jeudi 2 août 2007 par Notre Voie

Le ministre de la Justice Koné Mamadou est le président du secrétariat technique de la Flamme de la paix? organisée lundi à Bouaké. Il fait ici le bilan de la cérémonie.

Notre Voie : Quel bilan dressez-vous de la cérémonie de la flamme de la paix, lundi, au stade municipal de Bouaké?
Koné Mamadou : Je voudrais laisser le soin au le Premier ministre de tirer le bilan de la manifestation parce que c'est lui, le président du comité d'organisation. Je n'étais, pour ma part, que le président du secrétariat technique chargé d'assurer la coordination de toutes les commissions créées. Il est donc préférable que le Premier ministre lui-même, tire les leçons de la manifestation. Pour ma part, je sens une certaine satisfaction de ce qui s'est passé. Parce que, ce n'était pas évident. Très peu de personnes croyaient en la journée du lundi. Les oiseaux de mauvais augure ont prédit les pires calamités, mais par la grâce de Dieu, rien de ces sombres pensées n'a été réalisé. Au contraire, nous avons assisté à une très belle fête. Une fête qui nous donne à croire en l'avenir de ce pays. Il était très important de voir le Président de la république arriver, pour la première fois à Bouaké depuis le 19 septembre 2002. Ce n'est pas un fait banal. Il était également important de noter, côte à côte, les Forces de Défense et de Sécurité de Côte d'Ivoire et les éléments de sécurité des Forces Nouvelles se tenant par la main pour adresser leurs prières à Dieu. Et pour faire le relais qui a permis à la flamme de la paix de partir de Tiébissou jusqu'au stade. Il était important et significatif pour notre pays de voir côte à côte, les généraux Philippe Mangou et Soumaïla Bakayoko, les têtes des deux armées qui se sont combattues, tenir ensemble la flamme de paix pour aller la remettre au président et au Premier ministre afin que les armes soient brûlées. Il était encore intéressant de voir ces deux chefs militaires faire un échange croisé d'armes avec le Président de la République et le Premier ministre. Ce sont des temps forts qui sont déterminants pour l'avenir de notre pays. En plus, cela s'est passé sans aucun incident. Il y a lieu de remercier Dieu.

N.V. : Toutes les coordinations dont vous avez la charge ont-elle fonctionné comme vous le souhaitiez ?
K.M. : La perfection n'est pas de ce monde. Je pense d'ailleurs, que la perfection est triste parce qu'elle est exclusive de tout espoir d'amélioration. Mais, je dis que chacun, dans sa commission, a donné le meilleur de lui-même. C'est le résultat auquel nous avons assisté. Je peux dire que je suis satisfait de ce qui a été fait. Seul Dieu peut faire zéro faute. Et, une manifestation de cette envergure, c'est difficile de la réussir sans aucun accroc. Il y a eu quelques petits problèmes. Je voulais m'en excuser auprès de tous ceux qui ont pu éprouver quelques désagréments. Mais la volonté n'a jamais manqué de faire en sorte que tout le monde soit satisfait.

N.V. : Pensez-vous que l'incinération des armes peut changer quelque chose dans la mentalité des Bouakéens?
K.M. : Nous souhaitons que la fête du lundi soit le début d'un vrai changement. Au moment des préparatifs, j'avais insisté, particulièrement, pour qu'une place spéciale soit faite aux déplacés qui ont peur de revenir chez eux. Je pense qu'après ce qu'il nous a été donné de voir à la fête, ils seront plus encouragés à revenir. Moi qui ai l'habitude de venir depuis un certain temps à Bouaké, c'était assez remarquable de constater des embouteillages dans la ville. Cela faisait longtemps qu'on a pas vu ce spectacle. La veille de la fête, nous avons assisté à des embouteillages dans les rues de Bouaké, même la nuit. Il y avait des animations, ce qu'on n'avait pas vu à Bouaké depuis le début des hostilités. C'est un signe d'évolution de la situation. La cérémonie de lundi, avec tous les symboles forts et tous les messages qui ont été délivrés, va marquer le point de départ de la véritable renaissance de Bouaké.

N.V. : Des Bouakéens interrogés ont exprimé leur déception devant la persistance du problème d'eau après le séjour des 5 chefs d'Etat dans leur ville. Qu'en dites-vous ?
K.M. : Je vais demander à la population de patienter. Parce que des problèmes qui se sont accumulés depuis cinq ans ne pouvaient pas tous être résolus, à la perfection, dans le délai qui a été imparti au comité d'organisation. Qu'ils prennent d'abord ce qui a été fait, étant entendu que la reconstruction va suivre immédiatement et dans ce cadre-là, le nécessaire sera fait. Il était difficile de régler tous les problèmes de Bouaké à l'occasion de la cérémonie de la Flamme de la paix? qui a été organisée sur une période d'une semaine.

N.V. : Après la cérémonie, nous nous sommes rendu compte que Bouaké s'est subitement vidée. Des mesures seront-elles prises pour capitaliser les acquis de la Flamme de la paix? ?
K.M. : Que Bouaké ait été désertée après la cérémonie peut s'expliquer. Il faut reconnaître qu'en raison de la situation de guerre, Bouaké n'offre pas les meilleures perspectives en terme hôtelier. La capacité d'hébergement est très faible. Ceux qui sont venus de l'extérieur n'ont pas tous été logés. Je parle de la grande masse, les jeunes. Ils sont restés au concert et dans les structures mises en place pour l'animation jusqu'à la cérémonie. Ils étaient obligés de repartir parce que le problème d'hébergement se pose. Mais je ne désespère pas que les gens vont s'organiser pour revenir. Ils vont tirer les leçons de ce qu'ils ont vu. Je suis persuadé davantage de ce que la paix est irréversible.
Je pense que les mesures à prendre dépassent les compétences d'un simple secrétariat technique. Mais la manifestation d'hier (lundi), compte tenu de son importance, à mon avis, fera l'objet d'une communication en conseil des ministres pour tirer toutes les leçons et dressera les perspectives pour toutes les zones qui étaient sous contrôles des Forces nouvelles

N.V. : Quelles leçons tirez-vous de cette cérémonie ?
K.M. : J'ai été impressionné par l'engouement qui a entouré cette cérémonie. Nous avons senti que les gens voulaient la paix. Ma conviction est, qu'aujourd'hui, celui qui va tenir un langage autre que celui de la paix risque de se trouver confronté à la majorité des Ivoiriens. C'est mon intime conviction. On a senti véritablement que les Ivoiriens voulaient aller à la paix ; que ce chemin qui est tracé et qui est désormais irréversible est devenu leur chose. Je crois qu'aujourd'hui, que ceux qui veulent qu'on sorte de cette situation de crise sont de loin beaucoup plus nombreux que ceux qui veulent que la guerre se perpétue. C'est vrai qu'il y a des gens qui tirent profit de la situation. Mais avec l'évolution des choses, ils sont appelés à disparaître.

N.V. : Comment le ministre de la Justice que vous êtes, compte-t-il saisir cette dynamique de la flamme de la paix pour booster les activités de son ministère, notamment les audiences foraines et le redéploiement des magistrats ?
K.M. : Ce qui s'est passé est une dynamique. Nous allons essayer de profiter au maximum de cette dynamique. Parce que, c'est dans les esprits que cela se passe. Nous pensons que la cérémonie va ouvrir encore plus les esprits et faciliter les choses sur le terrain. Notamment, les rapports entre les hommes, entre les formations politiques, les populations.

N.V.: Des leaders politiques ont brillé par leur absence. Cela ne constitue-t-il pas un grain de sable dans la machine?
K.M.: Je pense qu'il faut aller au-delà de la présence physique des personnes qui n'ont pas pu venir. En organisant cette cérémonie, nous n'attendions pas que tous les 18 millions d'Ivoiriens soient au stade de Bouaké. Ces personnes ont certainement de bonnes de raisons de ne pas venir. Quand vous les verrez, posez leur la question. Il faut retenir que ces personnes se sont fait représenter à un très haut niveau. C'est le plus important. Au point où nous sommes, il faut aller de l'avant, sur le chemin de la paix. Il faut positiver et ne pas regarder dans le rétroviseur.

N.V. : Blé Goudé et certaines personnes se sont offusqués de voir la flamme de la paix venir au stade par les soins d'un militaire français. Quand on sait la polémique sur la présence de l'armée française en Côte d'Ivoire, surtout après l'attentat manqué contre le Premier ministre, n'était-ce pas possible que la flamme soit portée par un élément des FDS ou des FAFN ?
K.M. : Sur ce point précis, seuls les militaires pourront être plus précis que moi. C'est vrai, on a vu la flamme rentrer dans le stade. Mais, ce que les gens ne savent pas, c'est que la flamme est partie de Tiébissou. Ça été un relais entre les militaires de toutes les quatre forces armées présentes en Côte d'Ivoire : les Forces nouvelles, les Forces de défense et de sécurité, l'ONUCI et la Licorne. Peut-être que le hasard des relais a fait qu'au moment où la flamme de la paix devrait rentrer au stade, devant la grande masse de la population, c'est un militaire français qui l'avait. Je crois savoir que la flamme est rentrée cinq minutes plutôt que prévues. C'est certainement ces circonstances qui ont fait que, à cet instant spécial, la flamme de la paix se soit retrouvée aux mains d'un militaire français. L'essentiel est que la flamme de la paix soit arrivée, et qu'elle ait servi à faire le bûcher.

Interview réalisée à Bouaké par Allan Aliali et Faustin Yao. K.

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