jeudi 9 août 2007 par Le Front

Le bûcher de la paix dressé, le 30 juillet dernier à Bouaké, marque, sans nul doute, un tournant décisif pour le président Laurent Gbagbo et le Premier ministre Guillaume Soro. S'ils n'ont pas, tout à fait, changé ils ne sont plus, tout à fait, les mêmes. Explications.


?' La guerre est finie. C'est tout ce que je suis venu vous dire aujourd'hui'', a déclaré Gbagbo lors de la cérémonie de la flamme de la paix. Il peut s'estimer heureux. Cela fait presque six ans qu'il ne s'était pas rendu dans la capitale de la Vallée du Bandama. De fait, pour lui, Bouaké était devenue une zone rouge. Il est, certes, encore le chef de l'Etat mais, 60% du territoire national échappait à son autorité. Ses partisans et lui avaient, en effet, beau affirmer, mi-sérieux mi-provocateurs, que ?' les institutions fonctionnent et que l'Etat marche'', personne n'était dupe. Tout le monde savait que cela ne valait que pour la zone contrôlée par le camp présidentiel et qu'au-delà de Tiébissou, les institutions de la République et l'Etat recouvraient d'autres réalités. Celles des Forces nouvelles dont le secrétaire général, Guillaume Soro, jouait le rôle officieux de ?' chef d'Etat'' de fait de la partie septentrionale du pays. Ainsi, Laurent Gbagbo au Sud, Guillaume Soro au Nord, la Côte d'Ivoire offrait-elle l'image peu enviable d'un pays divisé en deux zones antagonistes.
C'est à cette anomalie ou incongruité que ?' la flamme de la paix'' a mis un terme le 30 juillet en unissant la zone sud de la Côte d'Ivoire à la zone nord. La flamme de la paix a donc réunifié le pays qui est désormais placé sous l'unique autorité du président Laurent Gbagbo. Pour lui, le bûcher de la paix est plus qu'un symbole. Il lui donne l'occasion de redevenir ce qu'il avait cessé d'être depuis le 19 septembre 2002 : le président de toute la Côte d'Ivoire. Le voilà réhabilité au nord où il était considéré comme un ennemi voire le ?' diable'', surtout après l'échec de l'opération ?' Dignité'' de novembre 2004.
Pour Guillaume Soro, les dividendes du bûcher de la paix ne sont pas moindres. ?' La présence effective de vos excellences et la grande mobilisation du peuple de Côte d'Ivoire nous imposent d'aller de l'avant dans la marche vers la réconciliation. Face à tant d'engouement et de ferveur, nul n'a le droit de ramer à contre-courant du processus de paixLa Côte d'Ivoire est réunifiée, la paix est là'', a déclaré, très inspiré et en verve, le Premier ministre Soro face au parterre des chefs d'Etat (six au total qui ont effectué le déplacement de Bouaké). On peut dire que l'ex-chef rebelle a réussi sa mue. Après avoir fait le coup de feu avec Gbagbo, le voilà disposé et déterminé à ramener la paix dans son pays. Il est donc, désormais, dans une posture de ?' faiseur de paix''. Ce qui ajoute une nouvelle dimension à la stature d'homme d'Etat que lui a taillée l'accord politique de Ouagadougou (Apo) qui l'a propulsé à la Primature. Naguère diabolisé et présenté comme un ?' traître'' à la patrie par le clan présidentiel, il s'était déjà racheté en signant l'Apo. La cérémonie de la flamme de la paix a fait de lui, quasiment, un homme nouveau. Elle marque, en vérité, la naissance du Guillaume Soro nouveau. Il a définitivement revêtu ses atours d'homme de paix. ?' J'offre aux Ivoiriens ma détermination, mon engagement. J'irai jusqu'au bout de la paix de façon acharnée'', a-t-il promis. Plus qu'une promesse, c'est une déclaration de foi dont personne ne devrait douter de la sincérité. Il est donc clair que, pour Guillaume Soro, le bûcher de la paix tourne une page. Celle de la violence et de la guerre. ?' Il y a un temps pour tout ; un temps pour faire la guerre, un temps pour faire la paix un temps pour se battre et un temps pour se réconcilier, un temps pour prendre les armes et un temps pour les déposer. Aujourd'hui, j'affirme notre désir profond et sincère de faire la paix, la vraie paix'', dira-t-il, fort opportunément. Aussi, le bûcher de la paix sonne-t-il, visiblement, comme une légitimation de la mission de paix dévolue à Guillaume Soro par l'Apo. De plus, en permettant la réunification du pays, il gagne ses ?' galons'' de patriote pour le clan présidentiel.
Au total, Gbagbo et Soro auront tiré, l'un et l'autre, d'énormes bénéfices psychologiques de la flamme de la paix qui a ajouté un plus à leur cohabitation. Ils ont presque destin lié pour la conduite du processus de paix. Les Ivoiriens attendent d'eux des actes concrets et productifs pour le retour définitif de la paix et l'organisation des futures joutes électorales. Dans la transparence.





Honoré Sépé

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023