Abobo-Anyama nous revient. Le marché a été attribué à Lev Côte d'Ivoire qui avait commencé les travaux. On a payé l'avance de démarrage. Mais le reste n'a pas suivi. Parce que depuis maintenant 3 à 4 ans, compte tenu de la crise, le budget de la Côte d'Ivoire est mis en vigueur au mois de juin. Or, techniquement, l'entrepreneur ne peut pas prendre de risque tant que le travail n'est pas budgétisé. Mais il y a un programme d'urgence qui a été mis en place pour les financements d'urgence par le ministère de l'Economie et des Finances. Jusqu'à la fin de ce mois d'août, on pourra relancer les travaux d'Abobo-Anyama.




? A combien estimez-vous aujourd'hui vos besoins annuels pour l'entretien des routes ?

Pour donner la situation des financements de l'entretien routier je compare généralement deux années : 1985 et 2005. Si on prend seulement le réseau bitumé qui était de l'ordre de 6.500 kilomètres en 1985, 77% de ce réseau bitumé était en dessous de sa durée de vie. Le réseau était relativement neuf. En 2005, vingt ans plus tard, les rapports sont inversés et 80% du réseau bitumé est au-delà de sa durée de vie. Le réseau a vieilli. Quand on regarde les financements consacrés à l'entretien routier, en 1985 en terme de ressources budgétaires, la Côte d'Ivoire consacrait à peu près 250 Fcfa par km de route bitumée. En 2005, ce montant a baissé et se trouve à 215 Fcfa.

L'Etat est conscient de cette situation. C'est pour cela qu'il a compris qu'il était indispensable de sécuriser le financement de l'entretien routier. C'est ce qui a donné naissance à la reforme de l'Ageroute d'une part et au Fonds d'entretien routier (Fer) d'autre part. Malheureusement, le mécanisme de financement n'a pas pu être mis en place en raison de la crise de septembre 2002. C'est en mai 2006 que ce mécanisme a été finalement mis en vigueur, en partie. Parce qu'initialement, on avait pensé que la taxe spécifique sur les produits pétroliers devait aller à 100% à l'entretien routier donc au Fer. Encore une fois, à cause de la crise et des difficultés financières de l'Etat, c'est seulement le quart de cette taxe spécifique qui alimente le fonds aujourd'hui. Ce qui fait qu'aujourd'hui, le Fer, bon an mal an, va mobiliser entre 10 et 12 milliards Fcfa. Sinon, hormis les constructions neuves, pour l'entretien du réseau routier, il nous faut 80 milliards Fcfa par an sur 10 ans pour rattraper le retard. Cela paraît énorme. Mais 1km de route bitumée en fonction du terrain va de 200 à 500 millions Fcfa. Au sujet de l'entretien routier, le Sénégal doit avoir entre un tiers et 40% du réseau routier ivoirien. Ils ont créé l'Atr (Agence autonome des travaux routiers), l'équivalent de l'Ageroute. Le Sénégal consomme 60 milliards Fcfa par an pour l'entretien et le Bénin qui a entre 20 et 25% du réseau ivoirien, consomme entre 25 et 30 milliards Fcfa par an. Les bonnes années, la Côte d'Ivoire consomme entre 15 et 20 milliards de Fcfa. Nous dépensons beaucoup moins par rapport à ces pays qui ont des réseaux moins étendus.





Interview réalisée par Cissé Cheick Ely

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