jeudi 2 août 2007 par Le Patriote

En s'écriant à Bouaké : Il nous faut aller vite aux élections? Gbagbo jette de la poudre aux yeux des Ivoiriens.

A partir d'aujourd'hui, nous sommes dans les préparatifs des élections. Oui, il nous faut aller aux élections vite, vite, vite. Ces propos de Laurent Gbagbo, prononcés lors de son discours à la cérémonie de la flamme de la paix, ont eu l'effet entraînant que, sans doute, l'homme recherchait. Car la foule, massée par milliers dans les tribunes et les gradins du stade municipal de Bouaké où se déroulait l'événement déjà présenté comme l'un des plus décisifs du processus de sortie de crise en Côte d'Ivoire, n'est pas évidemment resté insensible aux qualités d'harangueur du chef de l'Etat. Vite, vite, vite ! , ont répondu en ch?ur dans un tonnerre d'applaudissements et à plusieurs reprises, le public, ivre de joie. Et, sentant que le poisson avait mordu à l'hameçon, le chef frontiste de poursuivre : Oui, immédiatement après la fête de l'indépendance, je donnerai des instructions au Premier ministre pour qu'il prenne des dispositions pour que nous partions vite et que nous réalisions très rapidement le reste de l'accord . Nouvelle manifestation de l'hystérie collective que n'allait plus cesser de susciter l'hôte de Soro Guillaume tout au long de son allocution.
Tel était donc l'angle sous lequel Laurent Gbagbo appréhendait l'une des questions politiques les plus cruciales du processus de sortie de crise : la question électorale. Celle notamment de l'organisation de l'élection présidentielle. Pour lui, cette échéance n'avait plus intérêt à perdurer d'avantage. Il s'estimait prêt à mettre tout en ?uvre pour que vite, vite, vite, on en finisse avec ce rendez-vous dont il décrétait pour ainsi dire le début des préparatifs.
Ce qu'il n'a pas dit et que, pourtant, l'observateur le moins averti de la scène politique ivoirienne n'avait eu aucun mal à comprendre, c'est que si lui, Gbagbo, affichait ainsi un tel empressement à voir les élections organisées, c'est qu'il y en avait certains parmi les autres acteurs politiques ivoiriens qui n'étaient guère dans la même disposition d'esprit que lui. Si lui était pressé, d'autres ne l'étaient pas. Voici le sens de sa pensée profonde. Dans une Côte d'Ivoire en crise depuis bientôt cinq ans et qui a vogué de reports d'élections en reports d'élections, il n'est nul besoin d'être un mage pour comprendre alors que le chef de l'Etat accusait ainsi son opposition.
Ce serait donc en quelque sorte cette opposition ? et en cela il est resté constant dans l'élan démagogique de l'animal politique qui, de notoriété publique, bouillonne en lui ? la cause du blocage du processus électoral depuis longtemps. S'il fallait aller vite, vite, vite , c'est à ses yeux pour court-circuiter ces empêcheurs d'organiser les élections en rond.
Plus prosaïquement, c'est un doigt accusateur qui est porté contre le RHDP et en particulier le RDR et le PDCI qui manoeuvreraient pour que le scrutin ait lieu le plus tard possible.
Mais, on peut le dire, la première méprise de Laurent Gbagbo en sortant ce numéro digne du prestidigitateur politique dont on lui connait le talent dans ce pays, c'est d'avoir tenu ces propos devant les chefs d'Etat étrangers qui ont honoré de leur présence cette manifestation. Que ce soit tout au moins Blaise Compaoré, Amadou Toumani Touré et même Thabo Mbeki, et à un certain degré les jeunes , Faure Gnassimgbé, Yayi Boni, tous savent pertinemment que si les élections n'ont pas pu se dérouler jusque-là en Côte d'Ivoire, c'est parce que les multiples accords politiques qui en avaient tracé les clauses, acceptées par toutes les parties, n'ont jamais été respectés par Laurent Gbagbo. Il savent tous que depuis Marcoussis, en passant par Accra I et II, Pretoria I et II, tout a été mis en ?uvre par le camp présidentiel pour en freiner l'application. Même si on admet que les étrangers ont de gros yeux et qu'ils ne voient pas clair, au moins ces honorables personnalités savent combien Gbagbo s'est marginalisé aux yeux de la communauté internationale quasi entière par son phénoménal et légendaire double langage. Qui consiste à signer les accords en terres étrangères et à les remettre en cause, une fois retourné dans son pays.
La deuxième méprise de Gbagbo, c'est de croire que les Ivoiriens sont suffisamment amnésiques pour ne pas se souvenir que le FPI, le parti présidentiel, avait instauré toutes ces années, à travers ses jeunes patriotes , un Etat de terreur qui consistait à exercer la violence sous toutes ses formes contre tout ce qui était entrepris dans le sens de l'organisations d'élections transparentes et ouvertes. Veut-il faire croire que personne ne se souvient dans ce pays de la véritable guérilla urbaine qui a eu cours contre les audiences foraines et qui a causé la mort de plusieurs Ivoiriens ? Pourquoi le camp présidentiel s'en était-il pris aux audiences foraines ? Eh bien, c'est parce qu'il craignait que le fichier électoral ne s'enfle de milliers de nouveaux noms des sans papiers favorables au RDR. Pourquoi le parti présidentiel se bat-il tant pour imposer l'INS dans le processus d'établissement des cartes électorales ? C'est parce qu'il sait que cette institution a la latitude de manipuler le listing électoral de 2000.
La troisième erreur de ce nouveau discours est sans doute celle qui consiste à croire que les Ivoiriens ne sont pas capables de se poser la véritable question de fond dans le débat électorale de ce pays : Qui a vraiment intérêt à ce que les élections n'aient pas lieu en Côte d'Ivoire aujourd'hui ? Du RDR, du PDCI et du FPI à qui profiterait le statut quo actuel ? Pourquoi un parti qui est au pouvoir et qui a suffisamment montré et démontré sa grande capacité à s'adjuger, de façon aussi spectaculaire qu'insolente, le trésor national, va-t-il se presser de risquer de le perdre ? A quelle logique cela obéirait de se presser d'organiser les élections quand on a en face de soi une opposition qui brandit tout les jours sa capacité sociologique à gagner les élections sans coup férir ? Une opposition dont les leaders ont plus à gagner d'aller vite aux élections que de courir le risque de laisser s'installer la démobilisation en son sein et d'être essoufflé financièrement ? Qui donc de Gbagbo et son opposition a intérêt à ce que les élections n'aient pas lieu?

Koré Emmanuel

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