mercredi 1 août 2007 par Fraternité Matin

Monsieur le ministre, quel bilan pouvez-vous faire de la Flamme de la paix? au lendemain de son organisation?
De façon partielle, nous pensons que la fête de la paix que nous avons voulu célébrer hier (avant-hier lundi 30 juillet 2007, ndlr), a tenu toutes ses promesses. Il s'agit à la fois d'une fête institutionnelle, d'une fête militaire et d'une fête populaire. Institutionnelle, parce que avec l'arrivée, pour la première fois à Bouaké, du Président de la République, des présidents des Institutions de la République, la célébration de cette fête par l'Etat représenté au plus haut sommet, c'est le symbole que cet Etat se redéploie. Militaire, parce qu'elle a consisté à brûler des armes comme symbole de l'adieu aux armes. Populaire, parce que la population est exceptionnellement sortie. Ce qui a donné à la fête toute sa couleur. Sans oublier bien entendu, l'autre point important qui est la solidarité de la sous-région et de tout le monde envers la Côte d'Ivoire. Car, hier (avant-hier, ndlr), il n'y avait pas que des Chefs d'Etat de la sous-région, il y avait aussi le monde entier. Il y avait les représentants de grands pays, des membres du Conseil de sécurité des Nations unies, des membres de l'ONUCI et bien entendu plusieurs autres institutions internationales et invités de marque qui sont venus témoigner de toute leur solidarité par rapport à l'élan que nous avons pris et qui mérite d'être maintenu.
La Flamme de la paix? est la conséquence de l'Accord de Ouagadougou dont la Présidence de la République et les Forces nouvelles (dont vous êtes le porte-parole) sont les signataires. Etes-vous aujourd'hui comblé?
Tout à fait. Pour nous, Forces nouvelles, l'organisation de cette fête était un défi. Car, beaucoup de choses se disaient, s'écrivaient. Les gens se posaient des questions quant à la capacité des Forces nouvelles et de leurs militaires à entrer dans le processus de paix dans lequel nous sommes. Des gens attribuaient, à tort, de mauvaises intentions aux populations, prétendant même parler en leur nom, comme pour dire qu'elles ne nous suivent pas. Je pense que ces esprits chagrins en ont eu pour leur compte. Hier (avant-hier lundi), il y avait ici (Bouaké), tout l'ouest, tout l'est, tout le nord, tout le sud, bref, toute la Côte d'Ivoire. Et la Côte d'Ivoire a pu constater si effectivement les populations restées ici veulent aller à la paix ou pas. Je pense que chacun a été un témoin oculaire de la chose. Nous avions à démontrer que nous sommes résolument inscrits dans l'Accord politique de Ouagadougou. Quand je dis nous?, entendez l'aile politique, l'aile militaire des Forces nouvelles, les populations. Organiser cette Flamme de la paix? à Bouaké était la garantie de cet engagement. Vous avez, vous-même, vu la mobilisation : les soldats, les populations, toutes les forces vives sont sorties massivement pour donner à cette fête toute sa splendeur. Nous sommes très satisfaits. Nous venons de relever un grand défi.
Au-delà de cette satisfaction, que voulez-vous que les Ivoiriens retiennent de cette manifestation?
Désormais, les Ivoiriens doivent retenir qu'il n'y a pas ici un compartiment quelconque qui soit opposé à la paix. Les Ivoiriens doivent retenir que les Forces nouvelles donneront tout, puiseront toutes les ressources en elles pour aller à la paix. Nous allons démontrer encore d'autres choses, d'autres capacités pour témoigner de notre bonne volonté et de notre disponibilité à aller à la paix. Qu'ils retiennent que les populations ont suivi, elles ont été solidaires de l'invitation du gouvernement. Cette fête a été celle de tous les Ivoiriens. Chacun y a mis du sien, chacun y est allé de son imagination pour que le 30 juillet soit ce qu'on a voulu qu'il soit. Que chacun retienne que la réunification du pays est une réalité par l'Accord de Ouagadougou et que cette réunification est en marche. Retenons que les populations, de part et d'autre, sont déjà dans la phase de réconciliation; elles se sont déjà pardonné; elles se sont acceptées et sont en train de former un bloc pour que désormais, il n'y ait plus de faille. Au niveau militaire, l'engagement est aussi total. Les militaires sont engagés dans la voie de la réunification des deux armées avec un esprit élevé de leurs responsabilités. Cela veut dire que toutes les conditions sont réunies aujourd'hui pour aller à une paix profonde en Côte d'Ivoire.
Certes il y a eu de grandes présences comme vous le notiez tantôt. Mais il y a aussi eu des absences remarquées, celles des présidents du PDCI, Henri Konan Bédié, et du RDR, Alassane Dramane Ouattara, alors que nous savons que le Premier ministre avait entrepris des démarches particulières auprès d'eux pour qu'ils viennent à Bouaké. Comment avez-vous perçu leur absence à la fête?
Je ne voudrais pas porter de jugement sur ces absences. Je souhaite qu'on retienne que toute la Côte d'Ivoire était réunie ici hier (avant-hier, ndlr). La communauté sous-régionale et internationale y était. Bien sûr que nous aurions souhaité que les quelques leaders absents soient présents, même si je ne connais pas les motifs de leur absence. Mais vous voudriez noter avec moi qu'il y avait d'autres leaders politiques qui étaient là. Pour les signataires de Marcoussis qui avaient été invités, nous avons vu le professeur Francis Wodié, président du PIT, Pascal Affi N'Guessan, président du FPI, Anaky Kobena, président du MFA. Mabri Toikeusse, le président de l'UDPCI, était lui-même de la partie technique, les Forces nouvelles également. Oui, de tous les signataires, il n'y en a que deux qui étaient absents mais ils se sont fait représenter. Certes leur présence aurait été un poids. Mais le fait qu'ils se soient fait représenter doit nous contraindre à accepter qu'ils sont engagés avec nous dans le processus et s'ils n'ont pu venir à Bouaké pour cette occasion, nous osons espérer qu'ils seront aux autres rendez-vous; parce que Bouaké ne s'arrête pas. Bouaké est le top départ de la réunification. D'autant que nous avons des sollicitations de partout. Les populations de l'ouest veulent revivre ce que nous avons vécu à Bouaké. Pareil pour les populations du Denguélé (Odienné), de Korhogo, de Bouna. Je pense d'ailleurs que le gouvernement se doit d'analyser ces demandes pour que ce qui s'est passé à Bouaké puisse se perpétuer dans toutes les zones centre, nord et ouest afin de rendre effectif ce qui a commencé et de l'approfondir.
Dans le cadre du G7, à la veille du dialogue direct, les Forces nouvelles ont invité leurs partenaires à Bouaké.
La réunion n'a pu se tenir, parce que certains leaders n'ont pas voulu s'y rendre. A la Flamme de la paix?, MM. Bédié et Ouattara n'ont pas effectué le déplacement. Les Forces
nouvelles se sentiraient-elles lâchées par certains de leurs alliés?
Non, non. Vous connaissez un peu notre position. Nous sommes dans un processus qui est conduit par notre premier responsable à la suite d'un accord que nous avons signé. Ce qui compte aujourd'hui, c'est la dynamique de cet accord et les forces qu'il met en présence. Le Président de la République et le Premier ministre, appuyés par le gouvernement, ont décidé de cette cérémonie d'hier (avant-hier, ndlr). Cela n'a rien à voir avec la réunion du G7 de l'avant Ouaga. je voudrais d'ailleurs rappeler que le gouvernement comprend toutes les parties signataires de l'Accord de Marcoussis. C'est donc un gouvernement d'union nationale, si on veut. A partir de ce moment, un acte que le gouvernement, le Président de la République et le Premier ministre posent, doit pouvoir engager tout le monde. Hier (avant-hier, ndlr), nous avons constaté que de tous les signataires de Marcoussis, deux n'ont pu être physiquement présents. Je répète que je n'en connais pas les motivations, et j'ajoute qu'ils auraient été là que la fête aurait été plus belle. D'autant que malgré leur absence, elle l'a été. Ce sont des symboles, des leaders. Les voir à la Flamme de la paix?, aux côtés du Président de la République, du Premier ministre, des membres du gouvernement, des autres leaders politiques présents, des chancelleries et de tous ces Chefs d'Etat de la sous-région, aurait ajouté quelque chose à la fête. Cela aurait être bien perçu et aurait pu éviter bien des commentaires. Car, des commentaires se feront, certainement. Mais nous, Forces nouvelles, nous disons que ne connaissant pas les motivations de leur absence, nous nous en tenons au fait que le Premier ministre et Secrétaire général des Forces nouvelles a invité solennellement tous les Ivoiriens, dont ces leaders, à la Flamme de la paix; il a donc fait sa part. Il a créé les conditions pour recevoir tous ceux qu'il a invités, y compris la communauté internationale. Maintenant, ceux qui ne sont pas venus, c'est dommage. Prochainement, ils pourront être là, mais je ne sais pas si cela veut dire qu'ils ne sont plus dans le processus de paix. Je ne le crois pas. L'un des endroits qui était l'objet d'une grande attention, était l'aéroport de Bouaké. Finalement, tous les atterrissages et décollages s'y sont bien passés. Quels commentaires?
C'était l'un des défis majeurs du Premier ministre. Aux premières heures de l'après-attentat, il avait fait cette promesse ferme que Bouaké ne garde pas cette image de ce nous avons vécu lors de l'attentat. Il voulait que ce soit une ville sécurisée, paisible et que l'attentat ne remette nullement en cause le dispositif sécuritaire et la capacité des Forces nouvelles dans leur ensemble à aller à la paix. Le défi majeur était que, comme il l'avait dit, il reçoive les Chefs d'Etat ici à Bouaké, que les avions atterrissent à l'aéroport de Bouaké et qu'ils repartent de ce même aéroport sans encombre, en toute tranquillité. Je pense bien qu'il a mis les moyens pour réussir ce qu'il avait promis. En tout état de cause, nous pouvons dire que depuis le 30 juillet, le syndrome du 29 juin est effacé à jamais. Bouaké a été désinfecté des effets de l'attentat. C'est aussi cela l'engagement des Forces nouvelles. Quel que soit le coup qu'on nous portera, quels que soient les risques énormes que nous rencontrerons, le plus important sera pour nous de maintenir notre engagement d'aller à la paix par l'application de l'Accord de paix de Ouagadougou. C'est ce que nous avons démontré hier. Sauf que le Président Gbagbo n'a pas atterri sur cet aéroport. Oui. Mais, j'ai aimé que le Chef de l'Etat parcoure la distance de Yamoussoukro à Bouaké par la route. Pour moi, c'est un symbole plus fort, plus présent que de venir atterrir sur un aéroport et en repartir. Il a rallié Bouaké par la route, sain et sauf. Cela veut dire que la route n'est pas plus menaçante que l'air. C'est aussi une preuve que la liberté de circuler sur les routes devient un gage d'avancée dans le processus. A quoi les Ivoiriens doivent-ils s'attendre concrètement après la Flamme de la paix?
L'après 30 juillet, le Président de la République et le Premier ministre l'ont annoncé. Il faut continuer et même accélérer le processus. Désormais, le mot d'ordre, c'est: maintenir le cap, accélérer le processus. Cela va se concrétiser par le lancement très prochain des audiences foraines comme le Premier ministre l'avait annoncé. Il avait promis que dès cette semaine, il proposerait au Chef de l'Etat de signer le décret portant sur le redéploiement des sous-préfets, pour que suive l'opération des audiences foraines. A côté de cela, la question militaire va aussi connaître une avancée rapide. En tant que membre du CEA (Comité d'évaluation et d'accompagnement de l'Accord de Ouaga, ndlr), je peux vous dire que nous avons déjà finalisé un accord. Il s'agit maintenant de l'adopter et le rendre public. C'est cela le challenge. Pour que les autres questions liées au processus de désarmement et de réunification de l'armée puissent avancer. A cet effet d'ailleurs, le facilitateur, le Président Blaise Compaoré, a invité les deux parties signataires de l'Accord à Ouagadougou le 8 août. Afin de finaliser rapidement ce dossier. Mais à côté de cela, il y a aussi les autres chantiers, tels le retour des déplacés de guerre, la réouverture des centres de service civique, qui connaîtront certainement une accélération. Je pense que le top départ du processus vient d'être donné hier et nous ne pouvons qu'avancer sereinement dans le reste du processus.
Et la question des grades?
Le problème des grades est contenu dans l'accord que nous allons bientôt cosigné et rendre public. Il prend en compte non seulement la question des grades, mais aussi le processus de réunification des deux armées. Je puis vous assurer qu'il ne saurait exister de problème de grade. Est-ce à dire que le citoyen lambda n'a plus besoin de laissez-passer pour venir dans les zones centre, nord, ouest (CNO)?
Bien entendu. C'est cela le symbole. Maintenant, il faut le matérialiser. Ainsi à partir du 30 juillet, chaque camp devra traduire cela dans les actes sur le terrain, tant au sud qu'au nord. Les entraves à la liberté de circuler sur toute l'étendue du territoire national doivent être levées, les dispositifs sécuritaires de guerre doivent être démantelés. Il faut même aller rapidement à la levée du système sécuritaire de guerre qui a été valable tant au nord qu'au sud. Je pense que ce sont des chantiers qui, très bientôt, vont connaître des réformes profondes pour le bonheur des populations. Quand vous dites bientôt?, c'est quand? Est-ce que les deux forces abordent ces questions franchement?
Bien sûr. Elles en parlent. C'est le principe de la concertation permanente. Les points, même s'ils n'ont pas été prévus par Ouaga et qu'ils peuvent avoir des influences directes ou indirectes sur l'Accord, sont soumis à discussion au niveau des deux parties, pour qu'on leur trouve rapidement des solutions pratiques. Ces questions font déjà l'objet d'étude. Je ne m'avancerais pas, sinon je suis convaincu qu'à ce jour, les militaires des deux forces ont déjà une solution pratique sur un schéma de sécurisation du processus dans lequel on est et un schéma de sécurisation du pays tout entier.

Interview réalisée par
Pascal Soro
envoyé spécial à Bouaké

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