jeudi 2 août 2007 par Fraternité Matin

Après la cérémonie du 30 juillet dernier, le plus dur reste à faire pour maintenir et raviver cette flamme. Dans sa brillante intervention à la cérémonie de la Flamme de la paix le lundi 30 juillet 2007 au stade municipal de Bouaké, le Premier ministre Soro Kigbafori Guillaume, secrétaire général des Forces nouvelles, a fait une importante recommandation au Chef de l'Etat. Il lui a, en effet, demandé de transformer l'essai, le Bûcher de la paix, en une paix durable. Une recommandation de taille dans un pays qui s'efforce de sortir de 5 années de crise, elle-même fomentée par douze ans de haine, de méfiance et de défiance, c'est-à-dire depuis le retour du multipartisme en Côte d'Ivoire. Une recommandation de taille dans ce pays où le mérite n'a plus de sens, la raison n'a plus de place. Seuls comptent les intérêts qu'on acquiert au grand dam de toutes les normes et éthiques sociales.
Comment donc, construire une paix durable lorsque la justice est au ban de la société? Lorsque la corruption et l'extorsion de fonds sont entrées dans les m?urs et n'émeuvent plus personne? Lorsque ceux qui sont chargés (les Forces de l'ordre) de veiller à l'application de la loi sont les premiers à la transgresser?
Bref, comment bâtir une pais durable dans un pays complètement étranglé à la fois par la cupidité et la pauvreté? Nous venons de passer cinq jours (du vendredi 27 au mardi 31 juillet 2007) à Bouaké, dans la zone centre nord ouest (CNO) dite zone Forces nouvelles. Où vivent deux catégories d'hommes. Il y a ceux qui exerçaient, avant la guerre, une activité rémunérée ou génératrice de revenus qu'ils ont délaissées pour intégrer la rébellion dans l'espoir d'un changement du régime ou mieux-être.
A la faveur du retour à la paix, ceux-là n'attendent plus que la reprise de leurs activités. Ils sont moins anxieux et moins crispés. A l'inverse, il y a ceux qui n'étaient rien avant la crise et qui se sont fait une placeau soleil à la faveur de la rébellion. Ceux-là, de toute évidence, éprouvent une certaine tiédeur à aller à la paix. Non pas qu'ils soient foncièrement contre cette paix (encore que depuis 2003 prévaut une situation de ni paix ni guerre). Mais tout simplement parce qu'ils ont peur de retomber dans l'anonymat et le désoeuvrement. Ces personnes sont nombreuses et c'est à elles qu'il faut redonner espoir, pour éviter que la désillusion crée en elles des envies nocives et préjudiciables à la paix retrouvée.
Face à ces maux qui minent la société ivoirienne non seulement depuis l'éclatement de la crise en septembre 2002, mais aussi avant, que faire pour asseoir une paix durable? Et c'est ici que l'appel du Premier ministre Soro Guillaume prend tous son sens car c'est à l'Exécutif qu'il incombe de lutter contre ces maux dans une République. La Côte d'Ivoire est malade de son administration minée par la corruption et le népotisme ; malade de ses forces de l'ordre viscéralement portées sur l'extorsion de fonds aux usagers à qui des traitements humiliants sont parfois infligés; malade de ses hommes politiques qui ont érigé l'hypocrisie, la haine et la division en mode de vie; malade de sa jeunesse qui, faute de repère, se laisse manipuler par les hommes politiques et autres potentats dont elle devient les bras armés prêts à tout y compris prendre le raccourci de la guerre. Ce devoir d'éducation civique et de saine occupation incombe en premier lieu à l'Etat qui doit créer les infrastructures adéquates. Dans un pays où la crise profonde qu'il est en train de traverser n'a pas empêché certains citoyens d'organiser des grèves intempestives jusqu'à la satisfaction de leurs intérêts corporatistes au détriment des difficultés de l'Etat, que doit faire le Chef de l'Etat pour obtenir de ses compatriotes une paix durable ?
A la vérité, l'appel du Premier ministre Soro Guillaume à bâtir une paix durable, transcende la crise de cinq dernières années pour se poser en termes de refondation ( le mot est bien à propos) de la société ivoirienne. Refonder la mission des forces de l'ordre pour que l'on cesse de les accuser de mettre le pays en péril en ne faisant pas correctement leur travail de sécurisation aux frontières et dans les différents points de contrôle. Refonder la jeunesse en lui apprenant à se défaire du gain facile et de la politique de la main tendue etc. C'est pourquoi le service civique national, initié par le Chef de l'Etat, est le bienvenu en cette période de sortie de crise. Il redonnera espoir aux milliers de jeunes, du sud comme du nord, qui ont compris que la violence ne leur apporte rien de durable. Dans la zone Forces nouvelles, la désillusion est plus grande pour de nombreux jeunes réduits aujourd'hui à quémander quelques pièces d'argent pour pouvoir survivre. Vieux père si vous allez, parlez de notre situation. La guerre est finie mais on souffre, nous confiaient certains jeunes ex-combattants lors de notre récent séjour à Bouaké. Où le désir de paix ne fait plus l'objet d'aucun mystère. Chacun y va cependant à son rythme selon la manière dont il a vécu la crise. L'essentiel, c'est d'avancer et de ne plus reculer. La paix est là ! Elle est irréversible, soutiennent Laurent Gbagbo et Soro Guillaume. Prière que Dieu qui a organisé ce Bûcher de la paix, pour paraphraser le Président béninois, touche également les c?urs de tous ceux qui semblent encore se mettre en travers du processus ou qui traînent les pas.

Abel Doualy

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