vendredi 3 août 2007 par Fraternité Matin

La colère est mauvaise conseillère. Après l'extraordinaire mobilisation de tous les Ivoiriens, sans exception et quelles que soient leur classe sociale, leur appartenance politique et leur religion, à l'historique et inoubliable cérémonie de la Flamme de la paix?, à Bouaké, Bédié, Ouattara et tous les autres Cassandre se mordent les doigts. Réalisant avoir commis, à leurs propres dépens, une grosse bourde politique, ils se défendent. Sur le tard. Et malheureusement, sans convaincre. Car l'habitude est une seconde nature. Au point que les deux poids lourds de l'opposition n'ont cessé de se montrer familiers de telles gaffes. En mars 2004, l'intervention du Président ghanéen, John Kufuor, alors président en exercice de la CEDEAO, ne les avait pas fait reculer. Dans une atmosphère très électrique, ils avaient choisi de lancer dans la rue leurs militants dans une marche pourtant déclarée interdite par les autorités ivoiriennes. But inavoué de l'opération: se servir des inévitables victimes comme un fonds de commerce politique. Objectif visé: la disqualification de Laurent Gbagbo, au plus fort de la campagne de diabolisation de son régime, et son inculpation pour crimes contre l'humanité.
C'est dans cette logique de décrédibilisation et de déligitimation de la cérémonie du Bûcher de la paix? qu'ils se sont inscrits. Espérant, sans doute secrètement, un fiasco retentissant. Pour revendiquer, une fois de plus, leur majorité sociologique.
Ils refusent de croire à la force des symboles. Ainsi, malgré l'invitation formelle de Soro Guillaume (Premier ministre et président du comité d'organisation) et la présence annoncée de huit Chefs d'Etat africains (qui étaient finalement six), Bédié et Ouattara ont refusé d'effectuer le déplacement de Bouaké. Bien qu'étant sur le territoire ivoirien. Contrairement à l'ex-Premier ministre, Charles Konan Banny, qui, lui, se trouvait à Dakar.
L'histoire ne pourra donc que retenir que les présidents du PDCI-RDA et du RDR ont laissé passer l'occasion en or de donner un sens vivant à leurs professions de foi de leaders tolérants, d'hommes de paix et de patriotes. Il s'avère, en effet, difficile de comprendre que le plus vieux parti de Côte d'Ivoire n'ait pas été représenté par Bédié, en personne, à cette cérémonie; alors qu'il réclame la paternité du dialogue direct. Il faut aussi s'étonner que le président du RDR, qui aime passionnément son pays?, selon les mots bien choisis d'Ally Coulibaly (porte-parole du RDR, in Nord Sud quotidien n°664 du 1er août 2007), n'ait pas sauté sur l'aubaine pour le démontrer aux yeux de ses concitoyens. Surtout dans une commune qui est tombée aux mains du RDR.
A la vérité, les deux principales raisons avancées pour justifier la politique de la chaise vide de nos deux dinosaures, sonnent faux. Car, personne ne croit à l'argument de certains qui prétendent qu'un parti ne se réduit pas à un individu. Cette assertion est battue en brèche par les réalités du terrain et la mainmise de ces leaders politiques sur leurs partis. Parce qu'ils en sont l'alpha et l'oméga. C'est pourquoi personne n'a trouvé à redire au PDCI-RDA quand Bédié, en ignorance des règles de discipline de son parti, s'est engagé dans la campagne électorale alors que la convention avait désigné le candidat officiel du parti à la présidentielle d'octobre 2000. C'est également pour cette raison qu'au RDR, tous les candidats aux élections législatives de décembre 2000 s'étaient cru obligés ? mais ne l'étaient-ils pas? ? de renoncer à leur candidature quand celle d'Alassane D. Ouattara avait été invalidée par la Cour suprême. Résultat: tous les partis politiques ivoiriens ou presque se réduisent à un individu; parce qu'en fait, ils fonctionnent tous (ou presque) comme des clubs de soutien. Le parti = le leader et le leader = le parti.
Par ailleurs, si l'on en croit d'autres, la présence des deux hommes ne s'imposait pas à la cérémonie de la Flamme de la paix?. Tout comme elle ne s'était pas avérée nécessaire lors de la signature de l'Accord de Ouaga, le 4 mars dernier entre les ex-belligérants.
Cette pirouette et ce raccourci utilisés pour botter en touche, sont l'illustration patente de leur manque d'argument pour maquiller la forfaiture. Car, pour être conséquents avec eux-mêmes, ces deux leaders auraient dû refuser de siéger au Comité permanent de concertation (CPC) où ils ont le rang de président d'institution. Résultat: Bédié et Ouattara, déstabilisés par la nouvelle tournure que prennent les événements, ont perdu le nord. Aussi, veulent-ils, à la fois, une chose et son contraire. Malheureusement, tout cela contribue à détériorer inutilement l'atmosphère politique et à raidir les positions.
Mais, ces ex-coqueluches de l'opinion internationale s'exposent à avoir à foncer, tête baissée, dans le mur de l'isolement politique. A leurs risques et périls. Sur la scène internationale, ils sont visiblement en perte de vitesse. Et sont conscients que leur étoile commence à pâlir. A vue d'?il. C'est un signal fort qu'ils devraient s'évertuer à décrypter pour réorienter leurs man?uvres. Alassane Ouattara vient de perdre de sa superbe en Occident. Il a bouclé son récent séjour de plus d'un mois (13 juin ? 16 juillet) sans qu'aucune personnalité politique d'envergure ne l'ait reçu. Ni en France. Ni aux Etats-Unis. L'horizon semble se boucher.

Ne tirant pas les leçons de cette nouvelle donne, les présidents du PDCI et du RDR ont entrepris de se battre contre des moulins à vent. Pour vaincre leurs seuls vrais ennemis dans la crise actuelle: le doute et la résignation qui les suivent toujours comme leur ombre. Et qui les ankylosent. C'est pour cette raison qu'ils jouent à se faire peur. En tentant l'impossible: toujours essayer de faire exécuter leur volonté par la communauté internationale.Ils ont tapé bruyamment du poing sur la table, menacé et vitupéré contre le Conseil de sécurité de l'ONU pour obtenir une réécriture de la Résolution 1765. Combat perdu d'avance.
Les dés sont pipés depuis l'Accord de Ouaga. En acceptant d'accompagner, dans le dialogue direct, Laurent Gbagbo - qui a déclaré publiquement caduques toutes les résolutions antérieures de l'ONU - et en proclamant son adhésion, totale et entière?, à l'arrangement politique de la capitale burkinabé, la communauté internationale a accepté de sortir de l'arène politique ivoirienne. Et de faire d'une pierre deux coups: d'abord, elle reconnaît avoir fait chou blanc dans la résolution de la crise; ensuite, elle remet entre les mains des Ivoiriens le destin de leur pays. Pour sortir du guêpier.
Entre le réel et l'idéal, la communauté internationale a fait le choix de la realpolitik: s'aligner sur les positions des ex-belligérants. Nicolas Sarkozy a exprimé, hier même, son soutien à Gbagbo et à Soro. C'est une douche froide pour l'opposition, que l'ambassadeur de France, André Janier, a confirmée ce mercredi à Daoukro après son audience avec Bédié. Cette décision (suppression du poste de Haut représentant des Nations unies pour les élections en Côte d'Ivoire, ndlr) n'a pas été prise ex-nihilo. C'est après de nombreux contacts avec le facilitateur qui est l'arbitre de l'accord. Et le Conseil de sécurité s'adapte à la situation en Côte d'Ivoire après la signature de l'Accord, le 4 mars 2007?, a-t-il déclaré. Pour exprimer à nos chers opposants la vanité de leurs revendications. Et la fin de leurs illusions.

Par
Ferro M. Bally

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