jeudi 9 août 2007 par Notre Voie

Député, président du conseil général de Danané et président du groupe parlementaire UDPCI, Noutoua Youdé a organisé récemment, un meeting de soutien à l'accord de Ouaga à Zouan Hounien. Dans cet entretien qu'il a eu avec la press,il fait le point de cette manifestation, parle de l'UDPCI, de son président et des sanctions prises contre lui par ce parti. Monsieur le président, vous venez d'organiser à Zouan Hounien un grand rassemblement de soutien à l'accord de Ouaga qui a vu la participation du président du Conseil économique et social, M. Laurent Dona Fologo. Quelques jours après, pensez-vous avoir atteint votre but ?
Noutoua Youdé : Notre mission a été accomplie, au-delà même des attentes de tous ceux avec qui nous avons initié ce meeting. Parce que nos hôtes ont été satisfaits de ce grand rassemblement sur les deux départements. Les gens sont venus de Danané, de Zouan Hounien, de Bin Houyé, de Mapleu, etc. Bref, de toutes les contrées pour recevoir toutes les personnalités qui ont effectué le déplacement et exprimer en ch?ur leur soutien à l'accord de Ouaga, mais aussi à ses initiateurs dont principalement le président de la République, le président Gbagbo. Nous sommes heureux et soulagés parce que de leurs salons feutrés ici à Abidjan, des gens décrètent que telle ou telle personnalité n'a personne derrière elle ; et c'était l'occasion véritablement de leur apporter une réplique forte. Envisagez-vous de mener d'autres actions ?
N.Y. : Après ce grand rassemblement, nous allons entreprendre dans le département, et cela pendant dix jours, des tournées dans tous les chefs-lieux de sous préfecture et de commune pour expliquer de plus près à nos populations ce que nous attendons d'elles. A la fin de cette tournée, nous allons redescendre à Abidjan avec près de deux cent chefs notables, qu'ils soient Yacouba ou des leaders de populations que nous avons reçus chez nous. Nous viendrons pour inviter le président de la République à entreprendre une visite dans notre région. Vous savez qu'il a initié une visite dans l'extrême ouest. Mais il est resté à la porte de notre département, il est resté à Toulépleu et nous souhaitons véritablement que le président de la République vienne à Zouan Hounien, lui qui a bien voulu l'ériger en chef-lieu de département où il a déjà affecté son premier préfet qui a été installé officiellement par le ministre d'Etat Paul Antoine Bohoun Bouabré à la faveur du meeting du 28 juillet dernier. Le ministre Bleu Lainé, à la suite du ministre Hubert Oulaye, a lancé un appel au ministre Mabri Toikeusse afin qu'il s'associe aux actions initiées dans ces deux départements en soutien à l'accord de Ouaga. Doit-on comprendre par là que le président de l'UDPCI mène campagne contre l'accord politique dans la région? Ce qui signifierait que vous êtes engagés dans un combat de leadership qui ne dit pas son nom ?
Chacun de nous a un rôle. Mabri est le président d'un parti politique national. Et son ambition qui est celle de tous les partis politiques sérieux, est de conquérir le pouvoir d'Etat sur le plan national. Moi, je suis président du conseil général du département de Danané. Ce que les populations peuvent réclamer de moi comme bilan, ce sont des infrastructures, un certain nombre d'actions sur le terrain. Mabri n'a pas cette obligation de résultat sur le territoire de Danané. Je ne pense pas qu'il y ait problème de leadership entre le ministre Mabri et moi dans la région. Il est le président d'un parti politique qui n'est pas créé pour le département de Danané. Je ne pense pas que l'UDPCI ait été taillé dans les contours géographiques, sociologiques et ethniques de Danané. Ce serait catastrophique. Même si depuis six ou sept mois maintenant, il est en tournée seulement dans ce département. Je ne sais pourquoi d'ailleurs, alors que le reste du territoire est vaste et a besoin qu'il le conquiert. Avant le meeting de Zouan Hounien, vous aviez été suspendu de vos fonctions au sein du parti et il y a quelques jours, vous avez été remplacé à la tête du groupe parlementaire UDPCI et déclaré comme simple militant de base. Comment réagissez-vous à tout cela ? N'est-ce pas votre soutien à l'accord de Ouaga qui est à la base de toutes ces sanctions.N.Y. : J'espère vraiment que ce n'est pas pour cela qu'on me sanctionne sinon ce serait trop grave. Si un membre du gouvernement de Guillaume Soro devrait me sanctionner parce que je soutiens l'accord de Ouaga, il aurait été plus intéressant pour lui de démissionner. Vous ne pouvez pas dire publiquement Je suis d'accord, donc je peux faire partie de l'équipe'' et dans le même temps, vous combattez en sourdine ceux qui soutiennent l'accord. J'espère que ce n'est pas cela. Le problème de l'UDPCI est un problème difficile à comprendre. Lorsque vous avez créé un parti politique avec quatorze députés à l'Assemblée nationale, et qu'il ne vous reste plus que quatre, il y a lieu de s'interroger sur ce qui provoque cette érosion. Est-ce tous ceux qui sont partis qui sont en faute ? Ou bien ceux qui poussent à la route qui sont en faute ?
Selon vous, qui est en faute ?
N.Y. : A la création de ce parti, nous étions quinze à avoir déposé nos noms au ministère de l'Intérieur. De ce groupe qui a porté l'UDPCI sur les fonts baptismaux, il n'en reste plus que deux à ce jour. Tout cela doit amener à se poser des questions.
Est-ce que ce n'est pas la trop grosse ambition d'être, l'envie de paraître, de demeurer le maître qui amène à trancher toutes les branches qui peuvent faire ombrage à son projet ? Est-ce que c'est tout cela qui provoque cette saignée ? Je ne sais pas, je m'interroge. Mais je n'ai pas encore pu comprendre cette précipitation à sanctionner chaque fois, à trancher la tête des uns et des autres dès lors qu'ils réfléchissent autrement, d'apporter des idées nouvelles. Celui qui m'a remplacé à la tête du groupe parlementaire est un aîné que je respecte beaucoup. Je crois qu'il a accompli là tout simplement un devoir de militant. Pendant plus de cinq ans, j'ai porté sur ma seule tête pratiquement le groupe parlementaire UDPCI. Au moment où les autres députés vaquaient à leurs occupations, j'étais avec un ou deux autres en train de rédiger, de réfléchir sur les projets de loi, d'apporter des réponses, des contradictions, de participer aux débats à l'Assemblée. Et de faire en sorte que notre parti ait sa voix dans cette enceinte qui est le haut lieu de la démocratie dans notre pays. Si l'on estime qu'aujourd'hui, je ne peux plus faire l'affaire, il est hors de question que je porte la guerre contre la direction du parti. Je suis soulagé au contraire car on m'a déchargé d'un fardeau. Je ne suis pas fait pour être toujours le président du groupe parlementaire de notre parti. Il y a d'autres valeurs dans le parti et celui qu'on vient de mettre à ma place est un homme de grande qualité. Je suis convaincu qu'il fera mieux que moi lorsque les débats reprendront à l'Assemblée. Monsieur le président,allez-vous, comme les autres,déposer vos valises dans un autre parti ?
N.Y. : Je ne peux pas partir. Je suis UDPCI et je le resterai. Il a été décidé de me décharger de toutes les fonctions que j'assumais au nom du parti. C'est-à-dire le bureau politique. J'étais le huitième vice-président, donc il y avait du beau monde avant moi. Ce parti, comme le président Mabri l'a dit, survivra. J'espère que ce n'est pas un simple slogan. En tout cas, moi, je ne pars pas. Je reste militant de base. Ce que je dois faire maintenant c'est de voir s'il y a un comité de base dans mon quartier pour que je puisse m'inscrire et participer à la vie de notre partie à la base. Peut-être qu'à partir de là, je serai beaucoup plus discipliné, et mieux formé au militantisme dans un parti politique comme l'UDPCI. J'en saisirai les valeurs fondatrices, j'en respecterai les animateurs principaux. C'est-à-dire le président, le secrétaire général, le président de la jeunesse, la présidente des femmes Certainement qu'ayant fait partie de la phalange qui a créé l'UDPCI, je n'ai pas eu le temps de l'apprentissage nécessaire pour être un bon militant. Et à partir de la semaine prochaine, je m'engage à apprendre. Il n'est jamais trop tard pour le faire. Comment voyez-vous l'avenir de l'UDPCI ?
N.Y. : Notre parti, le président nous a rassuré qu'il survivra. Et qu'au-delà de tout cela, il sera au deuxième tour de l'élection présidentielle prochaine. Donc il attend déjà son challenger. A l'entendre parler ainsi, je n'ai plus d'inquiétude. Nous nous apprêtons à accéder au palais présidentiel du Plateau. J'imagine qu'à la place où il est, c'est-à-dire au-dessus de tout le monde, il voit bien loin. Et ce n'est pas pour feindre qu'il dit cela. Et il doit avoir aussi les moyens pour atteindre ses ambitions. A la réunion au cours de laquelle il a pris des sanctions contre moi, il avait déjà déclaré qu'il pesait plus de trois cent millions FCFA. Quand, dans une période de guerre, une période de tristesse, de souffrance des populations, où les gens ne mangent même plus deux fois dans la journée, où les gens meurent de maladies bénignes, pour avoir été au gouvernement seulement pendant quelques années, et on sait d'où chacun de nous est parti, quelqu'un vous dit : ?'Je pèse trois cent fois cent millions'', il faut le prendre au sérieux.
Objectivement, est-ce que l'UDPCI existe encore ?
N.Y. : Notre parti existe puisqu'il continue de bénéficier de tout ce que l'accord de Marcoussis a prévu pour les partis politiques qui y ont participé. Après s'être débarrassé de ce qu'ils ont appelé les ténias, les feuilles mortes, le corps saint qui va pousser maintenant va être un corps merveilleux sur lequel pousseront des feuilles merveilleuses, vertes, qui inonderont la Côte d'Ivoire toute entière. Ce que je crains, c'est que voilà huit mois que le président de notre parti tourne dans son département. Il ne peut pas mettre pied à Bangolo, il ne peut pas mettre pied à Toulépleu ; je ne parle même pas des autres villes qui sont un peu plus éloignées. Je ne sais pas si dans sa stratégie de conquête du pouvoir, puisqu'il se proclame déjà au deuxième tour de la présidentielle, il a une formule magique pour résoudre ce problème. Je l'espère véritablement. Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est le sort de nos populations. Il faut être sérieux avec soi-même. Il faut être sérieux avec nos parents qui nous regardent ; il faut être sérieux avec notre peuple qui nous a choisis. Je le répète, Mabri n'a pas de compte à rendre aux populations de Danané et Zouan- Hounien, moi j'ai des comptes à rendre. Il est vu un peu comme le père Noël. Il arrive pendant la période de Noël ; il dépose dans la botte des enfants des bonbons, un peu de soulagement, des tee-shirts Il donne un peu d'argent ici et là pour soulager les gens. Mais enfin, ça s'arrête là ; ça ne peut pas sauver un peuple. Ça ne peut pas électrifier nos villages, ça ne peut pas faire des pistes villageoises. Ça ne peut pas faire des pompes hydrauliques ou du système d'hydraulique améliorée. Ça ne peut pas reconstruire les maisons de santé qui ont été pillées. Ça ne peut pas refaire l'école. Au-delà du soutien à l'accord de Ouaga, est-ce que le rassemblement de Zouan-Hounien n'est pas une façon pour les populations sorties massivement de dire que vous ne méritez pas d'être sanctionné ?
N.Y. : La sanction est tombée à la veille de la manifestation ; et ceux qui l'ont proclamée avaient imaginé que les populations, informées de ce fait, bouderaient la cérémonie. Bien au contraire, cela a galvanisé les populations ; elles voyaient qu'on les arrachait progressivement au discours d'un gourou-chef de secte dans une région. Comme nous-mêmes avons participé à la construction de ce discours, comme nous même avons fait ce discours, il était important pour notre peuple que nous avons décidé de rompre avec ce discours pour poser les problèmes qui leur sont véritablement posés et qui ont besoin de solutions. N.V. : Pour les élections présidentielles de 2008, quelles sont les chances du candidat Laurent Gbagbo dans votre circonscription ?
N.Y. : Je ne saurais avancer des chiffres. Mais sachez que nous sommes dans un processus. Il y a environ une cinquantaine de cadres de tous partis politiques qui, aujourd'hui, se sont associés à ce projet pour réconcilier notre département avec le président Gbagbo. Au-delà de tout ce qui se dit à Abidjan, je suis en train de m'interroger sur la réalité des candidatures annoncées par-ci et par là. Car en même temps qu'on proclame des choses en public, nuitamment on fait des démarches à droite et à gauche pour rassurer les uns et les autres sur ses intentions réelles. Par rapport à la mobilisation que j'observe au niveau des cadres et des élus, en dehors de Mabri qui est au gouvernement, il y a trois députés et nous sommes deux députés engagés dans ce projet. Au niveau des maires, deux sur trois sont avec nous. Vous voyez que la majorité est de notre côté. En plus de cela, il faut citer d'importants et de nombreux cadres qui se sont associés à ce projet parce qu'ils sont plus préoccupés par le sort de notre région. Est-ce que Laurent Gbagbo gagnera dans nos départements ? Je commence à y croire, ce ne sera pas aussi difficile qu'on le croit à Abidjan.



Propos recueillis par Vincent Deh

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